Image d'illustration. ©Claudius Dorenrof / Flickr

Franck Abed est politologue et historien. Dans cet entretien, il revient sur l’actualité de cette fin d’année en France et à l’international. Tour d’horizon.

 

Charles de Blondin : L’actualité a été plus que mouvementée ces dernières semaines. Entre attentats, confinement, vaccins, etc… Que retenez-vous ?

Franck Abed : Il est toujours difficile de dégager un événement parmi tant d’autres, car il existe une interconnexion très forte entre tous. L’actualité défile à une vitesse toujours plus grande. Or, comme un bon ou un mauvais repas, une information se digère pour pouvoir l’analyser sereinement, loin du politiquement correct, du consensus, de l’émotionnel et du sentimentalisme.

Au sujet des attentats, il est maintenant indéniable que la République en France ne protège pas les millions de Français que nous sommes. Des simples mesures de bon sens auraient dû être prises depuis des années dans l’intérêt supérieur de notre pays. Je pense plus particulièrement à la réaffirmation de nos frontières, la prison à perpétuité pour les terroristes, l’expulsion des délinquants étrangers et l’arrêt de l’immigration massive officielle ou clandestine.

Malheureusement ces thèmes de légitime défense ont été accaparés par certains groupes politiques, qui loin de les défendre avec perspicacité et intelligence, les ont ringardisés à cause d’attitudes bêtement provocatrices et fondamentalement stériles. D’autres attentats violents frapperont le territoire national car le personnel politique en place depuis des lustres n’entend pas apprendre de ses erreurs et tirer les leçons qui s’imposent. Les moyens mis à dispositions de nos forces de l’ordre sont largement insuffisants. Néanmoins, il manque au pouvoir en place, avant de parler de moyens financiers ou d’arsenal juridique, une vision, du courage, et de la volonté politique.

Avec le confinement, le déconfinement, le reconfinement, et le confinement allégé, le gouvernement de Macron – que ce soit sous Philippe ou Castex – a plus que démontré son incompétence. Entre les hésitations, les contradictions au sommet de la hiérarchie politique, les reculades, les effets d’annonce, les mauvaises décisions, quelle personne sensée pourrait encore leur accorder le moindre crédit ? Beaucoup ne parlent que des conséquences économiques et financières de ces deux blocages gouvernementaux. Ils oublient aussi les conséquences politiques, humaines et psychologiques qui exploseront tôt ou tard.

Quant au vaccin contre la Covid-19, c’est un sujet complexe, politique, économique et un peu médical. Cette course à l’antidote entre les différents laboratoires procède plus d’une volonté pécuniaire que du bien-être des patients. Il est effrayant de consulter la presse et de constater que des laboratoires et des entreprises privées énoncent des chiffres de réussite comme si elles jouaient au loto : 70 % pour l’une, 90 % pour l’autre et ainsi de suite ! Cette surenchère ne semble pas près de s’arrêter. Selon les normes conventionnelles, il faut entre 10 et 13 ans pour commercialiser un vaccin. Ces délais semblent aujourd’hui tombés aux oubliettes, car des vaccins anti-Covid devraient être disponibles dès 2021. L’urgence qui est avancée comme argument ne doit pas reléguer la prudence au second plan.

Je suis intimement convaincu que le gouvernement ne devrait pas imposer l’obligation vaccinale, pas plus qu’il n’interdit aux Français de fumer, alors que les conséquences sanitaires de cette activité sont reconnues par tous comme très dangereuses. Chaque Français devrait pouvoir exercer son libre arbitre et assumer ses responsabilités dans la gestion de sa santé. Je pense qu’il devient urgent de sortir du système de l’État-Providence ou de l’État-Papa-Maman.

En définitive, les sujets d’actualités récents ou plus anciens nous rappellent que pour gérer un pays correctement et dignement, la dimension du temps est fondamentale. Or, celle-ci se révèle illusoire dans un système politique où le Président change tous les cinq ans. N’oublions pas que le chef de l’Etat doit en plus donner des gages à ceux qui ont financé sa campagne et prendre en compte une opinion publique changeante au gré des diktats médiatiques. Dans ces conditions, la défense et la promotion du bien commun ne peuvent être que des chimères.

 

C.DB : Les mesures de confinement ont entraîné la fermeture des commerces non essentiels (restaurants, librairies…). Peut-on dire que c’est « une petite France » qui se meurt ?

F.A : Pour quelles raisons dire « petite France » ? Pourquoi faudrait-il penser que notre pays se perd et s’épuise dans les seuls méandres du confinement ? A dire vrai, je suis intimement convaincu que la France meurt du libéralisme et de l’esprit libertaire. La France se consume également à petit feu à cause du républicanisme et du démocratisme. La France étouffe à cause d’un Etat obèse qui veut s’occuper de tout et régenter nos vies dans les moindres détails. À force de vouloir tout diriger, la République finit par tout mal gérer. Finalement, comment respecter un gouvernement qui détermine que les livres ne sont pas des produits ou des biens de consommation essentiels ? Il n’y a rien de bon à attendre d’un système politique qui méprise autant le spirituel, le culturel, et par définition les Français.

Des compatriotes ont perdu leur travail, d’autres subissent le chômage technique ou ferment leurs entreprises car les Français ne peuvent plus s’y rendre ou ne disposent pas de l’argent nécessaire pour faire leurs emplettes. Certains croulent sous les dettes car ils ne perçoivent plus d’argent de leur employeur ou de leurs clients. Des Français ne retrouveront jamais leurs emplois. De nombreux chefs d’entreprises ne pourront pas continuer leurs activités quand cette période noire sera terminée. J’espère vraiment qu’un jour les responsables de ces mauvais choix assumeront leurs responsabilités.

Le gouvernement, pour calmer la fronde qui monte, promet déjà un revenu universel, et certains politiques parlent aussi d’un revenu étudiant. Cette mise sous tutelle des Français ne peut pas être vue d’un bon œil. A terme, je subodore que les Français ne votant pas, ou votant mal, refusant la vaccination obligatoire ou toute autre directive étatique, se verront couper les subsides gouvernementaux. Et comme il sera de plus en plus difficile de trouver un travail, je vous laisse tirer les conclusions qui s’imposent.

Il est triste de voir le déclassement politique, économique et social de la France dû à des politiques inconséquentes. Nonobstant la situation difficile que nous traversons, ne tombons pas dans la déprime et la sinistrose. Gardons l’Espérance chevillée au corps et n’oublions pas que notre pays dispose de nombreuses ressources dont certaines sont encore insoupçonnées.

 

C.DB : En France, des milliers de catholiques sont descendus dans la rue la semaine dernière pour réclamer la réouverture des messes publiques dans les églises. Peuvent-ils faire plier le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin ?

F.A : Je remarque que d’une manière générale l’Église en France ne s’est guère montrée combattive. Il s’agit malheureusement d’une mauvaise tradition bien ancrée. L’attitude des évêques suite à l’annonce du deuxième confinement a oscillé entre communiqués de presse convenus et passivité. Combien de Monseigneurs ont montré l’exemple en allant sur les parvis des églises ou des cathédrales manifester avec le peuple catholique ? Avant de s’en prendre à l’Etat, certains devraient être capables de se remettre en question et de reconnaître les erreurs du « camp catholique ». De nombreux évêques et prêtres conciliaires ont trop souvent considéré la messe dominicale comme un repas entre amis et non comme le Saint Sacrifice. De fait, il ne faut guère s’étonner que les catholiques en général et le clergé soient à peine mieux traités que les restaurateurs.

Il est navrant que dans un pays catholique, ou disons-le plus clairement avec une tradition catholique authentique vieille de 1500 ans, que notre culte soit jugé comme une activité non essentielle. Les temples de la consommation restent ouverts, par contre le dimanche, nos prêtres ne peuvent célébrer publiquement la messe sous peine de dénonciations et d’amendes. Heureusement, cette mesure inique est levée pour être remplacée par une directive niant la réalité et la diversité de nos paroisses : 30 personnes pour assister à la messe. Ils ne savent donc pas au gouvernement qu’il n’y a rien de comparable entre une cathédrale de centre-ville et la petite église de mon village ? Nous sommes dirigés par des gens inconséquents qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.

Paradoxalement, la récente mobilisation de la hiérarchie catholique contre cette nouvelle mesure gouvernementale inepte semble faire réfléchir le gouvernement. Cette jauge de 30 personnes est une véritable injustice qui ne demande que réparation.

 

C.DB : Aux États-Unis, le candidat à la présidentielle Joe Biden a remporté le plus grand nombre d’électeurs. Donald Trump l’a accusé de tricherie. Quelle image a pu donner cette présidentielle dans le monde ?  

F.A : La plus grande « démocratie du monde », expression à prendre forcément entre guillemets, a montré un spectacle déplorable. Cette campagne ne fut pas remarquable dans le bon sens du terme. Petites phrases, moqueries, grossièretés, insultes ont accompagné cette élection américaine. Les projets politiques sont passés au second voire au tiers plan parce que les querelles de personne prirent le dessus. La politique ne doit jamais être réduite à une affaire personnelle. Et que dire de ce dépouillement interminable sur plusieurs jours ? De ces résultats contestés par le sortant ? De ces polémiques qui continuent encore en ce moment ?

Que la première puissance mondiale offre ce catastrophique visage devrait faire prendre conscience à ceux qui en doutent encore qu’il est urgent que la France retrouve une pleine et entière souveraineté. Il paraît très inquiétant de voir que les États Unis d’Amérique présentent tant de fragilités institutionnelles et de désordres sociaux, comme le montrent les différents affrontements entre les pro-Biden et les pro-Trump.

 

C.DB : Avec la défaite de Trump, les populistes du monde entier perdent-ils leur « égérie » ?

F.A : Pour le moment, Trump est encore officiellement le Président de son pays. Son camp et lui-même contestent avec vigueur le résultat des élections en évoquant des fraudes massives. Il est vrai que certains retournements de tendances au cours du comptage des voix peuvent apparaître comme suspects. Nous verrons bien si Trump possède de réelles preuves et s’il se montre vraiment décidé à aller jusqu’au bout.

Les médias affectionnent de ranger les chefs d’États dans des cases. Il existe une certitude : les alliés traditionnels des américains, en particulier Israël et l’Arabie Saoudite, resteront fidèles à leur alliance, que ce soit Biden ou Trump à la tête du pays. Quant aux autres chefs d’État estampillés populistes, ils pensent avant tout à la souveraineté de leur pays plus qu’à la réélection de Trump. Je ne pense donc pas que les chefs d’État, européens ou non, qualifiés à tort ou à raison de populistes, soient véritablement des pro-Trump. Nous sommes en présence de pragmatiques qui contrairement aux derniers présidents de la République en France pensent avant tout à défendre les intérêts de leurs pays.

Je remarque également qu’en France, une partie non négligeable du « peuple de droite » apprécie Trump, en oubliant ou en feignant de se rappeler que sa politique étrangère ne fut jamais favorable à la France et à l’Europe. Il y a chez toutes ces personnes une naïveté qui peut paraître déconcertante, mais qui en réalité ne l’est pas quand on se souvient que ce « peuple de droite » a donné ses faveurs à Nicolas Sarkozy, à Jean-Marie Le Pen et plus récemment à Marine Le Pen. Cette réelle méconnaissance de la politique démontre fondamentalement que, contrairement à ce qu’ils pensent, les Français sont loin d’être un peuple réellement politique…

 

C.DB : En Russie, les députés viennent de voter l’immunité à vie des anciens présidents. Vladimir Poutine est-il un homme intouchable ?

F.A : Il est vrai que selon le projet de loi voté par les députés, un ancien Président ne peut faire l’objet de poursuites criminelles ou administratives, ni être arrêté, fouillé ou interrogé. En revanche, si un ancien Président se voit accusé de trahison, la donne peut changer. Toutefois, la loi est bien ficelée car ces accusations doivent alors être appuyées par la Cour suprême et la Cour constitutionnelle et soutenues par les deux tiers des députés de la Douma – chambre basse du Parlement – et par le même nombre de sénateurs du Conseil de la Fédération – chambre haute. Il faudrait un réel cataclysme politique pour en arriver là.

Les opposants à Poutine exposent l’idée suivante : c’est une loi de et seulement pour Poutine, même si Medvedev fut officiellement le président de 2008 à 2012. Chacun sait que ces dernières années l’opposant Alexeï Navalny, l’a plusieurs fois accusé d’avoir reçu des pots-de-vin de la part d’oligarques et de diriger un empire immobilier constitué illégalement. N’oublions pas que le 14 mars 2020, Vladimir Poutine a signé l’amendement de la Constitution lui permettant de briguer deux mandats supplémentaires. Il est au pouvoir et entend y rester le plus longtemps possible.

Poutine vit actuellement, toute proportion gardée, la même situation que Bonaparte à partir de 1802. Tous deux, après avoir conquis le pouvoir et restauré la grandeur de leur pays, à l’intérieur comme à l’extérieur, en stabilisant les institutions, se retrouvent devant l’épineuse et terrible question de leur succession. Bonaparte, après avoir multiplié les recours lui permettant de garder le pouvoir d’abord pour dix ans, puis à vie, a décidé d’appliquer le principe de l’hérédité pour lui et sa famille dans le but de pérenniser son action. Néanmoins, cela faisait à peine une dizaine d’années que la royauté avait quitté le champ politique : l’idée monarchiste restait encore profondément ancrée dans la société française, même si celle-ci avait été fortement combattue. Cette réflexion sur la nature du pouvoir, la faiblesse des institutions reposant sur un seul homme, conduira Napoléon Bonaparte à être sacré Empereur des Français le 2 décembre 1804.

Poutine doit se poser des questions similaires : quel successeur ? Comment le choisir ? Son projet politique perdurera-t-il après lui ? Poutine n’est pas plus démocrate que ne le fut Bonaparte. Cependant, il doit malgré tout rester vigilant avec la haute administration et les services secrets qui, certes, partagent l’idée de la grandeur Russe, mais sans pour autant verser dans le tsarisme. Poutine, en tant que croyant et fin politique, sait pertinemment que tout ici-bas peut être remis en question. De fait, il n’est pas intouchable car la maladie et surtout la mort peuvent lui rappeler la condition précaire de l’existence humaine. Ainsi, même s’il tente de tout mettre en place sur le plan institutionnel pour garantir son héritage, Poutine reste poussière et il retournera à la poussière comme nous l’enseigne l’Écriture…

Propos recueillis par Charles de Blondin 

 


Vous avez apprécié l’article ? Aidez-nous en adhérant ou en faisant un don !

2 thoughts on “Attentats, confinement, interdiction du culte public, le gouvernement «a démontré son incompétence»

Laisser un commentaire

RSS
YouTube
LinkedIn
LinkedIn
Share
Instagram

Merci pour votre abonnement !

Il y a eu une erreur en essayant d’envoyer votre demande. Veuillez essayer à nouveau.