Le président du Haut-Karabagh, Araïk Haroutiounian.

A l’occasion de sa venue en France début décembre, le président de la République du Haut-Karabagh, Arayik Haroutiounian, a donné une conférence de presse à Paris afin d’alerter sur les grands défis sécuritaires de sa région.

 

En ce mercredi 7 décembre 2022, une vingtaine de journalistes et quelques arméniens, parmi lesquels le représentant en France de la République d’Artsakh, Hovhanès Guévorkian, étaient réunis rue du Faubourg Saint-Honoré, dans les salons du Cercle de l’Union Interalliée. Une semaine après l’adoption par l’Assemblée Nationale d’une résolution appelant le gouvernement à envisager des sanctions contre l’Azerbaïdjan en cas de poursuite des attaques contre l’Arménie, le président de la République du Haut-Karabagh Arayik Haroutiounian a alerté la presse quant aux possibilités d’actions françaises vis-à-vis de la sécurité de ce territoire transcaucasien.

 

« Nous sommes peu, mais ce peu, on l’appelle ‘Arméniens’ »

Soixante ans après, les vers du poète Parouïr Sévak (1924-1971) étaient dans tous les esprits au commencement de la conférence de presse du président Arayik Haroutiounian. Les 150 000 habitants de la République autodéterminée du Haut-Karabagh, s’ils sont en effet bien peu, attirent l’attention du monde depuis 1991 et le début d’une quête pour une reconnaissance internationale. Victime d’une attaque menée par les forces armées azerbaïdjanaises le 27 septembre 2020, la petite région du sud caucasien a dû concéder les trois quarts de son territoire.

Seule une médiation russe a permis la signature d’un cessez-le-feu le 9 novembre, arrêtant l’avancée de troupes « soutenues par la Turquie et épaulées par des mercenaires djihadistes ». C’est bien le constat d’une « politique ethnique de désarménisation » que souligne le président Haroutiounian en guise de propos introductifs : si en 1980 le Haut-Karabagh comptait 95% d’arméniens ethniques, ce chiffre était déjà descendu à 75% huit ans plus tard.

Plus frappant encore, l’exemple du devenir de la République autonome du Nakhitchevan, au pied du mont Ararat, où l’on ne compte aujourd’hui plus aucun arménien, est avancé. Le Haut-Karabagh s’affirme donc clairement comme la victime d’une « ambition de terreur et de nettoyage ethnique », l’Azerbaïdjan ne cachant en rien son intention d’établir une continuité territoriale et culturelle avec la Turquie par le biais d’un couloir établi depuis le Nakhitchevan.

Pour cela, les moyens azéris s’illustrent par les craintes qu’ils nourrissent : outre la peur du génocide, ce sont 1 500 monuments historiques et culturels qui pourraient disparaître. Le président Haroutiounian qualifie ce plan poursuivant une politique panturquiste de « monstrueux » et alerte sur les « conséquences graves pour la stabilité internationale » d’un lien territorial turc avec la mer Caspienne.

 

Défis et menaces pèsent plus que jamais sur le Haut-Karabagh

« Réaliste ». Arayik Haroutiounian l’a martelé, la situation est telle qu’elle exige d’affronter avec lucidité le constat de menaces toujours plus pesantes. « Depuis le 9 novembre 2020, ce sont près de 200 violations du cessez-le-feu qui ont été commises par l’Azerbaïdjan » a-t-il rappelé, faisant référence aux nombreuses annexions sanglantes de décembre 2020, à la disparition de la population arménienne du village de Parukh en mars 2022 ou encore, en août dernier, à l’évacuation de la population arménienne des communes de Latchine, d’Aravno et de Sous.

Les assassinats fréquents de paysans et ouvriers résidant au Haut-Karabagh par les forces armées azerbaïdjanaises « entretenant délibérément une atmosphère d’insécurité visant à empêcher la reprise d’une activité normale » retardent la relance économique d’une région qui ne peut ainsi croire en la possibilité d’une autre issue que celle de la reprise du conflit. « Aliev aura une démarche définitive pour parvenir à ses fins » a affirmé le président Haroutiounian, soulignant ainsi le sérieux de la menace pesant non seulement sur l’Arménie, mais aussi sur la stabilité internationale.

 

Une mère de famille arménienne pleure le décès de son fils. ©Lydia Kasparian

 

Le Haut-Karabagh n’est actuellement relié à l’Arménie qu’au travers d’un corridor de 5 kilomètres de large établi à partir de Latchin. Seule la présence russe empêche l’asphyxie. Les appels du pied pour que ce couloir bénéficie d’une protection internationale sont donc au cœur de la communication de Stepanakert. Arayik Haroutiounian s’arme alors d’une rhétorique simple : « lorsqu’un peuple est en danger existentiel, la communauté internationale a des mécanismes concrets lui permettant d’agir ».

A l’intégrité territoriale et au non-recours à la force s’ajoute le droit des peuples à l’autodétermination, ce dernier devant faire réagir la communauté internationale. « Nous restons convaincus que la reconnaissance et le respect du droit à l’autodétermination sont des pas essentiels pour la préservation de la paix. Cela ouvrirait la voie à des programmes économiques sur place, voire, pourquoi pas, à un soutien militaire dans le but de permettre une consolidation politique. Cette politique de soutien pourrait se manifester par des sanctions concrètes à l’encontre de l’Azerbaïdjan ».

La saisine de la Cour pénale internationale demandée mi-novembre par les sénateurs français pour les crimes de guerres commis à l’égard des populations du Haut-Karabagh est un premier pas vers l’assurance d’une « solution négociée et durable du conflit », vers laquelle souhaite tendre le président Haroutiounian.

 

Un déplacement en pays « ami » afin d’alerter la communauté internationale

Les appels d’Arayik Haroutiounian envers la communauté internationale nous ont poussés à l’interroger au sujet de la préparation militaire du conflit de 2020 et de l’existence de projets pour doter à nouveau l’Arménie et l’Artsakh de structures propres à se défendre. Tout en saluant « une question extrêmement complexe qui amène à des réflexions importantes », le président a pointé du doigt une situation ayant évolué en fonction de l’addition des soutiens matériels en faveur de l’Azerbaïdjan.

« En 2016 ou en juillet 2020, lorsque l’Azerbaïdjan était seule face à l’Arménie et l’Artsakh, sans l’aide de la Turquie, les résultats n’ont pas été les mêmes, ce qui veut dire que la situation n’était peut-être pas si mal gérée que ça. Si on regarde du côté de l’Ukraine, le pays est lui, presque aidé par le monde entier, avec des moyens financiers, militaires et économiques. Ce qui n’était pas le cas en 2020 de l’Artsakh et de l’Arménie qui étaient coupés du monde. L’Azerbaïdjan a employé des armements technologiques de pointe en provenance, d’Israël, du Canada, de la France et de la Russie. Le revers de cette question est que nous étions pratiquement seuls, en face d’une réelle coalition. Les moyens de l’Arménie ne sont pas très importants et ne lui permettent pas de soutenir un budget de défense colossal. Faire face à une coalition aussi importante à tous points de vue est extrêmement difficile : c’est cette faiblesse qui doit pousser la communauté internationale à être plus vigilant à la sécurité de l’Arménie et du Haut-Karabagh ».

Si le Haut-Karabagh se dit prêt à « se défendre jusqu’au bout », le président Haroutiounian a alerté sur le fait qu’il « escomptait un soutien moral mais aussi concret » de la part de « la France amie et de la communauté internationale ». Tout au long de la conférence de presse, Arayik Haroutiounian a souligné combien il lui tenait à cœur d’adresser ses remerciements aux journalistes ayant couvert le conflit réouvert depuis 2020. Les parlementaires français ont également été salués pour les deux résolutions adoptées ces dernières semaines. L’invitation à la reconnaissance du Haut-Karabagh formulée par le Sénat, qui s’est exprimé à 295 voix contre une pour une résolution appelant le gouvernement à sanctionner l’Azerbaïdjan pour agression, a été particulièrement saluée comme une « exception sur le plan international ».

A l’occasion de son mot de conclusion, le représentant de la République d’Artsakh en France, Hovhannès Guévorkian, a souligné son attachement à la relation « exclusive et exceptionnelle dans le monde » qu’entretiennent les responsables arméniens avec la France. Paris a « la possibilité de montrer la voie » en faveur de la reconnaissance du Haut-Karabagh sur la scène internationale.

 


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