Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon lors d'un débat télévisé en 2017 pendant la campagne électorale. (Sipa)

Enfin la France retrouve des couleurs, mais la météo n’en porte pas l’entière responsabilité. Depuis plusieurs jours, l’ambiance morose du confinement, des couvre-feux et des concours de discours creux, semble s’effacer au soleil de l’été : bonjour les terrasses, les ambiances « caliente », et … les claques. Que ce soit une vraie mornifle pour Macron ou un sentiment de gifle pour Mélenchon, certains esprits éveillés enfoncent des groins.

 

Après un café à trois euros en terrasse et un jeu d’anecdotes au palais avec deux pieds nickelés, voilà que le Président de la République, Emmanuel Macron, va rendre visite aux « gaulois réfractaires ». La raison ? Prendre le pouls des Français, voir s’ils ne sont pas trop stressés, et pourquoi pas les écouter. La vraie raison ? Préparer une élection présidentielle qui ne semble pas gagnée d’avance pour lui : malgré 50 % d’opinions favorables selon le dernier sondage Ifop-Fiducial, il reste cependant au coude-à-coude avec Marine Le Pen dans les sondages.

 

Triste retour du Réel

Malheureusement, le chef de l’État, trop enthousiaste à l’idée de serrer des louches, s’écouter parler, et pourquoi pas offrir son portrait par portable interposé, a oublié que le monde dont il héritait et qu’il a encouragé était l’insécurité. Même Brigitte ne se serait pas privée de lui rappeler qu’à trop s’approcher de la barrière, on finit par attirer le lion qui se trouve derrière. L’enfant est têtu, c’est là son seul défaut. Est c’est à Tain-L’Hermitage, endroit tout à propos pour que surgisse l’acte de lèse-majesté, que Macron s’offre à son peuple. Courant à la foule, enfin à un petit groupe de personnes, le voilà refoulé en quelques secondes par une claque, il faut le dire un peu essoufflée, dont l’auteur, un jeune, cheveux longs, barbe mal taillée en guise d’étendard, lance un cri qui n’avait pas retenti depuis la dernière croisade : « Montjoie Saint-Denis, à bas la Macronie ! ». Le Puy-du-Fou s’exporte dans la Drôme.

L’acte est odieux, il faut en convenir. Frapper le Président de la République n’est pas un acte anodin car il salit l’honneur de l’Institution en levant la main sur le représentant de la Nation. Mais à y regarder de plus près, quel Président de la Ve République pouvait le mieux s’attirer un bourre-piffe, même mal ajusté ? Macron a préparé le ring en abaissant l’image présidentielle à celui d’un manager de startup et en faisant de l’Elysée une boîte de communication. Certes, Hollande et Sarkozy ont amorcé cette désacralisation, mais ils n’ont jamais tenté le diable. Emmanuel Macron veut se faire homme du peuple, celui-ci lui rappelle qu’il doit être d’abord le roi. Heureusement pour la macronie, il s’avère que le profil du « régicide » s’apparenterait à un homme d’extrême-droite (en effet, il suivrait sur YouTube Papacito et Julien Rochedy). Et à Mélenchon de se prendre en pitié pour la Tarte-à-Tain, car lui aussi a gouté à la violence fascisante.

 

Un sentiment de gifle pour Mélenchon ?

Même procédé que l’ami Macron : tendre le bâton pour se faire battre. Pour l’« ami du peuple », le tribunicien défenseur du métissage, du multiculturalisme et autres créolisations, la vidéo de Papacito sortie le dimanche 6 juin sur YouTube serait un appel au meurtre envers sa personne et ses électeurs. Violence intolérable pour l’Insoumis (sauf aux islamistes) pour qui il n’existe de violence que celle venant des gens qui ne pensent pas dans le camp du Bien. Ainsi, tambour battant, une conférence de presse est donnée le lundi 7 juin pour signer l’arrêt de mort médiatique, politique et social de celui que l’on nomme le « Roi des Wisigoths ».

Papacito, de son vrai nom Ugo Gil Jimenez, avait pourtant de quoi faire parler de lui avant même la vidéo incriminée. Ses entretiens accordés aux éditions Ring ainsi que dans d’autres médias, entre humour trash et avis politiques, ne cachaient pas un discours à la fois viril et nationaliste, très critique envers la gauche, en particulier celle de Mélenchon. L’homme manie l’art de la punchline avec panache et aiguise sa verve en s’inspirant du grossier et de l’univers médiéval pour témoigner des déshérences contemporaines. D’ailleurs, il ne cache pas ses opinions : royaliste, catholique et fan de boxe. En somme, tout ce que déteste le commun des républicains mortels.

«Méluche », de son vrai nom Jean-Luc Mélenchon, homme politique pétri des bonnes vertus décolonialistes, sait se saisir de l’occasion pour s’échapper du réel ainsi que de ses propos nimbés d’islamo-gauchisme. Ayant indigné l’opinion publique la veille en faisant des comparaisons douteuses entre présidentielles et attentats et en s’assignant le rôle de prophète d’un prochain acte terroriste entre les deux tours, Mélenchon a dû faire appel à sa carte maîtresse : « ma personne est sacrée ». L’aubaine est vite trouvée : une vidéo de Papacito explique sur le ton de l’humour (de droite) quel effet peut avoir l’attaque d’un terroriste sur un « gauchiste » en faisant la démonstration avec un fusil et un mannequin. Le message de Papacito, fidèle à ses dernières vidéos et ses livres, est de dénoncer les accointances de la gauche avec les milieux islamistes. Mais pour Mélenchon le second degré n’appartient qu’aux humoristes et journaux de gauche. De plus, Papacito est dangereux car il sait se servir d’une arme. On peut supposer d’ailleurs que le président de LFI n’a pas donné de conférence de presse à la suite de la mort de la fonctionnaire de police de Rambouillet, faisant simplement un tweet, car elle était de la police, et les policiers portent tous une arme, ou presque (idem pour les militaires, ces odieux factieux, et les chasseurs, ces mangeurs de biches).

Si la censure a eu raison de Papacito pendant quelques heures, sa tribune dans VA+, chaîne internet appartenant à Valeurs Actuelles, lui a permis de rappeler à Jean-Luc Mélenchon que la violence existe et qu’elle se partage. Quant à l’un de ses abonnés, dont la claque va lui coûter un séjour en prison, une chose est sûre : il y rentrera plus vite que n’importe quel délinquant multirécidiviste. Par ces deux gifles, comme les deux faces d’une même main, Macron et Mélenchon sont rattrapés par le réel. D’ailleurs ne devraient-ils pas se souvenir que dans la vie réelle : « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent » ? (M. Audiard, 100 000 dollars au soleil)

 


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