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Antoine de Suremain : un aventurier de France

Antoine de Suremain auprès de cette terre française qui lui est chère. @maisondéditionsalvator

Antoine de Suremain auprès de cette terre française qui lui est chère. @maisondéditionsalvator

C’est un aventurier comme il en reste peu dans nos villes de béton : Antoine de Suremain. Sa chanson préférée : la Montagne, de Jean Ferrat. Ses montagnes favorites : les Pyrénées. Son but : faire aimer la France à ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux, qui regardent son émission sur « Canal Kids ». Portrait en montagnes russes de cet aventurier du XXIe siècle, promenade depuis les hauts sommets français jusqu’à son for intérieur.

 

La France est incroyablement belle. À la sillonner d’aventures en aventures, sur ses sentiers secrets comme dans ses coins les plus renommés, Antoine de Suremain l’a bien vu. De par sa diversité géographique qui fait naître des paysages radicalement différents et offre tour à tour les plateaux de l’Aubrac, d’une pureté sans nom, et les marais de Camargue, nos régions foisonnent de vie et de couleurs.

 

Oser l’aventure de la France

C’est ce qui l’a poussé à mettre en valeur ce pays, son pays, à travers les réseaux sociaux, avec un message en tête : « Il est possible de trouver de l’exotisme, de l’ailleurs, en France. Arrêtons de prendre l’avion pour Bali quand il y a des cascades pleines d’une verdure exubérante dans le Cantal ». Ce pays comble toutes ses attentes en termes de dépaysement, d’aventure, d’introspection, de renouvellement, de surprise. Nul besoin alors de partir à l’autre bout du monde.

 

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Pour lui, la France fut au berceau comme bénie par un bon génie, cartographe magicien qui lui offrit une multitude de paysages, de cultures, de traditions. Un patrimoine naturel si riche, grâce unique pour un si petit bout de terre. Avis subjectif, chauvin, franchouillard direz-vous ? « Constat incontestable des yeux et du cœur », répond Antoine, puisque la France attire années après années toujours plus de touristes, fait rêver les voyageurs, fait grincer les envieux. Il invite à s’en émerveiller avec lui.

Pas seulement pour goûter la beauté des baies de la Somme, gigantesques et peuplées de phoques, des gorges du verdon aux eaux turquoise. Mais parce qu’Antoine de Suremain en est persuadé, « aimer son pays est fondamental ». C’est une valeur qui peut nous rassembler, qui n’a rien de politique, de partisan. Il est nécessaire pour être heureux d’aimer l’endroit où l’on vit. Faire découvrir ses charmes naturels participe à cette entreprise de revalorisation qui lui tient à cœur. D’ailleurs, il porte volontiers un béret basque, qui lui donne un air léger de Belmondo version terroir.

 

L’aventure dans le regard

Aventurier de l’hexagone, Antoine ne se limite pas à avaler des kilomètres aux quatre coins de sa terre natale. Il parle de l’aventure comme d’une relation à soi et au monde, un certain regard. Un ethos à conquérir. « L’aventure ne se limite pas au nombre de kilomètres que l’on parcourt, mais à la zone de confort dont on peut s’échapper. Elle naît au moment où l’on franchit le palier de sa porte avec une idée farfelue ». Elle surgit dans le champ laissé libre à l’imprévu et à la spontanéité.

Antoine de Suremain raconte la façon dont il a pris conscience petit à petit qu’il pouvait ramener cet état d’esprit depuis les montagnes, les bois, les rivières pour éclairer son quotidien parisien qu’il supportait mal au retour de ses expéditions, quand tout allait trop vite, dans les sirènes et les klaxons, quand les gens étaient cons.

 

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Il lui semblait infernal d’être entouré de béton quand, la veille, il campait sous les étoiles du Vercors à la recherche des loups — un de ses plus beaux souvenirs de bivouac. Tout y paraissait plus beau, plus intense, plus poétique. Puis il a réalisé que cet émerveillement pouvait naître au cœur de la ville. C’est une lueur de curiosité dans le regard, la recherche d’un grain de beauté qui existe en toute chose : dans les rencontres, les bonnes nouvelles, et même dans les rues de Paris qui peuvent devenir complices d’une aventure.

Petit conseil d’Antoine pour réenchanter ce milieu urbain, apprivoiser Paris : « J’essaye maintenant de faire des choses un peu décalées, de considérer la ville aussi comme un terrain de jeu. L’autre soir, j’ai grimpé dans le saule pleureur au bout de l’Île de la cité. Celui sous lequel tous les touristes s’assoient. Je suis monté aux aurores et le lever de soleil était magnifique depuis ce perchoir. »

Chez lui, cultiver l’émerveillement passe par l’abandon d’un confort dont on se rend compte en s’en délestant qu’il était superflu. On ne savoure jamais autant la douceur d’un foyer que lorsqu’on rentre d’un bivouac éprouvant, où l’eau n’étais pas un dû, mais un liquide rare à dénicher avec peine. Antoine se rappelle les délices de ses retours de camp scout, lorsque petit, épuisé, mais heureux, il partageait avec Ulysse la joie du retour dans ses pénates. Il partage avec Sylvain Tesson le sentiment que la cessation de l’effort est le seul luxe sain, mérité.

 

Dans l’aventure, les retrouvailles

Il est plutôt Robinson Crusoé que Saint Exupéry, même s’il aurait aimé dire le contraire, pour le côté méditatif et patriote de l’aviateur. Parce qu’il aime s’imposer des règles strictes, pour se placer dans des situations périlleuses, se mettre au défi, pour se retrouver. D’après Antoine de Suremain, c’est dans l’épreuve que l’homme se révèle. C’est ce que raconte l’Appel de la forêt de Jack London, son livre favori. Le chien, personnage principal de ce grand roman, réveille sa vraie nature dans la confrontation avec la vie sauvage. La difficulté de gravir monts et vallées, de marcher dans le désert de Saint Guilhem sans autre repas que les fruits de la nature, permet de se réaligner avec soi-même, avec celui qu’on est profondément, dépouillé des vanités et des facilités de notre quotidien.

 

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Confronté à nos limites. « C’est ce qui effraie le plus dans l’aventure » confie Antoine. « Ce moment où l’on est dos au mur, où l’on doit se lancer dans quelque chose avec lequel on n’est pas à l’aise du tout. Récemment, pour rejoindre une cabane quasi-inaccessible, j’ai dû traverser des ravines très glissantes. Le sol se dérobait sous moi. Une pierre s’est détachée, a dévalé la pente, et est passée à trois mètres de ma tête. »

D’un coup, il a pris conscience de sa fragilité, physique comme mentale, et il a été pétrifié d’effroi. Mais il ne pouvait pas faire demi-tour, coincé dans la ravine. Il a fallu avancer malgré tout, et vint un immense soulagement. Ce qui fait effraie, ce n’est pas l’inconnu, ou le vide, ou l’exigence physique, ce sont souvent nos propres croyances.

Quand il a commencé à marcher, Antoine de Suremain était tourné vers les autres, il voulait transmettre son admiration pour la beauté de la France, notamment aux plus jeunes, passer le flambeau. Il a compris les bienfaits de la marche dans un second temps. Quand on marche seul, en silence, vient l’introspection, et avec elle la connaissance de soi. Il en témoigne : au fur et à mesure de ses randonnées, il voyait en lui de plus en plus clair, et ses questions bourdonnantes ont cessé de le tourmenter.

Marcher est devenu pour lui un besoin vital qu’il partage à sa communauté. « Si tu te poses trop de questions, ne t’en pose pas une de plus. Prends tes chaussures et ton sac à dos. Si tu traverses un passage à vide, que tu ne vois plus clair en toi, prends la route quelques jours. », recommande-t-il.

Si l’on se rencontre en marchant, c’est aussi que les vastes espaces sont des miroirs de l’âme. Devant des plaines infinies, il nous semble nous perdre dans les méandres de notre esprit. Cela fait naître des émotions très fortes, des sentiments contraires, un vertige horizontal. Antoine se souvient, presque ému, de la causse Méjean, et de cet émerveillement mêlé de mélancolie qui prend le cœur quand on est saisi par cette beauté brute. Elle renvoie brusquement à son absence au monde, à la violence, au vide de notre quotidien. Antoine rit en se rappelant : « Cela rend plus sensible, c’est dangereux finalement, prenez garde à vous ! »

 

Lettre à un jeune aventurier

Il nous quitte sur quelques recommandations. Celle du lever de soleil le plus marquant à vivre, sur le Mont Blanc. Il en a fait l’ascension il y a deux ans déjà, mais le souvenir de cette expédition est encore fort. Il raconte la façon dont on grimpe, plongé dans l’obscurité, avec difficulté, puis comme une clarté transforme soudain le ciel qui se pare de nouvelles teintes. Juste avant le lever, en aumône à ceux qui marchaient à sa recherche dans les ténèbres de la nuit. Les moments les plus beaux de l’aurore sont ceux qui la précèdent.

Antoine décrit les mille couleurs de ce ciel. Il les conserve en lui comme un tableau de bleu profond, de vert, de jaune. « Le premier rayon de soleil nous frappe, avant tant de chaleur, de lumière, de puissance. Il nous sort de l’obscurité intérieure et extérieure. Et le sommet du Mont Blanc apparaît enfin, et son ombre pyramidale qui s’étend sur les contrebas qui sont encore dans la nuit », ajoute-t-il, plongé dans ce lumineux souvenir.

 

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« Pour les âmes en peine, trouvez une cabane où vous retirer », suggère Antoine de Suremain, familier de ce remède radical. Se couper du monde, s’emplir de beauté, et se reclure ou se projeter, selon ce que le cœur nous en dit. Il raconte qu’aux jours de détresse, il s’est senti recueilli par la vallée, qui l’a comblé de douceur dans sa nature sauvage. Et qu’elles gardent espoir. Comme le marcheur qui ne voit pas encore le terme du chemin, mais dont le pas ne faiblit guère.

 


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