Armée française : le rapport choc de deux députés français
Publié le 11/06/2025

Illustration du porte-avions de nouvelle génération (PANG)
Le rapport Gassilloud-Girard, présenté à la Commission de la Défense ce 11 juin, propose une révision du modèle de l’armée française. Entre retour à la « masse », différenciation des forces et abandon de programmes emblématiques, il bouscule les certitudes de la Loi de programmation militaire (LPM).
Ce 11 juin, la commission de la Défense de l’Assemblée nationale examinera un rapport parlementaire intitulé « Masse et haute technologie : quels équilibres pour les équipements militaires français ? », co-rédigé par les députés Thomas Gassilloud (Renaissance) et Damien Girard (Les Écologistes). Ce document, dont l’hebdomadaire Challenges a obtenu les grandes lignes en avant-première, s’annonce explosif. Il propose pas moins de trente mesures qui pourraient bouleverser en profondeur la trajectoire capacitaire des forces armées françaises.
Un modèle d’armée française « échantillonnaire »
Le rapport dresse un diagnostic clair : le modèle de l’armée française est devenu « échantillonnaire », conséquence directe des restrictions budgétaires des années 2000 et 2010. Résultat : une armée technologiquement avancée, mais incapable de soutenir un conflit de haute intensité prolongé. Face à cette limite, les deux parlementaires plaident pour un rééquilibrage entre haute technologie et équipements « rustiques », capables de saturer les défenses adverses, à la manière des stratégies ukrainienne ou russe dans la guerre en cours.
LIRE AUSSI → Antoine de Suremain : un aventurier de France
L’objectif officiel est de rendre l’armée de Terre capable de projeter une division (deux brigades) d’ici 2030. Pour cela, les députés estiment qu’un effort financier de 5 milliards d’euros est nécessaire, notamment pour renforcer la défense sol-air, la lutte antichar, les feux dans la profondeur
Le rapport propose aussi d’aller bien au-delà des prévisions actuelles concernant les lance-roquettes : au lieu de 26 systèmes prévus par la Loi de Programmation Militaire (LPM), il en faudrait 48, avec une préférence claire pour le système Foudre, développé par la PME française Turgis & Gaillard, qui sera présenté au Salon du Bourget.
Autre proposition audacieuse : la création d’une troisième division légère, principalement composée de réservistes, équipée de drones, de véhicules légers et d’armes antichar. Cette force serait spécifiquement dédiée à la défense du territoire national. Coût estimé : 1 milliard d’euros par an.
LIRE AUSSI → Le Concorde, classé Monument historique par le Ministère de la Culture
Du côté de l’armée de l’Air et de l’Espace, les députés reprennent la proposition d’achat de 30 Rafale supplémentaires, mais vont plus loin : ils plaident pour l’acquisition de chasseurs légers (comme le F/A-50 sud-coréen) destinés aux missions permissives ou à la lutte antidrone. Une façon de libérer les Rafale pour les missions de haute intensité. La Marine nationale bénéficierait de trois frégates FDI supplémentaires.
Marine nationale : vers un ajournement du futur porte-avions ?
Le rapport soutient également le renforcement du format naval, avec la commande de trois frégates de défense et d’intervention (FDI) supplémentaires, pour atteindre le format cible de 18 frégates de premier rang.
Mais l’une des propositions les plus sensibles est celle d’un report du programme de Porte-Avions de Nouvelle Génération (PANG). Ce report, motivé par le besoin de financer des projets jugés « plus urgents », pourrait laisser la Marine nationale sans porte-avions après le retrait du Charles de Gaulle en 2038, sauf si une prolongation de ce dernier devenait possible après son grand carénage prévu en 2027.
LIRE AUSSI → RÉCIT – Transnistrie : la république fantôme d’Europe de l’Est
Cette éventualité a déjà suscité une levée de boucliers dans les rangs militaires. L’amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine, a récemment qualifié le PANG de « plateforme de supériorité aéromaritime », plaidant pour sa réalisation rapide afin de garantir la continuité de la dissuasion et de la projection de puissance française.
Des arbitrages budgétaires pour recomposer
Pour financer ces évolutions, alors que les comptes du ministère des Armées sont sous tension (8 milliards de report de charges et 99 milliards d’euros de restes à payer), les députés proposent des choix drastiques : arrêt de l’opération Sentinelle (250 millions d’euros par an) ; suppression du Service National Universel (SNU) pour économiser 150 millions supplémentaires.
LIRE AUSSI → Immobilier de l’État : un patrimoine colossal sous-exploité
Mais une mesure marquante est sans doute l’abandon du programme Eurodrone, un projet européen lancé en 2013, jugé trop coûteux (plus de 2 milliards d’euros pour la France) et livré trop tardivement (pas avant 2031). Les députés suggèrent de le remplacer par le drone MALE Aarok, là encore produit par Turgis & Gaillard, qui a fait forte impression dans les dernières démonstrations industrielles.
Vous avez apprécié l’article ? Aidez-nous en faisant un don ou en adhérant