Projet de restauration de la façade de Notre-Dame de Paris

En 1844, la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris est entreprise par Viollet-le-Duc. Retour sur une sauvegarde contestée du patrimoine français.

 

Un patrimoine à entretenir

À la suite de la Révolution française, la cathédrale Notre-Dame de Paris a connu un certain nombre de dommages et une absence totale d’entretien. Il faudra attendre la Monarchie de Juillet et la création d’un poste d’inspecteur général des monuments historiques en 1830 pour que l’état de la cathédrale préoccupe les autorités en place. Se trouvant dans un tel état de délabrement, il était envisagé de l’abattre totalement.

La restauration-sauvetage commence en 1844 sous la direction d’Eugène Viollet-le-Duc pour se terminer en 1864 après 20 ans de travaux. Tout sera mis en œuvre pour redonner son éclat d’antan à l’une des plus célèbres cathédrales au monde. En 1845, les crédits votés s’élèvent très précisément à 1 973 882,67 francs pour la réfection de Notre-Dame et à 664 491,83 francs pour la reconstruction de la sacristie incendiée. Mais les fonds se révèlent rapidement insuffisants. Après une interruption de huit ans, les travaux reprennent en 1859 grâce à une dotation supplémentaire de 3 millions de francs. C’est l’équivalent de plus de 14 millions d’euros qui sont nécessaire à sa rénovation.

 

 

Une nouvelle flèche

Non, la flèche d’Eugène Viollet-le-Duc n’est pas la première flèche de Notre-Dame. Vers 1250, une flèche couronnait déjà cette intersection entre la nef principale et le transept. Il s’agissait d’un clocher, orné de sept cloches au XVIIe siècle et qui, menaçant de s’effondrer, a été démonté entre 1786 et 1792.  La flèche avait donc disparu de la mémoire des parisiens. Lorsque les grands travaux de restauration sont lancés, Viollet-le-Duc décide de construire une nouvelle flèche de 93 mètres de haut en reprenant la forme de celle de la cathédrale d’Orléans. Cette pointe dressée vers le ciel est flanquée des statues en cuivre des douze apôtres et des quatre évangélistes. L’une d’elles, une équerre à la main, tourne le dos aux autres et contemple le haut de la flèche : c’est saint Thomas (patron des architectes). Viollet-le-Duc lui a donné son propre visage contemplant désormais le sommet de son œuvre et le coq (contenant un fragment de la Couronne d’épines, une relique de saint Denis et une autre de sainte Geneviève). La flèche culminant à 93 mètres de haut et d’un poids de 750 tonnes est inaugurée en 1859. Pour protéger sa charpente de chêne de Champagne, elle est recouverte de plomb.

 

La restaurations des statues

Durant la Révolution, des sculptures sur la façade ont tout bonnement été décapitées : les sans-culottes avaient confondu les monarques bibliques avec les rois de France. Les grandes statues des trois portails sont totalement détruites. Viollet-le-Duc reconstitue cette galerie des rois disparue et rétablit les statues dans leur aspect du XIIIe siècle. Pour ce faire, il s’appuie sur certaines statues retrouvées lors de fouilles archéologiques sur le site de Notre-Dame, tandis que d’autres sont copiées sur des cathédrales gothiques comparables.

 

La galerie des rois et la rosace

Un architecte contesté

Viollet-le-Duc est particulièrement attaché à l’architecture gothique. Refusant d’utiliser des matériaux modernes comme le fer, il privilégie ce qu’il pense être une restauration fidèle aux techniques des premiers bâtisseurs de cathédrales. Il n’hésite donc pas à intervenir largement sur l’édifice pour lui rendre une cohérence stylistique même si cela n’est pas toujours avéré d’un point de vue historique, et cela bien qu’il s’appuie sur l’étude des archives et le résultat de fouilles. Mais l’architecte ne s’arrête pas à la simple restauration des sculptures, il en crée aussi, et dote le haut de la façade de dizaines de chimères de son cru. De même, il installe les statues d’Adam et Ève sur la façade, au niveau du deuxième étage, alors que les sources historiques montrent qu’elles ne s’y sont jamais trouvées.

Certains de ses choix sont remis en cause. Comme ce Christ qu’il fait apparaître en façade, pour combler le vide au-dessus du trumeau central, sculpture issue d’une synthèse entre la représentation de Jésus observée à Amiens et celle de Chartres. On lui reproche de trahir le travail de ses prédécesseurs en imposant son propre style. « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné » disait-il. Cette phrase créera la discorde entre l’architecte et les écoles de restauration.

D’autres critiques, enfin, font remarquer que Viollet-le-Duc, contrairement aux grands principes affichés lors du concours, s’approprie l’architecture de Notre-Dame et qu’il n’hésite pas, à l’occasion, à inventer des éléments n’ayant jamais existé. Ainsi, pour remplacer les tuyaux de plomb installés au XVIIIe siècle, Viollet-le-Duc dessine et fait sculpter des gargouilles. Ces créatures fantastiques, qui trônent aujourd’hui au-dessus de l’édifice et contemplent Paris du haut de la façade, sont tout droit sorties de son imagination.

 

Chimères de Viollet-le-Duc

Les travaux prennent fin le 3 janvier 1865. Eugène Viollet-le-Duc aura consacré vingt ans de sa vie à ce chantier. Il est notamment connu pour la réhabilitation de la flèche, la restauration de la galerie des rois et ses divers ajouts de statues Ses travaux archéologiques et sa doctrine en matière de restauration ont révolutionné l’architecture. Pour autant, nombre de ses pairs refusent de le reconnaître comme l’un des leurs. Quant au bilan très critique de son travail, il perdurera jusqu’après sa mort, le 17 septembre 1879. Alors qu’on lui a longtemps reproché ses anachronismes, ses mutilations, voire son appropriation de Notre-Dame, on loue aujourd’hui le travail du créateur qui, en cherchant à exalter l’architecture du Moyen Age, a fait de Notre-Dame de Paris l’un des plus beaux édifices de la capitale.

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