«Qatargate» : jusqu’où ira le scandale Panzeri ?
Publié le 28/02/2023
Hier #QatarGate, aujourd’hui #MarocGate, demain #AblyazovGate ? Depuis plusieurs semaines, l’enquête sur les activités de lobbying de l’ancien député européen, Antonio Panzeri, révèle l’influence tentaculaire de ce réseau dont l’ancien élu italien était l’épicentre.
Une instruction judiciaire au pas de charge et une opération policière « blitzkrieg » : le scandale Panzeri qui a éclaboussé le Parlement européen au début du mois de décembre n’en finit pas de révéler ses rouages. Car les liens découverts avec le Qatar laissent désormais la place à des doutes sur l’influence du Maroc et même sur celle d’un oligarque kazakhstanais, Moukhtar Abliazov.
Rappel des faits : Au mois de décembre dernier, après des mois d’enquêtes et de filature, les autorités belges ont révélé un colossal réseau d’influence qui irriguait tout le parlement européen. Une opération dont le principal commanditaire s’avérait être le ministre du Travail du Qatar Ali Ben Samikh Al-Marri, le riche émirat étant soucieux de soigner son image écornée par les milliers de morts dans la construction des stades de la coupe du monde. Maquillée pompeusement en « lobbying », l’instrumentalisation du parlement européen par des intérêts privés n’a pas vraiment été une surprise pour ceux qui suivent de près l’actualité de la prestigieuse institution.
Mais une fois de plus, les médias français ont traité l’affaire Panzeri – bientôt requalifiée en « #QatarGate » – par le petit bout de la lorgnette, se concentrant sur les éléments les plus spectaculaires de l’affaire (rendez-vous dans des hôtels cinq étoiles, intermédiaires douteux, liasses de billets de banque cachés sous le matelas) et sur les malversations de l’émirat.
Pourtant, depuis plusieurs semaines, les révélations en cascades se multiplient outre-Quiévrain : Après le Qatar, dont l’audition du ministre du Travail aurait été préparée et scénarisée à l’avance par les réseaux de Panzeri, c’est désormais le Maroc et un oligarque kazakhstanais qui sont sérieusement suspectés d’avoir fait appel aux services de l’ancien socialiste milanais.
Mansouri et Abliazov
Selon une enquête du journal italien La Repubblica publiée il y a quelques jours, les services secrets marocains – via leur directeur, Mohammed Yassine Mansouri – sont fortement suspectés par la police belge d’avoir versé d’importantes sommes d’argent à Panzeri et à ses acolytes Cozzolino et Tarabella pour défendre les intérêts du Maroc au sein du parlement européen. Une opération qui devait se faire en faveur de Rabat et en défaveur d’Alger et de Tunis, notamment au sein de la « délégation pour les relations avec les pays du Maghreb » du Parlement européen.
Et alors que Panzeri est déjà dans les mains de la justice belge, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola a annoncé le 2 janvier avoir lancé une procédure urgente pour lever l’immunité de deux eurodéputés Cozzolino et Tarabella.
Mais pas sûr que cela suffise à éteindre l’incendie, car de nouvelles révélations pointent déjà le bout de leur nez : selon le média belge « Le Post », Pier-Antonio Panzeri aurait également été l’avocat de l’oligarque kazakhstanais Moukhtar Abliazov. Un ancien banquier, accusé par son pays d’avoir dérobé près de 8 milliards de dollars, avant de prendre la fuite à Londres puis sur la Côte d’Azur.
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Condamné en décembre dernier par la justice américaine à une amende de 200 millions de dollars pour fraude et blanchiment d’argent, Abliazov n’est pas un inconnu : Depuis des années, il plaide sa cause « d’opposant politique » en France (en vain) et au sein des institutions européennes, notamment avec via l’étrange structure « Open Dialogue Foundation ». Une association qui fait furieusement penser à celle de Pier-Antonio Panzeri « Fight impunity » : deux fondations, deux coquilles vides officiellement chargées de défendre les valeurs démocratiques dans le monde, aux financements occultes et probablement prétextes à servir de couverture pour des opérations d’influence.
Les relations nouées par Panzeri avec le Qatari Al Marri, le marocain Mansouri et le kazakhstanais Abliazov laissent entrevoir une véritable cartographie d’un réseau tentaculaire de clientèles pour défendre leurs différents intérêts au parlement européen.
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Une activité lucrative pour Panzeri et ses acolytes, les enquêteurs estimant le montant total des opérations à plusieurs dizaines de millions d’euros. Une question reste en suspens cependant : et si le scandale Panzeri n’était que la face grossière et rudimentaire du mode de fonctionnement du parlement européen ? Car il est difficile de parler de « cas isolés » dans une institution aux 25 000 lobbyistes. Difficile de faire la morale quand la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen demeure elle-même opaque et muette sur ses relations troubles avec Albert Bourla, le patron de Pfizer. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour nettoyer les écuries d’Augias…
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