Sur la route d'Atar dans la région de l'Adrar en Mauritanie. ©Charles de Blondin

Ancienne colonie française, la Mauritanie bénéficie d’un patrimoine historique remarquable. La région de l’Adrar dans le nord du pays s’inscrit pleinement dans cet héritage traditionnel.

 

Le 4×4 roule à vive allure dans les dunes de sables à pertes de vue. Le chemin est chaotique. Pas de route, seulement des traces de voiture qui nous mène jusqu’à une petite ville nommée Chinguetti dans la région de l’Adrar en Mauritanie. En cette saison, la température est parfaite et très peu de touristes viennent perturber le calme du désert. Il faut dire que la partie Est du pays est encore déconseillée par le ministère des Affaires étrangères français. Une décision partagée par la plupart des chancelleries européenne, qui prive le pays de précieux revenus touristiques.

 

La richesse plurimillénaire de l’Adrar

L’histoire du pays est riche de mille et un trésors et ne demande qu’à être découverte. Du paléolithique jusqu’à la période coloniale française, de la culture maure jusqu’aux paysages à couper le souffle de l’Adrar, le patrimoine mauritanien mérite le détour. La passe d’Amogjar aux abords d’Atar, la capitale régionale, a même été choisie pour le décor du film Fort Saganne en 1984 avec Gérard Depardieu, Sophie Marceau et Catherine Deneuve. Voie de communication importante, le col relie les villes de Chinguetti et de Ouadane sur le plateau de l’Adrar à la ville d’Atar et bénéficie d’une vue imprenable sur la vallée. Non loin de là se trouvent les peintures rupestres d’Agrour Amogjar, un des sites les plus importants de la région qui n’en recense pas moins d’une trentaine. Elles dateraient du début du néolithique, soit environ 7000 ans avant notre ère.

 

La passe de Nouatil sur le plateau de l’Adrar. ©Charles de Blondin

 

Le haut Moyen-âge est une période propice au développement du commerce caravanier transsaharien et de l’économie d’oasis dattières. Certaines villes sont issues de ce dynamisque, comme Atar. Chaque année se déroule la « fête des dattes » ou Guetna dans la région de l’Adrar. Issu d’une tradition nomade, ce rendez-vous estival rassemble des milliers de personnes de fin juin jusqu’au mois d’août. Les familles quittent les villes et se rendent dans les palmeraies pour la cueillette des dattes. La période est alors propice aux festivités, retrouvailles familiales, mariages et autres rencontres. « La tradition d’Atar est l’accueil » confie Mohamed Mahmoud Taleb, le directeur de l’Alliance Française d’Atar dont la mission est de diffuser la langue française et les cultures francophones partout dans le monde grâce à son statut unique d’association de droit local. « Depuis des siècles, notre ville a toujours reçu de nombreux étrangers. Elle a été un lieu de passage pour le commerce mais aussi une zone de garnison militaire importante » explique-t-il.

 

Atar, une ville stratégique

Au XIXe siècle, après avoir conquis la région, l’armée française définit la ville d’Atar comme zone stratégique et installe sa garnison dans le cadre de la pacification du Sahara. Des milliers d’hommes français et tirailleurs sénégalais s’installent aux portes de la ville. Aujourd’hui, de nombreux bâtiments témoignent encore de cette époque révolue. Certains sont d’ailleurs encore utilisées par les forces armées mauritaniennes. « Malheureusement, les bâtiments qui ne sont pas occupés tombent en ruines. Celui qui hébergeait les bureaux de l’État-major de la garnison française et qui bénéficie d’une architecture caractéristique de cette époque est abandonnée et va sûrement disparaître, c’est dommage » continue Mohamed Mahmoud Taleb qui nous fait visiter la zone.

 

Le cimetière française d’Atar a été restauré au début des années 2000 par la mission défense de l’ambassade de France en Mauritanie. ©Charles de Blondin

 

Le cimetière abrite de nombreuses sépultures des troupes coloniales chrétiennes et musulmanes ©Charles de Blondin

 

La ville compte également un cimetière français rappelant les combats difficiles des unités méharistes des troupes coloniales durant le demi-siècle de présence. Avec plus de 250 tombes, le lieu est refait à neuf au début des années 2000 par la mission militaire française. Les sépultures chrétiennes et musulmanes sont séparées. Sur les tombes mais aussi à l’entrée figure le nom de ces soldats morts lors d’opérations pour la pacification du Sahara ou en temps de paix en garnison.  Les derniers soldats décédés remontent aux combats d’Atar en 1957. Le 12 janvier de cette année-là, des combattants marocains s’infiltrent dans le nord du territoire mauritanien et tendent une embuscade à une patrouille française. Grâce à l’appui de la population locale et de nombreux hommes armés de tribus mauritaniennes, l’armée française parvient à repérer les combattants infiltrés et à les neutraliser.

 

La francophonie en berne

Ce ne furent pas les dernières infiltrations illégales sur le territoire. Avant-hier marocaines, hier terroristes, les entrées sur le territoire mauritanien sont facilitées par une géographie désertique propice. Le pays partage plus de 1 000 kilomètres de frontières avec son voisin malien particulièrement touché par le terrorisme et l’instabilité politique. Un véritable fléau dont la Mauritanie a été victime de 2005 jusqu’à 2011 impactant très fortement sa stratégie de développement du tourisme. Aujourd’hui encore et malgré la politique de sécurisation menée activement par le gouvernement, il reste en berne. « Le tourisme stimule l’économie et constitue un des remparts contre le terrorisme » précise Mamine Evin, guide-conférencier et fin connaisseur de l’histoire de son pays. « Nous avons la chance d’avoir un Islam ancien, basé sur la tolérance ici. Le terrorisme ne fonctionne pas car les Mauritaniens rejettent cette méthode » explique-t-il.

 

Mohamed Mahmoud Taleb est le directeur de l’Alliance française d’Atar. ©Charles de Blondin

 

La création de ce G5 Sahel en 2014 qui regroupe la Mauritanie, le Mali (jusqu’en 2022), le Niger, le Tchad et le Burkina Faso a permis de lancer une dynamique de développement de la région et lutter ainsi contre la paupérisation. Le G5 Sahel a également permis de mettre en avant la langue française dans les institutions diplomatiques mais également militaires. « Depuis 2007, nous avons formé plus de 1 000 soldats mauritaniens aux bases de la langue française » nous confie Mohamed Mahmoud Taleb. Une opération nécessaire pour le développement des relations diplomatiques avec les pays frontaliers. Plus encore, la connaissance de cette langue est un bagage supplémentaire pour qui souhaite travailler dans de nombreux secteurs économiques dont le tourisme, souvent francophone.

 

Mamine Evin et sa collection d’ouvrages d’Odette du Puigaudeau. ©Charles de Blondin

 

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Le développement du panarabisme a cependant fragilisé la langue de Molière. « La francophonie baisse. Mes enfants rencontrent des difficultés à parler le français. J’ai peur d’être le dernier de ma famille à parler la langue d’un pays que j’aime » rappelle Mamine, petit-fils d’un soldat français qui se considère être un « ambassadeur » de la littérature française. Au cours de notre échange, dans sa maison, il nous déclame des poèmes de Paul Éluard, nous mets en avant sa passion pour l’ethnographe française Odette de Puygaudeau – connue dans la région pour son recensement des us et coutumes mauritanien. Mais ce dont il est particulièrement fier, ce sont les 4 terrains de pétanques qu’il a aménagé avec des projecteurs pour les habitants de son village à quelques kilomètres d’Atar. « Certains y jouent jusqu’à tard le soir » se félicite-t-il. Dans le Sahara mauritanien, les liens avec la France résonnent encore.

 


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