François Bayrou est le sixième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis le 13 décembre 2024.

François Bayrou est le sixième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis le 13 décembre 2024.

Après sept mois de monotonie sous le ciel de France, le Premier ministre a décidé de sortir de sa torpeur légendaire pour, enfin, « conduire la politique de la nation ». Ce 15 juillet 2025, dans un « Moment de vérité », François Bayrou a dégagé les lignes directrices d’un budget 2026 visant à arrêter la dette et à faire entrer la France dans une dynamique productive. Programme qui se consacre, encore une fois, malgré le langage utilisé, à priver « les actifs du fruit de leur travail » sans améliorer substantiellement les finances publiques. Retour sur une prise de parole ordinaire.

 

Pour introduire ce discours ordinaire, un point a été fait pour dénoncer les responsables de cette crise. Les caisses de l’État sont vides, elles sont mêmes plus que vides. Ce constat, c’est celui que fait le Premier ministre en rappelant la mesure du déficit qui n’est « purement et simplement [que] de la dette ». Celle-ci est le fruit de deux causes majeures selon le locataire de Matignon : d’une part le déficit massif du commerce extérieur, et d’autre part, raison plus importante, l’addiction des Français à la dépense publique.

 

La responsabilité politique se transmute en responsabilité populaire

Certes, François Bayrou admet qu’« Il y a plus de cinquante ans que notre pays, tous courants confondus, n’a pas présenté un budget en équilibre » mais il tient quand même à rappeler la « désinvolture générale » qui touche le pays au sujet des dépenses. D’ailleurs, selon ce dernier, « Il n’y a pas de différence entre ceux qui sont dans des situations de responsabilité » et ceux qui ne le sont pas, « parce que tout citoyen est en situation de responsabilité ».

 

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Enchaînement de phrases assez fantastique il faut l’avouer. Le Premier ministre pointe donc la responsabilité de tous les partis, pour n’en incriminer aucun, avant de responsabiliser l’ensemble des Français. Ce renoncement à la responsabilité spécifique du dirigeant politique face au peuple gouverné pourrait être mis en perspective par l’intermédiaire de l’exemple d’une relation père-fille-banquier. C’est un père de famille qui répliquerait à son banquier que s’il est à découvert, c’est à cause des demandes incessantes de sa fille. Le banquier de répondre qu’il n’est pas tenu par les demandes de sa fille et qu’il doit gérer « en bon père de famille » ses comptes. François Bayrou, vice-père de substitution de la Nation, évoque la pression citoyenne pour justifier le dérapage des finances. Les demandes sanitaires et environnementales du peuple créeraient des trous dans la caisse… Encore faut-il rappeler au gouvernant qu’il n’est pas tenu d’ouvrir la caisse à toutes les velléités individuelles et communautaires des gouvernés !

Une alternative au « responsable mais pas coupable », le « tous responsables » a de beaux jours devant lui. Mais au-delà de cette volonté de ne pas assumer un bilan sombre, qu’il a lui-même contribué à obscurcir, le Premier ministre en est venu à justifier la nécessité des mesures à venir par le retour de la politique de la peur.

 

De la peur quotidienne aux beaux jours tristes

La France a peur du terrorisme, de la Covid, de la désinformation (« fake news »), de la Russie, de la Chine, de l’Iran, des punaises de lits mais aussi de sa dette. Dette qui risque d’engendrer un défaut de paiement, notamment des retraites (- 30%) et des salaires des fonctionnaires (- 15%) si le pays suivait le même chemin que la Grèce. Ce que considère François Bayrou, en étant peut-être, d’ailleurs, en-dessous de la vérité sur ce point. Le lyrisme de comptoir destiné à faire peur à la ménagère est de sortie : « Je crois que c’est la dernière station avant la falaise et l’écrasement par la dette ».

Tableau obscur contrebalancé par une vision béatifique plutôt étrange. En effet, si la France « est le pays le plus pessimiste au monde et où l’on dépense le plus d’argent public », par une mécanique inverse, il suffirait de supprimer la dépense publique pour rendre heureuse la population. Ce que suggère le chef du gouvernement en affirmant que les pays ayant vécu une crise de la dette (Canada, Suède, Portugal, Italie, Espagne, Grèce) « sont précisément ceux qui se déclarent, dans les mêmes comparaisons internationales, les plus heureux ». Le bonheur serait donc lié aux crises économiques ?

 

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Une chose est sûre, « les Français » doivent revoir leur copie. François Bayrou leur prépare donc « un préambule » d’addition. Addition qui n’est d’ailleurs que peu à l’avantage de la France et encore moins au bénéfice des plus modestes.

 

Économies nationales, dépenses internationales

Si le gouvernement ne compte pas remplacer certains postes de fonctionnaires et veut supprimer des postes au sein d’agences et de comités à l’activité souvent inexistante ; si l’État compte baisser sa participation dans les entreprises et se lester une partie de son patrimoine (qui est également, en théorie, le nôtre) ; ces derniers ne sont pas venus remettre en question nos engagements internationaux. Engagements supérieurs à l’intérêt national comme le souligne d’ailleurs François Bayrou en rappelant qu’on peut aller à l’encontre d’un référendum (celui de la Grèce de 2015) quand on y est forcé par le Fonds monétaire international et l’Union européenne.

L’OTAN sera, comme le souhaite Donald Trump, épaulée par les nations européennes via une augmentation du budget de défense des États membres, notamment celui de la France. Augmentation souhaitable mais pas nécessaire de manière immédiate. Augmentation justifiée par François Bayrou en raison du conflit Ukrainien, du conflit en mer de Chine, du conflit entre Israël et Gaza et du conflit entre Israël et l’Iran. Conflits internationaux n’impactant pas la souveraineté française et n’expliquant donc pas la nécessité d’une augmentation massive du budget de la défense si ce n’est par soumission aux cris insistants de l’aigle américain au détriment des finances française (À moins que François Bayrou veuille, à raison, parer au réarmement allemand, ce dont on peut douter). Le tout sans compter la menue monnaie adressée par le président de la République à Volodymyr Zelensky. Argent dont le bénéficiaire affirme ne pas savoir où il va et dont l’octroi n’a pas fait l’objet d’une approbation, ni du peuple, ni de ses représentants.

Finances françaises qui feront également les frais de la politique européiste du président au travers d’un supplément d’apport au budget de l’Union d’environ 6 milliards d’euros (Union qui nous coûte déjà plus qu’elle ne nous rapporte). Frais augmentés par le gouvernement qui a la volonté d’introduire « une véritable préférence européenne ». Le souhait, exposé plus tôt par François Bayrou, de redressement du commerce extérieur par une relocalisation d’entreprises sur notre sol semble donc à nuancer sous une telle optique. A fortiori quand le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a exprimé sa détermination d’« encourager la préférence européenne » en matière automobile, donc la préférence allemande. Allemagne qui sera chouchoutée par le gouvernement par l’intention de supprimer le 08 mai comme jour férié, certainement pour ne pas froisser les Allemands par le souvenir de la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie.

 

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08 mai qui serait supprimé au même titre que le Lundi de Pâques, jour « qui n’a aucune signification religieuse » selon le Premier ministre. Manière de crucifier un peu plus les racines et la sève chrétienne de la France. Élément qui permet aussi de remarquer « qu’en même temps » le projet du Premier ministre ne fait pas mention de la crise identitaire et migratoire qui touche notre pays. Aux Français de travailler plus en se soignant moins, aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une aide médicale totale sans contribution et d’aides permettant de rester sur le territoire en ne travaillant pas (voir en ce sens la note de l’Observatoire de l’Immigration et de la démographie « L’impact de l’immigration sur l’économie française : sortir du « cercle vicieux » et prioriser l’emploi »). Cette disparition de jours fériés est d’ailleurs l’élément révélateur d’une conception particulière de la justice dite sociale.

 

Une justice sociale à deux vitesses

L’objectif du gouvernement est modeste, il n’est pas de rompre avec la dette et de revenir à des dépenses saines mais seulement d’« arrêter l’augmentation de la dette ». « Tout le monde » sera mis à l’effort mais certains plus que d’autres.

Pour l’État, l’effort consiste en la disparition de postes de fonctionnaires mis en retraite, en la « suppression » d’agence et de comités théodules (qui seront toutefois internalisés ou fusionnés, en somme ils seront déplacés au sein des ministères et non supprimés) et en la promesse de limiter les dépenses de l’État et des collectivités territoriales. Rien de bien méchant ici.

Pour les plus riches une contribution de solidarité sera créée (dont on ne connaît pas la nature), une lutte contre l’optimisation abusive des patrimoines non productifs sera réalisée (dans une mesure que l’on ne connaît pas) et des niches fiscales seront supprimées (« en commençant par les dispositifs arrivant à extinction », donc a priori en se focalisation sur celles qui n’ont plus d’utilité par absence de bénéficiaires). Rien du tout.

Pour les Français ordinaires, enfin, l’année 2026 sera une année blanche (ils n’auront pas d’augmentation de leurs prestations sociales et de leurs barèmes, exceptés pour les fonctionnaires pour qui l’avancement sera maintenu). Mais rassurons-nous, l’inflation devrait disparaître selon le Premier ministre, même si les prix, eux, risquent de ne pas baisser.

Deux jours chômés, par certains, seraient travaillés, sans que l’on sache si ce travail amènerait à rémunération ou non (sur le modèle des journées dite de solidarité, sorte de mise en esclavage moderne). Les petits colis seraient taxés ; une imposition de plus. Le prix des médicaments sera réévalué pour tous, certaines vaccinations seraient obligatoires au nom de la prévention et les affections de longue durée seraient moins bien remboursées. Comprenez, les Français abusent de ces soins (Qui n’a jamais vu un membre de son entourage « accro » à un traitement par chimiothérapie ou radiothérapie au point de le poursuivre après guérison ?).

Le système de santé serait néanmoins sauvé par deux mesures majeures. La première est de faire intervenir le médecin généraliste ou spécialiste pour signer la reprise du travail à défaut du médecin du travail. Le Premier ministre remarque en effet que l’on manque de médecins du travail tout en ne se rendant pas compte que notre pays manque également de médecins généralistes et de médecins spécialistes (a fortiori quand on prévoit de ne pas renouveler des postes de fonctionnaires !).

 

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La deuxième mesure majeure est de récupérer les fauteuils roulants et cannes anglaises des défunts pour les remettre en service (Le tiers-monde nous guette). Ajoutons à cela l’absence de baisse des pensions de retraite, à l’exception des revenus liés aux frais professionnels et à l’année blanche, et nous avons un bon « préambule » de qui va payer le prix de la dette. Un effort « équitable, c’est-à-dire de demander peu à ceux qui ont peu et plus à ceux qui ont davantage » … ou l’inverse !

Cette litanie se conclut avec des mesures de bon sens réitérées à maintes reprises et toujours inappliquées à ce jour (simplification administrative, chantier de l’assurance chômage et du droit du travail, investissement dans l’IA, retour de la prise en compte de la pénibilité au travail retirée par Emmanuel Macron,…) matinées d’un peu de wokisme (la mise en place d’un plan « filles et mathématiques » pour inviter fortement les femmes à devenir ingénieures).

 

Un budget donc banalement macroniste

Un budget qui infantilise les Français (avec les slogans « Stop à la dette » et « En avant la production » qui nous rappellent le non moins guignolesque « Ça va, ça vax ? ») et qui les prend pour des imbéciles profonds. C’est le cas de l’intervention ignominieuse de la ministre de la Santé insistant sur le fait « de faire prendre conscience à nos citoyens que, vraiment, il faut être conscient que la notion de « c’est gratuit », « j’y ai droit » est mortifère, rien n’est gratuit. » (oubliant par là même que les Français ne quémandent pas mais payent leurs soins par leur travail).

 

Un budget qui ne s’attaque pas aux dépenses indues de l’État

Le plus grand scandale de ce budget reste néanmoins ses angles-morts parfaitement choisis. En effet, le gouvernement a pris soins de ne surtout pas s’attaquer aux réelles dépenses indues de l’État. Il ne s’intéressera :

  • Ni aux relations vassales qu’entretient la France avec certaines organisations internationales, François Bayrou parlant à propos de l’énergie de négociations de contrats entre les entreprises et les fournisseurs sans dénoncer le marché européen de l’électricité qui augmente le prix de notre énergie !
  • Ni à la lutte contre l’immigration légale et illégale qui induit des dépenses ahurissante en matière de logement, de soins, de prise en charge pénale, migratoire,…
  • Ni aux véritables dépenses de l’État, au sens de ses « serviteurs ». Jamais il n’a été question de vérifier l’utilisation des frais de mandat des parlementaires (le contribuable doit-il financer des « réunions de travail » à la Tour d’Argent ?), ni de réduire à néant le financement d’entreprises allant à l’encontre de l’intérêt national (associations séparatistes).

Si le gouvernement retire sa participation au sein d’entreprises, il perpétue son financement de la presse nationale et régionale, qui n’est plus lue, et du service public audiovisuel, qui n’est plus ni écouté ni regardé. Le budget accordé à la prétendue « Première Dame », titre non constitutionnel, interroge également au nom du droit mais également au nom des faits (quel a été le bilan, notamment caritatif, de Brigitte Macron en huit ans ?).

Nous pourrions continuer des heures en parlant du fauteuil du président du Sénat à 34 000€ (un fauteuil à quelques centaines d’euros n’aurait-il pas été suffisant ?) ou encore des trajets du Premier ministre entre les lieux du pouvoir et sa chère ville de Pau en jet privé pour un coût estimé à 12 000€ (la menace du « changement climatique » qu’invoqua monsieur Bayrou aussi bien que les finances de l’État ne devraient-elles pas inviter le Premier ministre au choix d’un trajet en train ou en voiture ?).

 

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Nous le voyons bien, les ors de la République possèdent ce privilège qu’ils échappent à la rigueur budgétaire. Rigueur qui n’a pas tenu plus d’une journée, l’Agence France-Presse estimant, un jour après la prise de parole du Premier ministre, que les dépenses publiques vont augmenter de 29 milliard d’euros l’année prochaine.

Supporterons-nous encore longtemps ces dépenses insensées ? L’opposition semble se désintéresser de sa mission au profit de ses intérêts immédiats. Certains ne souhaitent pas sortir de leur « mise en vacance » pour si peu, d’autres préfèrent trahir leur électorat pour ne pas potentiellement subir le sort réservé aux inéligibles.

Le peuple, lui, persiste dans son atonie politique, vraisemblablement jusqu’à la disparition prochaine de son pouvoir de contestation. Il semble avoir oublié que « L’argent est semblable à un sixième sens sans lequel [on ne peut] pas faire un usage complet des cinq autres » (Somerset Maugham).

L’argent bien d’aliénation pour les uns est bien de liberté et de libération pour les autres. Une fois la logique de la dette acceptée, le peuple esclave n’aura plus pour richesse que les chaînes destinées à l’entraver. Et attendant ce funeste destin, les Français se laissent piller. La monotonie semble avoir repris son cours, elle qui s’était, l’espace d’un instant, volatilisée.

Bayrou parle, les Français dorment, l’État s’effondre, la France meurt.

 


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