Photo aérienne du fort de Madama au Niger en novembre 2014 durant l'opération Barkhane. ©Thomas Goisque

Un rapport sénatorial analyse les résultats de l’armée française dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel. Le document souhaite tirer les enseignements nécessaires de cette opération dont la mission s’est terminée en 2022.

 

Réussite ou échec ? Le 9 novembre 2022, le président Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane au Sahel qui faisait suite à l’opération Serval (janvier 2013 – juillet 2014). Considéré comme un succès, Serval a permis de reprendre le contrôle des villes du Nord du Mali, de détruire les bases djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et de démanteler une grande partie de leurs forces. Une victoire qui a posé la question de la pérennisation d’une présence militaire française au Sahel pour maintenir la sécurité obtenue : l’opération « Barkhane ». Dans ce contexte, un rapport d’information publié le 7 juin 2023 a été réalisé par trois sénateurs sur le bilan de cette action militaire : Pascal Allizard (LR) du Calvados, Olivier Cigolotti (UC) de la Haute-Loire et Marie-Arlette Carlotti (SER) des Bouches-du-Rhône.

 

Une opération d’envergure exigeante

La différence majeure entre les deux opérations réside dans leur approche. Alors que « Serval » progressait vers le Nord en repoussant l’ennemi de manière séquentielle, « Barkhane » a adopté une approche cumulative. Étant donné l’immensité de la région du Sahel, aussi vaste que l’Europe, il était impossible d’assurer une présence permanente dans toutes les zones avec les moyens disponibles. Par conséquent, « Barkhane » a multiplié les raids et les frappes sur les djihadistes dispersés dans la région pour les empêcher de reconstituer leurs bases et de mener des opérations d’envergure.

 

LIRE AUSSI → REPORTAGE – Mauritanie : sur les traces des gardiens du patrimoine

 

Comme le rappel le rapport, l’objectif de cette opération était de « maintenir la crise sécuritaire au plus bas niveau possible, afin de la ramener à la portée des forces de sécurité locales et de permettre une résolution qui devait intervenir aux niveaux politique, de gouvernance et de développement. » Une opération délicate mais doté d’une force conséquente de 3000 à 5000 hommes, six ou sept avions de chasse et une vingtaine d’hélicoptères. Outre la menace djihadiste, le véritable défi était de pouvoir gérer l’acheminement de suffisamment de fret et un roulement décent du personnel pour la réussite de la mission. Tout en effectuant le plus possible de réparation directement sur le terrain.

 

La complexité de l’ennemi djihadiste

Le terrorisme n’est pas une idéologie mais un mode d’action. Une des caractéristiques des groupes djihadistes est l’agilité avec laquelle ils se déplacent et s’insèrent au sein de la population. Leur maîtrise de leur environnement est parfait. Selon le rapport, deux types de djihadistes peuvent être catégorisés : les combattants convaincus qui « défendent un agenda politique d’imposition de la Charia, voire de création d’un état islamique » et les autres se battant contre des situations « injustes » (crise économique, sociale, territoriale etc.). Le rapport met en avant que les massacres et autres événements locaux peuvent ainsi être des « facteurs d’embrigadement dans les groupes terroristes ». Pour une infime partie de la population, ces groupes armées sont susceptibles de défendre au mieux leurs intérêts contre le pouvoir central.

 

LIRE AUSSI → ENTRETIEN – G5 Sahel : «Le Mali doit revenir»

 

Cette complexité a obligé l’armée française à être constamment sur ses gardes. Mais surtout, cela lui a permis de travailler et de mettre en avant ses capacités de renseignement en lien avec la direction générale de la sécurité extérieur (DGSE) avec qui elle travaille en étroite collaboration depuis des décennies. « C’est cette profondeur historique qui a permis aux armées de disposer d’une connaissance fine du terrain et des groupes terroristes présents et qui a conduit les partenaires de la France à reconnaître son expertise unique dans ce domaine et à coopérer en toute confiance avec elle. » indique le rapport. Les moyens de renseignements utilisés pouvaient être issus de la population souvent bien renseignée, de drones, de capteurs tactiques mais également de sources de renseignement biométriques.

 

Un bilan positif contrasté

L’armée française a dû évoluer dans un univers contrasté dans lequel les luttes d’influence ont été particulièrement fortes. Au début très positive, l’image de l’opération Serval puis Barkhane s’est peu à peu effritée avec le temps. L’incapacité d’éradiquer le djihadisme et de communiquer « sur ce qu’étaient les réels intérêts de la France dans la région » ont ouvert « la porte aux spéculations malveillantes » lit-on dans le document. Une ouverture dans laquelle s’est engouffrée la Russie et le groupe Wagner utilisant toute sorte de moyen pour décrédibiliser l’armée française dans la région jusqu’à monter de toute pièce le prétendu charnier de la base de Gossi. Bien que Paris ait compris l’importance de la guerre d’influence, les moyens restent très limités. « La France ne dispose, dans ses emprises diplomatiques, que de peu de moyens pour diffuser quotidiennement des messages anti-désinformation ».

 

LIRE AUSSI → TRIBUNE – OTAN 2030 : «Ce projet met en péril la souveraineté militaire française»

 

Sur le plan militaire, les groupes djihadistes ont été très affaiblis. L’envoi de 600 hommes français supplémentaires, l’opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel et l’armement des drones depuis la fin de l’année 2019 ont permis des résultats significatifs. Néanmoins, l’opération Barkhane se limite à des succès militaires sans s’attaquer aux causes structurelles principalement politique qui ont amené à ce terrorisme. Les décisions politique locales ne suivent pas et les forces armées des pays du Sahel ne sont pas capables de prendre la relève malgré les aides et formations octroyées par la France principalement. Les aides aux développements bien que nécessaires n’étaient pas suffisantes compte tenu des besoins très importants de la région.

Le départ des troupes françaises devrait accroitre cette instabilité que les mercenaires de Wagner ne résorberont pas. « Une évolution vers des régimes de plus en plus autoritaires et militaires, ainsi qu’un rôle croissant des forces religieuses fondamentalistes, n’est pas à exclure » met en avant le document. Face à ce constat, Paris doit profiter de ce départ pour « tenter de modifier favorablement l’image de la France dans la région. ». Pour autant, la capacité de déploiement doit être conservée tandis que l’opération Sentinelle qui pèse lourdement sur l’Armée de Terre doit évoluer au profit d’une plus grande montée en compétence des forces de sécurité et du renseignement. Le risque d’attentat tient désormais davantage du « loup solidaire » qu’un soldat entraîné par l’État islamique.

 


Vous avez apprécié l’article ? Aidez-nous en faisant un don ou en adhérant

Laisser un commentaire

RSS
YouTube
LinkedIn
LinkedIn
Share
Instagram

Merci pour votre abonnement !

Il y a eu une erreur en essayant d’envoyer votre demande. Veuillez essayer à nouveau.