L'identité numérique permet l'identification de l'individu en ligne ainsi que la mise en relation de celui-ci avec l'ensemble des communautés virtuelles présentes sur le Web.

Alors que la Chine apparaît comme le meilleur élève en matière de surveillance, l’Europe dont la France paraît lui emboîter le pas.

 

Comme en Italie et au sein de l’Union européenne à laquelle la France a adhéré (ou plutôt ses parlementaires dans un vote contra-populum), notre pays a subi les assauts du crédit social. Un embryon d’embryon de crédit social existait déjà par l’intermédiaire de la notation sociale liée aux scores des banques et assurances mais aussi aux avis que tout un chacun poste sur des sites aussi variés qu’Amazon, Google ou Ebay. Par la suite, le crédit social « à la française » s’est développé selon deux dynamiques différentes mais complémentaires : une dynamique d’identification numérique propre à notre pays et une dynamique de déploiement à grande échelle de la reconnaissance faciale dans l’espace public.

 

L’identité numérique « à la française »

« A la traître ». C’est comme cela qu’a été passé le décret publié le 27 avril 2022, en catimini, quelques jours seulement après le second tour de l’élection présidentielle de 2022. Ce décret prévoit l’édification d’une identité numérique de la population française disposant d’une carte d’identité électronique et d’un téléphone muni d’une puce NFC. Cette identité numérique permettrait de regrouper, au moyen d’un accès unique sécurisé, les informations du compte Ameli (Assurance maladie), les dossiers fiscaux et les droits sociaux d’un individu.

Ce service similaire à FranceConnect permettrait de se connecter à plus de 1 000 sites déjà identifiés afin de produire des justificatifs d’identité, des procurations pour retirer des colis, des attestations pour faire la preuve de sa majorité, des procurations pour voter,… Si l’usage de l’application serait pour le moment facultatif, force est de constater que cette identité numérique promise par le gouvernement tend, semble-t-il, à mettre en œuvre la politique de Bruxelles et donc, à rendre les résultats européens tant redoutés d’autant plus probables.

 

La mise en place à grande échelle de la reconnaissance faciale

Si le gouvernement français n’a pas osé mettre en place des expérimentations de crédit social comme en Italie, les parlementaires français ont, du moins, essayé d’en préparer les moyens afin de rendre une telle réglementation effective dans un futur proche. Ainsi, le 11 mai 2022, la Commission des lois du Sénat a émis un rapport portant sur « La reconnaissance biométrique dans l’espace public » et promettant « 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance ». Un titre qui pourrait prêter à sourire si le sujet n’était pas aussi grave. En effet, a priori, aucun risque de dérive vers une société de surveillance n’existe en l’espèce, en l’absence d’usage de la reconnaissance biométrique à grande échelle en France.

Cette dernière est en effet limitée en France au Traitement des antécédents judiciaires, à des expérimentations dans certaines villes (Nice) ou dans certains lieux (Aéroports de Paris) et au passage des frontières extérieures. Le Sénat propose donc de limiter les risques en étendant la reconnaissance faciale, notamment, aux situations d’enquête, de renseignement, de recherche d’auteurs et de victimes potentielles d’infractions graves ou encore de permettre d’en user pour la sécurisation « de grands évènements présentant une sensibilité particulière ou les sites particulièrement sensibles face à une éventuelle menace terroriste ». Comprenez donc tous les lieux que souhaiteront surveiller les magistrats du siège dans le cadre de la police judiciaire ou les préfets dans le cadre de la police administrative.

 

Une reconnaissance faciale limitée ?

Cette extension majeure de l’usage de la vidéosurveillance est toutefois selon les parlementaires limitée afin de ne pas abuser de telles prérogatives. « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » rappelait Marlène Schiappa citant Spiderman. Ainsi, des lignes rouges sont tracées par les rapporteurs du rapport d’information. L’interdiction du crédit social est actée ; même si dans les faits cet outil de reconnaissance faciale pourrait être utilisé pour un tel projet. L’interdiction de la catégorisation des individus sur des bases ethniques, sexuelles, ou d’orientations sexuelles, l’interdiction de l’analyse des émotions et l’interdiction de la surveillance biométrique en temps réel dans l’espace public font aussi leur apparition. Ces trois interdictions font toutefois l’objet d’exceptions comme l’utilisation des informations précitées à des fins sanitaires, scientifiques, ou d’ordre public. Les rapporteurs rappellent que ces lignes rouges se veulent semblables juridiquement aux lignes rouges fixées en matière de bioéthique, lignes rouges qui ne furent jamais respectées.

Notons ensuite que ce rapport préconise l’exploitation de la reconnaissance faciale de manière expérimentale pour une durée de trois ans. A la fin du rapport, toutefois, il est précisé qu’à l’issue de cette phase de trois ans « le Gouvernement et le Parlement » seront amenés « à réévaluer le besoin et recadrer le cas échéant le dispositif en fonction des résultats obtenus » et non pas à interrompre l’expérience si nécessaire. Tout porte à croire que cette expérimentation se révèle en réalité plus pérenne que l’on voudrait nous le faire croire.

 

Une autorisation explicite

Par ailleurs le rapport prévoyait de conditionner certaines mesures à l’aval des individus par l’intermédiaire de leur consentement explicite. Élan démocratique anéanti par ce même rapport expliquant sa volonté de passer par « des assouplissements des modalités pratiques du recueil du consentement », notamment par l’intermédiaire du recueil de consentement groupé. Deux évolutions délétères se dessinent par la suite : celle de la permission de l’utilisation de telles technologies par des acteurs privés et celle de la création d’une base d’images à l’échelle de l’Union européenne qui aura aussi pour mission d’évaluer la fiabilité des algorithmes de reconnaissance faciale (le tout dans une partie nommée de manière hilarante « souveraineté technologique »).

L’arbitraire des personnes procédant à la mise en place de mesures serait enfin limité selon le rapport par des principes généraux comme le principe de subsidiarité fondé sur la nécessité absolue de la mesure, le principe du contrôle humain systématique et le principe de la transparence de l’usage de ces technologies. Des principes creux et détournables à souhait pour un juriste ou un homme politique un minimum créatif. Pour conclure sur le cas français, nous ne pouvons que constater ceci : si le crédit social n’est pas implanté politiquement en France à l’heure qu’il est, ses mécanismes insidieux se mettent en place à grands pas.

 

Les 5 grandes étapes du crédit social

Au travers de la politique chinoise et de ses possibles démembrements européens, 5 grandes étapes permettent de constater le basculement de l’État vers un crédit social.

Étape 1 : L’État décide de compiler les données personnelles de chaque individu afin de fonder les bases d’une identité numérique dans le but, selon l’argument consacré, de « rendre aux citoyens l’administration de leurs vies plus simple au moyen d’un outil centralisé ». (Cf France, Union européenne)

Étape 2 : L’État engage une politique de dématérialisation de sa monnaie et/ou inclut les problématiques monétaires au sein de l’identité numérique. L’usage plus aisé d’une monnaie dématérialisée et sa propreté face aux pièces et billets dans une optique sanitaire sont invoqués. (Cf Italie)

Étape 3 : L’État montre sa volonté de moralisation de la société et de sanctionner les déviances morales au sein du crédit social composé de l’identité et du porte-monnaie numérique. Ainsi, un modèle fondé sur l’avantage est établi afin de faire adhérer les citoyens à cette optique avant de mettre en place une dynamique plus punitive. (Cf Italie)

Étape 4 : L’Etat engage l’installation de la vidéosurveillance de manière générale comme moyen de sanctionner la moralité de ses citoyens par une action contre le crédit social de l’individu. Cette dérive supplémentaire est justifiée par une protection de la population face aux crimes et délits.

Étape 5 : L’État augmente ses prérogatives de police et le nombre de ses agents. Le crédit social est un modèle de société à part entière, s’y soustraire c’est vouloir quitter la société, être le fondateur de sa propre ostracisation. (Cf Chine)

Alors que l’empire de la dématérialisation des libertés et de la numérisation des contraintes nous tient, souvenons-nous de ces paroles de Hannah Arendt qui affirmait que « les mouvements totalitaires sont des organisations massives d’individus atomisés et isolés ». Nous nous devons donc, afin de ne pas subir de telles dérives, nous réunir et, osons le terme, nous reconstruire ; en tant que peuple, en tant que nation, en tant qu’êtres humains.

 


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