Référendum en Nouvelle-Calédonie : un scrutin sur l’indépendance d’une île stratégique pour la France
Publié le 10/12/2021
Le 12 décembre 2021, la Nouvelle-Calédonie choisira son avenir lors d’un référendum d’indépendance, le troisième depuis 2018. Un scrutin que les indépendantistes ont appelé à boycotter.
C’est une élection qui pourrait rentrer dans l’histoire. Le 12 décembre prochain, les habitants de la Nouvelle-Calédonie décideront par référendum s’ils souhaitent rester ou non dans le giron français. Une décision qui porterait préjudice aux intérêts français dans le monde et plus spécifiquement dans le Pacifique sud. Tour horizon.
De la quasi-guerre civile aux accords de Nouméa
Tout commence par la quasi-guerre civile en Nouvelle-Calédonie aux milieux des années 1980. A cette époque, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) commet différents actes de violences afin de protester contre la présence française remontant à 1853. Ils incendient et pillent les maisons et les exploitations des « caldoches », terme qui désigne les nouveaux arrivants principalement d’origine européenne. Plusieurs morts sont à déplorer dans les deux camps ainsi qu’une dizaine de gendarmes. Outre l’importante couverture médiatique tant nationale qu’internationale, cette crise atteint son point culminant avec la prise d’otage d’Ouvéa en 1988. Des pourparlers ont lieu et la paix est retrouvée lors de la signature des Accords de Matignon à Paris le 26 juin 1988 entre une délégation indépendantiste et une délégation anti-indépendantiste. Cet accord reconnaît le besoin d’une plus grande autonomie de l’île.
Une décennie plus tard c’est chose faite. Signée en 1988, les accords de Nouméa prévoient le transfert de certaines compétences à la Nouvelle-Calédonie sauf ce qui concerne le régalien (sécurité, armée, justice, monnaie). Ils prévoient également une série de trois référendums sur l’indépendance de l’île, si les résultats des deux premiers sont négatifs. Une grande démarche d’ouverture de la France qui, de fait, scie la branche sur laquelle elle est posée favorisant l’indépendance. Le premier se déroule en novembre 1998. A 56,7% (pour 81% de participation), la population locale refuse l’indépendance. Conformément aux accords en cas de résultat négatif, un deuxième référendum est organisé en octobre 2020. A 53,3% (pour 85,7% de participation), les habitants continuent à se prononcer contre l’indépendance de l’archipel. Le scrutin se caractérise par une hausse de la participation et une hausse du vote indépendantiste sans toutefois que celui-ci effectue une véritable percée. Encore une fois, un troisième référendum, pour les mêmes motifs, est prévu le 12 décembre 2021 suite aux demandes répétées de deux courants du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).
Un scrutin sous haute tension
La minuterie tourne depuis déjà plus de 30 ans. Dimanche, celle-ci devrait en théorie s’arrêter et le verdict devrait tomber de façon définitive sur ce territoire français. Officiellement, les indépendantistes ont appelé à boycotter le nouveau (et dernier) scrutin qu’ils ont eux-mêmes réclamé pour une raison : le Covid-19. Certains analystes perçoivent cette méthode comme un stratagème visant à essayer de délégitimer le résultat de ce référendum considérant que le résultat de celui-ci devrait être de toutes les manières en faveur de son maintien comme territoire français. Toujours est-il que le sujet commence tout juste à être évoqué sur la place publique en particulier grâce à l’élection présidentielle qui approche à grands pas. Les différents candidats dont principalement Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon ont pris des positions tranchées ces derniers jours à ce sujet.
De son côté, le candidat de La France Insoumise (LFI) « adjure » le gouvernement de reporter ce référendum se ralliant aux arguments indépendantistes. Il justifie son propos en accusant le gouvernement de « prendre le risque de recréer les conditions du conflit actuellement apaisé ». De son côté, si Éric Zemmour prend le parti inverse en appelant les habitants à se « projeter sereinement dans un avenir français », il en profite pour dénoncer dans une vidéo postée sur sa chaîne YouTube, le « système de discrimination électorale inique […] qui exclut des dizaines de milliers de citoyens français du droit de vote ». Le candidat de la « Reconquête » fait ainsi référence aux conditions de participation strictes ne permettant pas à tous les inscrits sur les listes électorales de voter, excluant ainsi près de 18% du corps électoral normal, principalement européen arrivé après 1994.
Une terre française indivisible stratégique
Si certains candidats à la prochaine élection présidentielle se penchent sur le sujet, c’est que la question de l’indépendance de ce territoire stratégique clive. Pire encore, il serait une catastrophe pour les deux parties : la Nouvelle-Calédonie et la France. Avec 1,5 million de kilomètres carrés de zones maritimes exclusives garanties par la France, le territoire bénéficie de ressources halieutiques conséquentes ainsi que du cobalt, essentiel dans l’industrie, et du nickel, le « métal du sable ». En 2020, l’archipel a produit 8,1% de la production mondiale soit près de 200 000 tonnes de nickel. Ce dernier représente à lui seul 90% de l’exportation de l’île pour 10% de son PIB.
Sa richesse attire les convoitises en particulier celles de la Chine. Pékin profite en effet de ces différents référendums et plus récemment de la crise des sous-marins entre la France et l’Australie voisine de la Nouvelle-Calédonie, pour raviver son ambition expansionniste et avancer ses pions dans le Pacifique sud. Une manœuvre qui permettrait d’étouffer l’île et de mettre la main sur une richesse en profitant de sa présence pour isoler l’Australie. C’est d’ailleurs à ce scenario que travaille actuellement l’armée française sur place : les risques d’influence de la Chine dans la région. Pendant ce temps-là, Paris enquête sur les liens pouvant exister entre les mouvements indépendantistes et Pékin sur cet archipel de 280 000 habitants.
Le sujet ne semble pas préoccuper directement le Premier ministre Jean Castex qui, outre la crise du Covid-19 et la nécessité de la relance économique, ne semble pas affectionner particulièrement ce dossier contrairement à son prédécesseur à Matignon Edouard Philippe. Du côté du président de la République, Emmanuel Macron, celui-ci a déclaré lors d’une visite sur l’archipel en 2018 au sujet de ces référendums que ce « n’était pas sa responsabilité ». Avec un président qui s’en lave les mains et qui offre la neutralité de l’État plutôt que de veiller à l’intégrité territoriale de la France, les indépendantistes en prennent acte.
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