Dissuasion nucléaire : l’impossible partage
Publié le 11/03/2025

Image d'un sous-marin français généré par intelligence artificielle. Image d'illustration.
Le général Henri Roure, officier général issu des troupes de Marine, revient sur la stratégie de dissuasion nucléaire française.
Il pourrait être utile de rédiger un ouvrage qui porterait le titre « la dissuasion pour les nuls ». Certains au plus haut niveau de l’État, s’ils faisaient l’effort d’en suivre l’argumentaire logique, apprendraient beaucoup sur quelques principes régissant la sécurité et l’indépendance de la nation. Partisans ou non de ce système, ils éviteraient de sombrer dans des attitudes insensées.
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La proposition présidentielle de mettre la dissuasion nucléaire française à la disposition de l’Europe procède d’une méconnaissance du principe ou de la volonté de se défaire d’un système éminemment cohérent, pilier de l’indépendance française. Il est donc nécessaire de revenir aux principes sur lesquels s’appuie ce formidable moyen de sécurité et de souveraineté.
Une décision souveraine
Il est dit, en quelque sorte, à un ennemi potentiel possédant lui-même un armement nucléaire, qu’en cas d’agression de sa part contre notre pays il risquerait une destruction telle que sa propre survie serait hypothéquée. Stratégie de non-emploi, bien sûr, mais néanmoins stratégie de menace. Elle nécessite que celui qui pourrait engager le feu nucléaire soit crédible et fasse en premier lieu hésiter l’adversaire, puis le fasse renoncer à ses intentions. La crédibilité passe par l’incertitude ou l’interrogation sur la détermination du chef des Armées.
Pour cette raison essentielle celui qui pourrait donner l’ordre à nos forces stratégiques de porter le feu atomique chez l’ennemi doit être légitime. Le président de la République est le seul à avoir été élu par l’ensemble du peuple français. Selon les principes démocratiques, il est donc le seul à pouvoir engager, au nom du peuple, une action aussi violente et destructrice. Il est certes conseillé et des garde-fous existent mais in fine il demeure le seul responsable.
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Supposons donc que les Européens acceptent la proposition du président actuel. Il n’y aurait plus aucune légitimité aussi pertinente que le chef de l’État français. Nous ne pouvons imaginer que madame Ursula von der Leyen, non élue, puisse participer à une décision aussi périlleuse. Les chefs d’États et de gouvernements réunis en comité de crise, si ce type d’organisation venait à être proposé et accepté, ne disposeraient ni de la légitimité populaire relevant d’une unité de pensée, ni des moyens de rapidité pour décider.
L’hypothèse d’une organisation militaire qui serait « européenne » tentant d’intégrer les forces de quelques pays est évidemment une énormité. On ne meurt au combat que pour son pays sous les plis du drapeau de la Patrie. Il serait d’ailleurs étonnant que ces responsables d’États soient d’accord entre-deux. Chaque peuple ayant sa propre vision d’une menace et de ses intérêts. Ce fait même discréditerait le principe de dissuasion nucléaire. Il y a là une impossibilité…technique! Une autre possibilité serait de mettre notre armement nucléaire au service de l’OTAN dirigée par les Américains. C’est à dire que le chef de l’État français renoncerait à son pouvoir.
Dans toutes ces hypothèses, la France perdrait sa liberté d’action, autrement dit à sa souveraineté. Mais en réalité c’est ce mot « souveraineté » qu’une fois encore le pouvoir français actuel, cherche à rejeter. L’indépendance nationale que confère la dissuasion est un obstacle à la réalisation du fédéralisme européen pourtant visiblement obsolète. Il faut donc s’en débarrasser. C’est de toute évidence difficile car la dissuasion nucléaire ne se prête pas au collectif. Elle est intime de la Nation.
Pour une sécurité française
Il reste donc une seule et unique possibilité logique. Il s’agirait que les pays européens confient leur sécurité à la France. Après tous, les États-Unis l’ont assumé d’une certaine manière au travers de l’OTAN jusqu’à maintenant. L’UE ayant accepté d’être un protectorat des États-Unis, l’éloignement récent entre les États-Unis et l’UE, pourrait sans doute motiver cette proposition de monsieur Macron.
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Le président français pourrait ainsi offrir aux pays de l’UE de changer de protecteur. Ils deviendraient des protectorats de la France. Ce que n’a pas réussi Napoléon, Emmanuel Macron le réussirait-il ? Si une telle hypothèse se concrétisait je serais béat d’admiration.
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