La commission des affaires économiques du Sénat a adopté à l'unanimité le dernier rapport sur l'intelligence économique le 12 juillet 2023. © Wally Gobetz

Un rapport du Sénat de juillet 2023 met en avant l’importance que doit prendre l’intelligence économique en France. Selon les rapporteurs, c’est un outil majeur de reconquête de notre souveraineté.

 

Le 12 juillet 2023, la Commission des affaires économique du Sénat a publié un rapport sur l’importance de l’utilité de l’intelligence économique pour « reconquérir la souveraineté française ». Des termes forts mais nécessaires face au sabordage français depuis plusieurs décennies. Entre désindustrialisation, perte de marchés, concurrence déloyale, contre influence étrangère ou encore cyberattaques, la France continue de subir et manque cruellement de « pratique offensive ». Le rapport appelle ainsi à de « véritables changements culturels et organisationnels » du secteur public et privé face à la perte de souveraineté économique.

 

Une stratégie politique nationale

Souvent mise en avant, l’intelligence économique est encore aujourd’hui un concept relativement flou. Il s’agit d’un ensemble d’actions coordonnées de collecte, de traitement et de diffusion de l’information utile aux acteurs économiques en vue de son exploitation. « L’intelligence économique est une réponse à notre perte de souveraineté » précise Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris (CRCE) et rapporteur du projet. Le document recommande ainsi de « doter la France d’une stratégie nationale d’intelligence économique » avec un secrétaire général dédié auprès du Premier ministre. Celui-ci aura pour mission de fixer la ligne de route dans un cadre juridique et administratif propice avec des déclinaisons régionales.

 

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Cette stratégie se doit d’être ambitieuse. Selon Jean-Baptiste Lemoyne, sénateur de l’Yonne (RDPI) et également rapporteur du rapport, cette politique se doit d’être à la fois défensive « pour se protéger contre les pratiques de plus en plus agressives de nos rivaux, qui peuvent être nos alliés » et offensive puisque « nous sommes bien dans un contexte international de guerre économique ». A ce titre, un renforcement du dispositif actuel de sécurité économique dont le contrôle des investissements étrangers en France doit être mis mettre en place. Les alertes de sécurité économique ont augmenté de 45 % entre 2021 et 2022 pour atteindre 694 alertes en 2022.

 

Un renforcement territorial nécessaire

Cette stratégie d’intelligence économique ne doit pas seulement s’incarner dans quelques salles de réunions ministérielles, mais également au sein des territoires avec des relais locaux. « Le maître-mot est celui de décentralisation, à tous les étages » explique Jean-Baptiste Lemoyne. Le sénateur de l’Yonne pointe du doigt le faible nombre de délégués régionaux (2) du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) dans des régions particulièrement industrielles comme l’Île-de-France ou la Bourgogne-Franche-Comté. Les échecs industriels récents le prouvent : Alcatel, Alstom, Latécoère, l’affaire des sous-marins australiens ne sont que des faces immergées de l’iceberg. La liste est bien plus longue.

L’État doit ainsi soutenir « la généralisation des bonnes pratiques en encourageant l’intégration d’un volet intelligence économique à tous les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ». Cette généralisation doit s’inscrire dans tous les échelons de l’appareil étatique principalement ceux qui sont des accélérateurs de performances des entreprises françaises : chambres de commerces et d’industries (CCI), pôles de compétitivité, sociétés d’accélération de transferts de technologies (SATT) mais aussi de services de sécurité économique. Au-delà des moyens financiers mis à disposition, la communication des acteurs est primordiale. « Les échanges d’informations entre régions et services de l’État doivent être renforcés » ajoute le sénateur qui dénonce le réflexe français (gaulois ?) de « rétention d’informations » entre les services.

 

Un besoin de valorisation

Le rapport plaide également pour que l’État puisse mettre en œuvre une véritable politique de valorisation et de « massification » de la démarche dans des offres de formation. Pour Marie-Noëlle Lienemann, il faut que l’intelligence économique « entre dans les mœurs » notamment au travers des universités et grandes écoles (commerce, ingénieurs, fonctions publiques) pour les générations futures. « Il s’agit de former des professionnels, mais aussi de sensibiliser des citoyens, afin qu’ils soient en « état d’alerte » et puissent s’engager au service du patriotisme économique de la France. » précise le document.

Un travail est ainsi à effectuer avec les organisations syndicales qui détectent parfois des signaux faibles menaçant les entreprises. Les former contribuerait à mieux « comprendre ces menaces » et à « hiérarchiser leur importance ». Le texte encourage également à ce que les personnes initiées à cette démarche puissent se regrouper au travers d’une « réserve nationale ». Celle-ci aura pour objectif d’être « au service du patriotisme économique » de la France dont les membres de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) pourraient être les premiers ambassadeurs.

Le rapport s’inscrit ainsi dans la suite du rapport Martre (1994) et Carayon (2003) qui alertaient déjà sur la perte de souveraineté de la France il y a plusieurs décennies. Outre les recommandations proposées par celui-ci, le vocabulaire utilisé dans ce document est explicite. Le terme « souveraineté » figure 27 fois, « guerre économique » (17), « défensif » (16), « offensif » (15). Ce nouveau travail a le mérite d’inscrire à nouveau dans le marbre l’importance de l’intelligence économique dans la stratégie française. En espérant qu’il ne soit pas une énième production rangée dans un dossier, ce rapport fait du bien. Place aux actes.

 


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