Le taux d'abstention a atteint 65,7% au second tour des régionales le 27 juin 2021.

Franck Abed est écrivain et politologue. Dans cet entretien, il revient sur les résultats des élections régionales et départementales et dresse un bref paysage de la vie politique française à un an de l’élection présidentielle.

 

Charles de Blondin : L’abstention a atteint des sommets lors de ces dernières élections départementales et régionales. Dans certaines régions, sept électeurs sur dix ne se sont pas déplacés, comment l’expliquer ?

Franck Abed : Les Français, pour la très grande majorité d’entre eux, restent très intéressés par la vie politique de leur pays. L’abstention exprime simplement leur profond mépris, parfaitement compréhensible, voire un ras-le-bol envers la politique politicienne, les mensonges, les trahisons et les fausses promesses. L’abstention ne doit pas être considérée comme un renoncement ou l’envie de ne pas agir. Bien au contraire, ce fut un acte politique majeur, fort et mûrement réfléchi.

Cette dernière est le phénomène majeur de ces élections. Les politiques et les grands médias espéraient un « sursaut démocratique », pour le deuxième tour en appelant à la « mobilisation citoyenne ». Ce vœu pieu et cet appel montrent leur totale déconnexion avec la réalité. S’ils avaient clairement analysé la situation politique de notre pays, ils auraient compris que l’abstention était un choix fort et volontaire et non la marque d’un profond désintérêt.

 

C.DB : Nous avons pu, lors de ces élections, observer que les professions de foi des candidats n’avaient, pour beaucoup d’entre elles, pas été distribuées. A cela s’ajoutait un manque d’information sur les enjeux des deux élections et une incompréhension sur la manière de voter. Cette abstention record évoquée plus tôt, peut-elle aussi trouver sa source dans le déroulé même du scrutin ?

F.A : Le manque de clarté sur les élections a certainement joué à la marge mais non pour la masse. Quant aux professions de foi non reçues ou non distribuées, la lumière devra être faite sur cette ténébreuse affaire. Cependant, il ne faudrait pas que ce manquement masque le profond désaveu subit par la République à cause d’une entreprise privée qui ne sut pas accomplir les missions pour lesquelles elle fut grassement rétribuée.

A l’heure de l’internet, des réseaux sociaux, nos compatriotes qui voulaient vraiment se renseigner sur les enjeux du scrutin ou trouver les textes des professions de foi manquantes auraient aisément glané toutes les informations nécessaires pour voter. Un électeur qui désirait vraiment voter serait parti mettre son bulletin dans l’urne quoiqu’il arrive.

Mon propos se veut extrêmement clair : les Français par leur volonté abstentionniste, fort appréciable, lors des deux tours ont infligé une gifle cinglante à toute la classe politico-médiatique. Aucun des représentants de cette dernière ne tire les conclusions qui s’imposent. De toutes les façons, même avec 1% de participation aux élections, les tenants du système les considéreront toujours comme légitimes.

 

C.DB : Faudrait-il prendre en compte le vote blanc ?

F.A : Je pense qu’il devient impératif de prendre en compte le vote blanc et d’appliquer la règle suivante : à partir d’un certain seuil dépassé, les élections sont à refaire. Cette logique pourrait également s’appliquer si un minimum d’électeurs ne votent pas. Le quorum me semble être une solution intéressante pour réhabiliter et crédibiliser le système électif. Prenons le cas de Xavier Bertrand qui est présenté comme l’un des grands gagnants des Régionales : sur 100 électeurs de sa région, 67 ne se sont pas déplacés. Sur les 33 qui ont voté, il a recueilli 52% des voix, soit 17 électeurs. Finalement et objectivement, il est élu par 17% des électeurs des Hauts-de-France. Est-il légitime sur le plan démocratique ? 17 électeurs sur 100 est-ce vraiment un gage de crédibilité et de confiance donnés par les habitants de cette région à Bertrand ? A ces questions, je réponds non sans hésiter.

 

C.DB : Le grand vainqueur désigné, le Rassemblement national, n’a pas réussi à faire se déplacer ses électeurs dans les isoloirs, pourquoi ?

F.A : Le discours du Rassemblement National s’est normalisé et aseptisé selon les volontés de sa figure de proue numéro 1. Le Rassemblement National est devenu un parti politique comme un autre qui n’aspire qu’à une chose : assurer une rente financière aux responsables de ce mouvement. Marine Le Pen a mené une stratégie de dédiabolisation, pour reprendre l’expression qu’elle employa en 2010, pour mener son parti à la victoire. C’était son principal argument pour justifier ce virage politique. Au demeurant l’utilisation de ce terme de « dédiabolisation » pose question. En effet, si elle a voulu dédiaboliser son parti, cela voulait-il dire que celui-ci était « diable » ou une incarnation de celui-ci ? Etonnante réflexion diront certains. Pas tant que cela, si on se souvient que Gérald Darmanin – l’actuel Ministre de l’Intérieur – a évoqué « la marque satanique que représenterait une victoire du RN » quelques jours avant le premier tour.

Quoiqu’il en soit Marine Le Pen a expliqué avec force et conviction depuis plus de dix ans que les « provocations » du passé – les déclarations de son père ou certains agissements de cadres et de militants – nuisaient au parti. Les jeux de mots douteux et les comportements caricaturaux n’ont certainement pas aidé ce mouvement, mais croire que le Front National a échoué depuis 1972 à cause de cela, c’est oublier l’essentiel de la politique : le combat des idées. Cela ne relève pas du hasard si le président par intérim du RN Jordan Bardella a déclaré il y a peu au sujet de l’éventuelle candidature d’Eric Zemmour à la présidentielle de 2022 : « Le combat politique, ce n’est pas le combat des idées ». Tout cela montre clairement que le RN se fourvoie totalement dans ses analyses.

 

C.DB : La stratégie du Rassemblement National est-elle mauvaise ?

F.A : Suite aux résultats des élections de cette année, le constat se montre implacable et ne souffre d’aucune polémique : la stratégie du RN impulsée par Marine Le Pen est un échec. Elle est devenue présidente du FN en 2011 avant d’en changer le nom en 2018. Elle a perdu lors des élections présidentielles de 2012 et 2017. En 2012, elle était arrivée troisième. En 2017, elle avait perdu très nettement au second tour face à Emmanuel Macron. Il faut bien avouer que sa prestation lors du débat de l’entre deux tours fut réellement catastrophique. Elle n’a pas principalement perdu à cause de son incapacité à débattre, mais cela n’a fait que confirmer aux yeux des Français qu’elle ne pouvait prétendre à la magistrature suprême. Elle présente trop de lacunes pour y parvenir.

Depuis 2011, son parti a conquis quelques villes mais aucune région. Après 2017, elle aurait dû avec son état-major réfléchir aux conditions de ses défaites successives. Elle a pensé que l’emballage RN et l’historique du FN suffiraient à s’imposer comme une force politique pouvant briguer les premières places. Il n’en est rien. Elle a continué comme si de rien n’était. Pourtant, il n’y a plus beaucoup de valeureux cadres au sein de son mouvement et le nombre de militants diminue. Aucune personnalité n’émerge. Les seules qui avaient gagné leurs galons médiatiques dirigent maintenant leur parti, leur institut, ou préfèrent se considérer comme des alliés et des partenaires du RN sans en être formellement quand ils n’en ont pas été chassés comme des malpropres. Cela en dit long…

 

C.DB : Le score du RN peut-il engager un débat tendant à questionner la légitimité de Marine Le Pen sur le plan national à un an de l’élection présidentielle ?

F.A : Seuls les membres des mouvements droitistes – en marge du RN – posent cette question de la légitimité de Marine Le Pen. Celle-ci sera bien candidate en 2022. Aucun membre du RN n’a le courage ou la pertinence politique pour dire publiquement que Marine Le Pen doit se remettre en question et même laisser sa place à la tête du parti. Que ce soit Macron ou les ténors des LR, ils rêvent tous d’être contre elle au second tour, car c’est la victoire assurée. Cependant, il n’est pas du tout certain que Marine passe le premier tour en 2022. Je n’écris pas qu’elle sera forcément disqualifiée mais je pense que ses chances d’être au second tour se sont réduites parce qu’elle a loupé moultes occasions pour bien faire entendre ses différences sur des sujets cruciaux : immigration, attentats, gestion de la crise sanitaire, abandon du Franc et de la sortie de l’Union Européenne…

 

C.DB : Une montée en puissance du parti Europe Écologie Les Verts était aussi très attendue, pour autant la vague verte ne semble pas au rendez-vous. Les écologistes ont-ils atteint leur plafond de verre ?

F.A : Étant donné la faiblesse de la participation, il n’y a pas eu de vague bleue, rose, rouge, verte, etc. Je ne pense pas que les écologistes aient atteint leur plafond de verre. Ils pâtissent d’une campagne médiocre dans un scrutin peu clair et lisible comme nous l’avons écrit plus haut. Ajoutons à cela la défiance presque générale pour le corps politique et le manque d’implantation locale et vous comprenez leur échec patent. Malgré tout, reconnaissons que les écologistes posent parfois de vraies questions. Néanmoins, les réponses apportées par leurs porte-voix politiques sont presque tout le temps catastrophiques et démagogiques. Les Français ont pu voir les actions menées par des maires Verts. Ils ont peut-être compris que l’idéologie rouge-verte peut se définir comme intrinsèquement dangereuse.

Toutefois, il ne faut pas enterrer EELV trop vite. N’oublions pas que chaque jour ou presque les médias diffusent des messages alarmants concernant l’écologie, le réchauffement climatique, la pollution, les gaz à effet de serre, les fontes des glaces, etc. Ce mouvement politique bénéfice donc d’une campagne promotionnelle quasi permanente. C’est un atout non négligeable pour imprégner les esprits…

 

C.DB : Cette élection nous a permis aussi d’observer l’absence de la France insoumise et de La République en marche au sortir des urnes. Ces deux formations politiques sont-elles en voie de décomposition ?

F.A : Les élections municipales avaient déjà montré que LREM était un parti fantoche. La déculottée prise lors de ces élections confirme ce que tous les esprits lucides savaient : LREM est un parti dirigé par une caste déconnectée du peuple et des réalités mais soutenu par toute l’infrastructure médiatique. Les élections départementales et régionales montrent une nouvelle fois l’aspect fantomatique de cette organisation politique qui ne dispose en réalité d’aucune implication locale. Macron est un homme seul soutenu par certains médias. A l’aune de ces explications, je ne dirai pas que LREM est en décomposition. En revanche, je poserai la question suivante : LREM, en tant que parti politique, est-elle née un jour ?

La France Insoumise paie les errements idéologiques de Jean-Luc Mélenchon et ses sorties médiatiques malheureuses. Le principal danger de LFI comme son principal atout reste Jean-Luc Mélenchon. Son agressivité, ses propos caricaturaux, son manque de lucidité sur les enjeux de société ont grandement contribué à la perte de crédibilité de LFI. De même, les dernières élections ne profitent pas à des mouvements comme LFI ou le RN, car il s’agit de scrutin de liste à la proportionnelle. Lors de la présidentielle, les Français votent pour un homme ou une femme et au scrutin majoritaire. Précisons également que les rivalités internes à LFI en vue de l’élection présidentielle ont pu jouer dans le manque d’engouement des militants et des cadres. Rajoutons à cela une campagne invisible, un scrutin peu clair, et la volonté des Français de marquer leurs désaccords profonds par l’abstention et vous disposez des principales explications pour comprendre l’échec magistral de LFI.

 

C.DB : Mais paradoxalement le Parti socialiste et Les Républicains, trépassés depuis quatre années semblent être touchés par un regain de vitalité. Le clivage théorisé par Emmanuel Macron entre « nationalistes » et « progressistes » est-il encore valide, ou revient-on progressivement à l’éternel clivage « droite » / « gauche » ?

F.A : Là encore, c’est aller vite en besogne que de parler de « regain de vitalité » avec une participation aussi faible. Ces deux mouvements ne doivent pas crier victoire trop vite et faire preuve d’humilité. N’oublions pas que la participation arrive difficilement à 35% pour les élections départementales et régionales (respectivement 34,36% de 34,69%) au deuxième tour. Comme pour la présidentielle de 2017, les gagnants sont élus par une minorité de Français. Cela pose d’emblée la question de la légitimité des nouvelles chambres et relativise grandement la portée de leurs victoires.

Le PS et LR ont gagné car ils bénéficient d’implantations locales depuis des années. Pour ces élections régionales tous les sortants furent réélus. Les électeurs ont préféré donner leur suffrage aux candidats déjà en place, malgré les réserves qu’ils pouvaient exprimer, que de tenter l’incertitude de nouvelles équipes. Cela démontre une nouvelle fois le légalisme voire le conformisme des électeurs. Pour LR, n’oublions pas que Bertrand et Pécresse avaient pris leur distance avec leur parti politique après des discussions et des déclarations houleuses. Aujourd’hui, ils reviennent plus ou moins dans le giron du parti-mère, et les manœuvres des prochains mois entre les vainqueurs des régionales estampillées LR seront intéressantes à analyser.

En temps de crise, on gouverne souvent au centre par nécessité, pragmatisme et réalisme politiques. Cependant, la politique de l’extrême centre ne dure qu’un temps, car les vieilles habitudes refont surface. Pourtant, depuis 2017, on nous vend un duel Macron-Le Pen pour le deuxième tour de 2022, mais suite aux dernières élections, les médias commencent timidement à évoquer un duel Macron contre un candidat LR. Ils oublient que les deux futurs champions annoncés, Macron et Le Pen, pourraient être balayés – pour des raisons différentes – dès le premier tour.

La vie politique républicaine depuis 40 ans démontre que très souvent certains furent enterrés trop vite par les médias et les politiques, avant de revenir en force. Qui aurait pu croire, il y a encore quelques mois, que Xavier Bertrand serait présidentiable ? Personne. Wauquiez était donné mort après la lamentable prestation de son parti aux Européennes. Après cette défaite mémorable, il a démissionné de la présidence des LR, et tout le monde ou presque l’a mis de côté. Il a travaillé discrètement et aujourd’hui il semble bien positionner parmi les LR pour prétendre à l’élection suprême, alors que sa légitimité démocratique paraît aussi très mince.

 

C.DB : La Corse est, nous pouvons le noter, la seule région dans laquelle un semblant d’entrain a existé dans le fait de voter. Le futur de la démocratie n’est-il pas finalement le retour à des régions puissantes par rapport à la centralisation parisienne que notre pays connaît de nos jours ?

F.A : L’idéologue centralisatrice est une plaie pour nos libertés provinciales. En tant que catholique et monarchiste, je défends le principe de subsidiarité. Il est évident qu’il faut en finir avec la gabegie des départements et démanteler ces nouvelles régions qui ne respectent pas, dans la plupart des cas, les provinces charnelles et historiques.

Il est vrai qu’en Corse, la participation affiche un taux de 57% au deuxième tour, après avoir atteint un peu plus de 56% au premier tour. Mais comme en Histoire, il ne faut jamais oublier le contexte. Le caractère insulaire renforce l’adhésion à des valeurs communes. De plus, les Corses ont un fort attachement à leur identité et leur histoire. Les Corses ont toujours aimé la politique et ces élections constituent un moment fort de la vie politique locale. Cette région est aussi la moins peuplée de la France métropolitaine, ce qui renforce volontiers l’attachement aux candidats qui se présentent. Le succès relatif de la participation est plus à rechercher dans les éléments précédemment décrits que dans l’idée d’une région Corse forte. Les autonomistes sont très actifs et pour de nombreux Corses, placer des autonomistes à la tête de la région constituent en quelque sorte un formidable pied de nez à la politique jacobine décidée à l’Élysée ou Matignon.

 

C.DB : Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces élections à moins d’un an de la présidentielle ? Les nouveaux présidents de région ont-ils une réelle chance de s’élever jusqu’à la magistrature suprême ?

F.A : Le danger serait de tirer des conclusions hâtives d’une double élection où deux électeurs sur trois ont préféré rester en famille que de voter. La réserve de voix des abstentionnistes est très élevée. A ce jour, il est quasiment impossible de savoir vers qui ils se tourneront le moment venu, d’autant que de nos jours, un an c’est vraiment très long. Il peut se passer énormément d’événements : nouveau confinement, reprise économique en berne, problèmes énergétiques (électricité ?), attentats islamiques, faits divers, etc.

La rentrée de septembre sera à observer avec acuité, encore plus si la menace des variants Covid-19 se voit confirmer par les autorités. Quelle sera la réaction de nos compatriotes face à la politique vaccinale dont on nous rebat les oreilles depuis des semaines ?

Les Français, dans l’ensemble, ont souffert du confinement, sur le plan psychologique, humain et financier. Les dominants ne mesurent pas à quel point la colère gronde. Les Français sont très patients, dociles mais à bout. Le jour où ils s’énerveront vraiment, ils ne prendront pas de gants et ne s’arrêteront pas à la moitié du chemin. Leur colère n’a pas encore explosé. Peut-être qu’elle se dissipera grâce aux vacances d’été… Ou peut-être que le gouvernement sortira de son chapeau une nouvelle loi d’écologie punitive, taxe sur les carburants, qui remettra dans la rue un, ou deux ou trois millions de Français.

Nous pouvons tirer plusieurs enseignements des élections 2021. A mon sens, les plus importants sont les suivants : aucun parti politique officiel ne comprend les aspirations profondes de la France et des Français, aucun mouvement politique à ce jour ne dispose de la capacité de réunir une grande majorité de mécontents avec un projet politique français et ambitieux. Nous avons eu également confirmation que les grands médias pourrissent la vie intellectuelle et politique françaises en promouvant un manichéisme étroit et un politiquement dit correct difficilement supportable pour un esprit sain…

Quant aux nouveaux présidents de région qu’ils se rappellent l’exemple de Ségolène Royal : ne pas avoir son parti pleinement avec soi ne permet pas de gagner. Qu’ils se souviennent des cas Sarkozy (2007) et Macron (2017) : avoir les médias comme soutien c’est la victoire quasi assurée. Cependant, les Français peuvent être surprenants. En 2005, alors que la très grande majorité des partis politiques et des médias militaient avec joie et dévotion pour l’établissement de la constitution pour l’Europe, nous avions dit Non à 55% avec une belle participation (70%). Je suis intimement convaincu que si les médias n’avaient pas été des outils de propagande en faveur du Oui, le Non aurait pu obtenir 70 voire 80% des suffrages exprimés. Que les lecteurs de cet entretien ne l’oublient jamais : « L’Histoire est le théâtre de l’imprévu ».

Propos recueillis par Charles de Blondin 

 


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