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Blanche de Castille : une reine qui figure parmi les plus illustres femmes de pouvoir

Georges Minois est agrégée et docteur en Histoire.

Georges Minois a publié de nombreux ouvrages réputés chez Perrin, notamment CharlemagnePhilippe le Bel et une Histoire du Moyen Age. Son dernier livre revient sur Blanche de Castille, mère de Saint Louis, qui eut un destin d’exception. Elle fut, à l’instar de sa grand-mère Aliénor d’Aquitaine, une femme de pouvoir.

 

Qui fut réellement Blanche ? L’épitaphe qui se trouve sur ton tombeau – érigé en 1252 quelques jours après sa mort en l’abbaye de Maubuisson – nous présente une réponse éclairante : « cette Blanche, que la nation française pleure, est sortie de toi, ô Castille, comme une étoile radieuse au firmament. Elle eut pour père le roi Alphonse, pour époux le roi Louis. Devenue veuve de lui, elle gouverna comme régente, afin que la nation pût jouir de la tranquillité. Pendant le voyage d’outre-mer de son fils, elle gouverna comme auparavant. Enfin, celle sous le gouvernement de qui la nation française acquit tant de puissance, se consacra à Jésus-Christ dans son monastère. Si grande auparavant, elle gît aujourd’hui ici sous l’habit d’une pauvre religieuse  ». Comme l’écrit si bien l’auteur : « tout est dit ou presque ».

Cependant, nous ne pouvons nous contenter de cette élogieuse mais juste présentation, car il manque quand même des repères chronologiques. Il est donc utile d’en donner quelques-uns : « née en 1188, fille du roi Alphonse VIII de Castille et d’Aliénor d’Angleterre, mariée à douze ans au prince capétien Louis VIII, elle fait son éducation politique à la cour de son redoutable beau-père, Philippe Auguste. Reine en 1223, mère de douze enfants, veuve à trente-huit ans, elle devient régente du royaume au nom de son jeune fils, Louis IX ». Toute sa vie n’y est pas résumée, pourtant cette courte notice biographique nous montre déjà l’ampleur de son histoire.

Une fois veuve, les barons – comprendre les grands du royaume – n’entendent pas être gouvernés – ou plus exactement « mal gouvernés » selon leurs propos – par une reine, de surcroît étrangère. Effectivement, comme le rappellent et le montrent Hervé Martin dans les Mentalités médiévales et Jean Dulumeau dans ses différentes études, « une partie de la littérature théologique médiévale est remplie d’affirmations misogynes  ». Citons un propos parmi d’autres pour montrer les idées de certains à l’endroit de la gente féminine, sans laquelle les hommes ne sont rien : « la femme est un mâle déficient conjuguant l’imbécilité physique et la débilité mentale ». On pourrait presque croire, qu’il s’agit du Code Civil…

Cependant « l’Espagnole » comme la désignent alors ses adversaires politiques « fait preuve de qualités politiques inattendues, subtil mélange d’autorité et de souplesse qui lui valent l’admiration des chroniqueurs ». Les barons finissent par se soumettre à leur légitime reine. Belle et intelligente, elle n’entend pour rien au monde amoindrir l’autorité royale dont elle est pourvue par la volonté de Dieu.

Femme de savoir et de lettres, elle sait s’entourer d’artistes comme son père le faisait en Castille. Par ailleurs, Alphonse VIII fonde la première université espagnole, le studium generale de Palencia et l’ordre d’Alcántara. Blanche est catholique pratiquante. Ses dévotions et ses croyances sont sincères. Sa garde rapprochée est constituée d’ecclésiastiques qu’elle n’hésite pas à solliciter pour différentes affaires liées à la couronne ou pour des questions plus personnelles voire familiales. Comme l’énonce clairement Minois, Blanche est « l’éducatrice puis l’inspiratrice de la politique de Saint Louis, qui lui confie la couronne pendant la septième croisade, elle conserve une place particulière jusqu’à sa mort en 1252, avant de compter parmi les plus illustres femmes de pouvoir du roman national  ».

Selon les chroniqueurs de l’époque, Blanche accomplit ses fonctions avec une fermeté admirable, supportant toutes les injures, les calomnies, les attaques inouïes contre sa vie privée et sa conduite des affaires du royaume. Célèbre autant par sa beauté que par sa sagesse, certains racontent qu’elle inspire une vive passion à Thibaut de Champagne, roi de Navarre et filleul du roi de France Philippe Auguste, à tel point qu’il la chante dans ses vers et la soutient dans sa politique. D’aucuns n’hésiteront pas à les imaginer en amants et à propager des calomnies, au mépris de la réalité historique. Effectivement, Blanche avait en horreur le péché, notamment le péché mortel, et son fils (futur Saint Louis) saura se souvenir des enseignements maternels quand il deviendra roi. Le catholicisme de Blanche ne peut être considéré comme de la bigoterie. Elle relaie l’œuvre réformatrice de Bernard de Clairvaux et fonde les abbayes de Royaumont (1228), de Maubuisson (1236) et du Lys (1244).

Minois réussit merveilleusement bien à nous présenter une biographie de très grande qualité. Pendant longtemps, aux yeux des historiens, et nous le regrettons comme l’auteur, Blanche « reste dans l’ombre de son père, de son époux, de son fils, elle est le fantôme à propos duquel on ne peut que faire des conjectures ». C’est dommageable pour la recherche historique mais « la biographie d’une reine se réduit bien souvent à l’histoire du règne du roi son mari  ». Blanche est fille de roi, femme de roi, mère de roi, grand-mère de roi, mais elle fut régente du royaume, puis reine-mère. Son action politique se montre réellement décisive. Minois insiste sur cet aspect, alors que beaucoup ne retiennent que son action « d’éducatrice du héros ». De plus, «  Blanche de Castille est la première reine de France dont on a conservé les comptes de sa maison  », pièces utiles pour analyser et comprendre réellement sa vie. L’auteur explique à ce sujet que « les dépenses mêmes les plus banales peuvent donner de précieuses indications sur les occupations, les intérêts, les déplacements, les fréquentations de la reine, à condition de les interpréter avec prudence et discernement  », ce qu’il accomplit sans aucun doute possible.

L’auteur étudie avec brio Blanche de Castille pour elle-même et « non plus comme simple faire-valoir de son fils  ». Il faut savoir que la Castillane, devenue pleinement française, «  a été un personnage important de l’histoire de France, assurant la continuité du pouvoir royal à travers trois règnes au profit desquels elle a trop longtemps été laissée dans l’ombre ». Minois poursuit : «  il est temps de la mettre en lumière, non plus comme fille, belle-fille, épouse et mère de rois, mais comme une reine dotée d’une volonté propre et d’une individualité attachante ». A nos yeux les objectifs sont atteints.

Nous avons pris un réel plaisir à lire cette biographie qui rend hommage à une femme extraordinaire dont les mérites et les talents devraient inspirer la classe politique…

 

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