Travaux à Paris : les infrastructures sont-elles abandonnées ?

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De nombreuses pistes cyclables sont en construction dans la capitale depuis 2014.

La gestion municipale peut sembler paradoxale. Paris se trouve en chantier permanent avec pour conséquence d’excéder riverains comme automobilistes. Dans le même temps, nombre de ses infrastructures sont délaissées ou font l’objet d’un entretien hasardeux aux conséquences parfois pénibles. Pourtant, en renouant avec l’ambition et des services de qualité, la ville pourrait aisément redorer une image quelque peu écornée.

 

Une politique municipale paradoxale

Fin août 2019, Paris comptait plus de 8 000 chantiers en cours. Le chiffre, imposant, donne l’impression d’une municipalité omniprésente et responsable de ce « sentiment de trop plein », selon la mairie elle-même. Pour autant, 90 % de ces travaux relèvent d’acteurs privés ou d’opérateurs de réseaux : ainsi répond la Ville aux critiques sur le nombre et la permanence de ses chantiers. Cette justification occulte cependant deux faits notables. Le premier concerne l’ampleur de ces quelques 643 chantiers publics (par exemple des pistes cyclables) et leurs conséquences. Initié en septembre 2018, le réaménagement de la place de la Bastille a par exemple eu un impact sur les commerces, désertés par les riverains et les touristes. La circulation à Paris est devenue très difficile et tend à excéder les usagers de la route. L’année dernière, une altercation mortelle a eu lieu entre un chauffeur de bus et un conducteur. La tension générée par les travaux fut pointée du doigt à l’occasion de ce drame. Le nombre d’aménagements sur la voirie a sensiblement augmenté au cours des derniers mois. 

 

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Le 12 janvier 2019, une explosion due à la rupture d’une canalisation de gaz, rue de Trévise (9e), a tué quatre personnes. Le groupe d’experts mandatés a récemment mis en cause la responsabilité de la municipalité et d’une entreprise de travaux publics pour divers « manquements ». Florence Berthout, maire d’opposition LR du Ve arrondissement, explique pour sa part que « les rues de Paris n’ont jamais été en si mauvais état », amputées en cinq ans de 60 % des crédits d’investissements pour la voirie. « Les indemnisations des chutes de piétons et cyclistes pour cause de mauvais entretien de la voirie ont triplé sur la même période » ajoute-t-elle. Dans nombre de quartiers, ce sont les pieds d’arbres et l’éclairage public qui sont délaissés par la municipalité parisienne et les entreprises en charge de ces questions. Les actes de vandalisme ne sont pas étrangers à la dégradation du cadre de vie et des services, mais une réponse des autorités publiques et une volonté de réparer rapidement de la part des entreprises concernées fait cruellement défaut.

 

La nécessité de renouer avec la qualité

Paris seule bénéficie, et de loin, du plus important budget d’Île-de-France. Pour 2019, la Chambre de commerce et d’industrie Paris-IDF rappelle ainsi que la capitale dispose d’un budget de 9,83 milliards d’euros, soit plus du triple des Hauts-de-Seine, dotés d’une enveloppe de trois milliards d’euros. Paris a en outre créé des dispositifs utiles, à l’image de sa plateforme d’open data. Pour reprendre des thématiques déjà citées, les riverains peuvent par exemple aussi bien y trouver des informations et des données sur les chantiers susceptibles de perturber la circulation que sur l’éclairage public défectueux et dont le remplacement se fait parfois beaucoup attendre. Une attente d’autant plus difficile à appréhender que l’éclairage public comprend des enjeux particulièrement importants pour la ville et ses habitants.

 

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 Depuis quelques années les « villes intelligentes » se développent ou plutôt remplacent peu à peu les villes faites « de béton » et laissant échapper des quantités incroyables d’énergie (encore trop souvent fossile). Du côté européen, le modèle à suivre est sans conteste la capitale danoise, Copenhague. Outre des moyens de transport où le vélo est privilégié, la capitale du Danemark peut devenir neutre en carbone dès 2025. Une performance rendue possible en partie par un éclairage urbain optimisé reposant notamment sur la télégestion avec un ajustement de l’intensité lumineuse en fonction des zones et du trafic. Il s’agit là d’une gestion maîtrisée et rationnelle qui devrait inspirer les élus de Paris.

La capitale danoise peut revendiquer le titre de « smart city » tandis que Paris doit encore mener à bien cette petite révolution. Pour le moment, la municipalité parisienne montre qu’elle sait réagir dans des cas plus terre-à-terre comme l’a montré le lancement, fin mars 2018, d’un plan d’urgence pour traiter les nids-de-poule en hausse. Les principaux obstacles à des infrastructures performantes et en bon état peuvent donc être levés, mais ce sont bien des travaux qui participent à l’amélioration du mode de vie qui sont attendus.

Au regard des critiques formulées et des éléments exposés, les carences pourraient en effet être résolues par des approches que la ville semble pour le moment réserver à quelques infrastructures privilégiées. Le transport constitue son illustration la plus parlante. En mai 2019, la région Île-de-France avait ainsi communiqué sur les améliorations dont avaient bénéficié les transports parisiens en trois ans. Les réalisations sur le réseau ont été multiples : agrandissement, sécurisation, accessibilité, propreté, confort, nouvelles solutions – notamment « changer la route pour une mobilité plus écologique » et « préparer la mobilité du futur ». Cet exemple seul suffit à souligner les deux qualités majeures qui font aujourd’hui défaut à la municipalité dans la gestion et la performance de ses infrastructures : l’ambition et le recours à des professionnels compétents et concernés (pour les transports, le principal fournisseur est par exemple une référence, Alstom) afin de garantir la performance des produits et des services mais aussi montrer l’exemple.

Le dernier classement du World Economic Forum a mis en exergue la dégringolade de la France pour ce qui est de la qualité de ses infrastructures. 7e en 2015, elle est aujourd’hui 18e (15e pour les chemins de fer, 18e pour ses routes, 20e pour ses ports et eaux, 24e pour ses aéroports, et 43e pour son électricité), faute d’une volonté de « rétablir la situation en restaurant l’efficacité et la fiabilité de ces réseaux ». Une évolution qui semble similaire à celle d’une ville de Paris aux infrastructures en voie de dégradation dans de nombreux secteurs.

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