Le 30 août 2023, des militaires gabonais prenaient le pouvoir à Libreville. ©Capture d'écran / Gabon 24

Submergé par une vague de coups d’Etat militaires et un populisme exacerbé, le continent africain se trouve dans une phase de recomposition politique majeure. Tandis qu’un scrutin présidentiel va se dérouler au Sénégal ce dimanche, plusieurs pays de la région se trouvent à la croisée des chemins. Ils devront choisir le modèle de gouvernance qu’ils souhaitent. La stabilité économique et sociale du continent est en jeu.

 

Les récents coups d’Etat en Afrique ont mis sur le devant de la scène une nouvelle génération de militaires putschistes, porteurs d’un discours proche du populisme marqué par une rhétorique anti-occidentale et tout particulièrement anti-française : le général Tchani au Niger, le colonel Mamadi Doumbouya en Guinée ou encore le colonel Assimi Goïta au Mali. Les premiers signes de déception commencent à poindre après ce retour des militaires dans la gouvernance africaine. Les lendemains qui chantent restent pour le moment bien silencieux.

Ces régimes issus de putschs militaires, désormais regroupés au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), opèrent un rapprochement diplomatique très net avec la Russie et la Chine. Ce virage, établi au nom de l’impérialisme, feint d’oublier qu’un acteur diplomatique comme la Russie est présent depuis plusieurs décennies dans la région. Alors que les plaques tectoniques de la diplomatie africaine sont en mouvement, nombre de pays de la région tombent dans les bras de Moscou ou de Pékin, justifiant cette servitude par des discours populistes qui rencontrent un écho auprès d’une partie de l’opinion. Ce virage diplomatique est adoubé par des militants panafricanistes comme Kemi Seba ou Nathalie Yamb, qui jouissent d’une réelle audience dans la région ainsi que par la Nupes qui, en France, est un fervent soutien de ce populisme.

Une partie de l’Afrique francophone semble céder aux sirènes des impérialismes chinois et russes, avançant sous les masques de « partenaires de développement ». Loin des promesses affichées, ces pays voient leur situation sécuritaire se dégrader comme au Mali ou au Niger et leurs institutions perdre de leur crédibilité sur la scène internationale.

Paradoxalement, les dirigeants aux profils de technocrates, sous des dehors plus ternes, pourraient au contraire être les vecteurs d’une véritable décolonisation, qui passerait par une politique économique rigoureuse et efficace, garante d’une réelle indépendance pour les pays de la région.

 

Le Sénégal, dernier rempart contre le populisme ?

Ce débat politique traverse la région et secoue actuellement le Sénégal, pays qui n’a jamais connu de coup d’Etat militaire et qui se distingue par la bonne qualité de ses institutions. Le pays se trouve être le théâtre de l’affrontement entre deux visions politiques antagonistes : l’une, technocratique, qui fait du développement économique la clé de l’émancipation du pays, l’autre, populiste, qui propose un discours de rupture diplomatique et économique aux contours assez flous.

Le mandat du président sortant, Macky Sall, s’achève et le premier tour des élections pour désigner son successeur va se tenir le 24 mars prochain. Le pays de la Téranga n’échappe pas à la tentation populiste. Ousmane Sonko, leader du parti Pastef, incarne cette ligne politique et fait figure d’agitateur sur la scène politique sénégalaise. Il n’hésite pas à recourir à des arguments démagogiques pour défendre ses positions dans le débat public, comme la sortie du franc CFA ou le rapprochement sécuritaire avec la Russie. Emprisonné pour corruption de la jeunesse et accusé de viol par une employée d’un salon de massage, il a été libéré le 14 mars au soir. Il avait confié les rênes de la campagne à son lieutenant Bassirou Diomaye Faye, lui aussi emprisonné et libéré à la même date. Les deux hommes sont soupçonnés d’appartenir à un islam salafiste, dans un pays où les confréries religieuses soufies jouent pourtant un rôle social et religieux central.

Mais la vague de populisme pourrait bien épargner le Sénégal. Le dauphin désigné du président Macky Sall, Amadou Ba, à la tête de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), a tout du technocrate. Diplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature, il a fait sa carrière au sein de direction de l’Inspection des impôts et domaines avant de se lancer en politique. Son profil est de nature à rassurer les bailleurs de fonds internationaux et à faire du Sénégal un pays émergent, grâce à sa réputation de gestionnaire compétent. La promotion du Plan Sénégal émergent constitue d’ailleurs l’un des principaux axes de sa campagne, avec un accent mis sur les infrastructures et des finances publiques saines, de nature à assurer une réelle souveraineté économique pour le pays.

Le verdict des urnes est attendu cette semaine, et sera suivi avec attention dans la région et au-delà, tant le résultat pourrait avoir des implications profondes pour l’Afrique de l’Ouest. Une partie du destin de la région se joue dans cette élection, qui présente tous les ingrédients des débats qui agitent les sociétés africaines aujourd’hui. Le cycle des putschs militaires, qui s’est accompagné d’un espoir indéniable pour une partie des opinions publiques africaines, semble se clore progressivement en raison des déconvenues qui l’accompagnent. Le dernier mot reviendra aux citoyens.

 


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