Château de Suscinio dans le Morbihan en Bretagne. Image d'illustration. ©Bas Boerman / Flickr

L’auteur et professeur émérite à l’Université du Mans Joël Blanchard, est un spécialiste reconnu des XIVe et XVe siècles. Avec cette nouvelle étude intitulée La fin du Moyen Age, il revient sur cette période souvent assimilée à tort « au déclin et au désenchantement ».

 

L’image suivante est souvent retenue pour représenter ces deux siècles : « Guerres, épidémies, famines, violences s’abattent sur le royaume de France au fil d’un affrontement qui dura plus d’un siècle et demi, la guerre de Cent Ans. Après plus de trois siècles d’heureuse continuité et de glorieuse légitimité capétienne, crise de succession, révoltes populaires et princières se multiplient sous les premiers Valois, plongeant le royaume de France dans un cycle de désastres et de redressements ».

Ce tableau se montre quelque peu effrayant, mais l’intention de l’auteur n’est pas de « céder à cette image crépusculaire obligée ». De même, il n’adhère nullement à l’idée de Michelet qui évoquait en son temps « l’agonie du Moyen Âge afin d’illustrer ce passage chaotique vers une renaissance flamboyante ». Le but avoué de Blanchard ne se situe pas dans le fait d’accorder des bons ou des mauvais points sur ce temps historique, mais de dire tout simplement ce qu’il fut et ce qu’il ne fut pas. Il écrit à juste titre le propos suivant : « Sans vouloir minorer les tourments et les aspirations d’une société politique ébranlée dans ses croyances et ses pratiques, le présent livre se propose de revenir sur ce Moyen Âge tardif si singulier ».

 

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En définitive, tout au long de ces trois cents pages riches et réellement intéressantes, Blanchard répond à cette question fondamentale : « Le bilan ne serait-il pas moins négatif, moins marqué par un déclin qui semblait inéluctable aux yeux des historiens des deux derniers siècles ? » Il développe dès le départ une analyse essentielle au sujet de l’Histoire : « On sait la difficulté que présente la périodisation de l’histoire, les débats qu’elle suscite chez les historiens et, surtout pour le Moyen Age, la tendance actuelle à envisager l’existence d’un Moyen Âge long du XIIIe au XIVe siècles, qui correspond à la genèse et au développement de l’Etat moderne. Il commence au XIIIe siècle, peut-être même avant, quand la réforme grégorienne, ce que l’on a coutume d’appeler le second christianisme, refonde l’Occident ».

Ce n’est donc pas un hasard si l’auteur encadre son étude par la grande guerre d’alors. Il précise : « Le choix du cadre plus traditionnel de la guerre de Cent Ans et de la disparition des principautés territoriales a le mérite d’aller à l’essentiel. Il correspond à un moment décisif de l’histoire intellectuelle, celui marqué par le développement des nouvelles formes de production écrite, dans les Cours et dans les chancelleries ». De fait, en étudiant cette période, l’erreur serait de ne se consacrer qu’à un seul phénomène. Cette posture intellectuelle aurait pour conséquence d’amener les analyses produites à des fourvoiements majeurs : « S’en tenir à une seule explication empêche de circonscrire exactement le problème que pose le règne des premiers Valois. Car les temps, nous l’avons dit, sont à la crise : crise économique avec ses cycles de pénurie monétaire, de thésaurisation pour les uns, d’endettement massif pour les autres ; crise politique et diplomatique avec son cortège de guerres endémiques ; déflation démographique liée aux épidémies ». Ainsi, l’auteur énonce que « l’image des Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (guerre, famines, peste, bêtes fauves) fréquente dans les récits des chroniques médiévaux, constitue l’arrière-plan, la trame transparente de nos analyses ».

 

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Cependant, il convient de ne pas avoir en tête que ces seuls aspects, car la Fin du Moyen Âge s’avère être une époque « inspirée, savante, bouillonnante d’idées neuves et traversée d’une rare vitalité créative ». Les idées circulent, certains réfléchissent à l’organisation d’une nouvelle société – sans pour autant remettre en cause la notion de royauté comme en 1789 – pendant que la grande noblesse réclame déjà plus de pouvoir. La bourgeoise grimpe tout doucement l’échelle sociale et aspire à contrôler la monarchie, à l’image d’Etienne Marcel prévôt des marchands de Paris, qui entend faire plier l’autorité royale. La question de la tyrannie semble occuper nombre d’esprits, d’où les envies de limiter les pouvoirs royaux. Il existe également de grandes controverses théologiques, philosophiques et intellectuelles qui animent cette époque. Blanchard les présente, les restitue dans leur contexte et nous comprenons à travers ces différentes joutes que ce furent deux siècles très riches.

Blanchard écrit que « ce livre se présente moins comme une histoire des théories et des idées politiques que comme la tentative de saisir l’heure du danger, l’espace entre le dedans et le dehors. La liberté, la force d’anticipation de la fiction, est capable de restituer ces moments rares où alternent espoir et crainte, à l’heure où tout menace de s’effondrer. Il s’agit moins de définir la dimension dogmatique de l’Etat que de lui restituer sa contingence ». Nous considérons cette étude comme la réhabilitation de deux siècles méconnus et surtout vilipendés pour de mauvaises raisons : « La critique est aisée, mais l’art est difficile… »

 


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