Histoire de l’art : partez à la découverte de 3 grands joailliers oubliés

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Primrose (Primevère) – Alphonse Mucha, 1899 © Mucha Trust 2012, courtesy of Trisha Spence, National Czech & Slovak Museum & Library

La joaillerie française est issue d’une longue tradition artistique et artisanale. Ce savoir-faire, jalousé par les plus grandes nations, s’est transmis au cours des siècles. Quelques unes des plus grandes maisons de joaillerie actuelles, à l’image de Cartier, sont nées en France au XIXe siècle. Toutes n’ont pas survécu et c’est à leur redécouverte que Billet de France vous emmène.

 

Eugène Fontenay (1824-1887)

Issu d’une lignée de bijoutiers, Eugène Fontenay s’installe à son compte à l’âge de 24 ans. Très vite, il attire une clientèle de premier rang. La reine Marie II de Portugal lui commande notamment un éventail de style renaissance en 1852. Après son véritable premier chef d’oeuvre de joaillerie, un diadème formé de deux branches de roncier sauvage en platine serti de diamants, il se fait le chantre d’une tradition bijoutière française qu’il compte poursuivre dans le grand style du XVIIIe siècle. En ce sens, il crée pour l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, un bijou d’un luxe admirable : un tour de tête modulable, dont les neuf grands fleurons constitués d’émeraudes et de saphirs peuvent être remplacés par dix-sept gros diamants pendeloques faisant partie de la rivière impériale…

 

Eugène Fontenay, Diadème exécuté pour l’impératrice en 1858 (in. Vever, La bijouterie française au XIXe siècle, Tome II, p.172).

Son carnet de commande ne cesse de s’agrandir et les demandes princières d’affluer. Au cours de la décennie 1860, il crée pour cette richissime clientèle des boites à bétel, des pipes, des boucles de ceinture, des miroirs et même de l’équipement de cavalerie en or et pierres précieuses pour le Roi de Siam ou encore le Shah de Perse. La plus incroyable de ses luxueuses créations est un service de table réalisé pour le roi d’Egypte entre 1858 et 1867, probablement disparu aujourd’hui :

Un « service de table en or, brillants et pierres précieuses (…) exécuté (…) pour (…) Saïd Pacha. Ce service, composé de 42 couverts en or et émaux couvert de brillants, dont chacun avait une valeur de 60 000 Fr. était complété par un grand compotier occupant le centre d’un ensemble où figuraient deux candélabres à six branches valant pièce 1.800.000 Fr. ».


 Eugène Fontenay, Les bijoux anciens et modernes, Paris, 1887

Eugène Fontenay partage son savoir avec de nombreuses maisons de joaillerie, au premier rang desquelles Boucheron. Son style très personnel plait à la gent du XIXe siècle. Par exemple, il crée des colliers en or décorés d’émaux peints par Eugène Richet et sertis de diamants (Maison Boucheron, British Museum, Londres).

 

Eugène Fontenay, collier en or décoré d’émaux d’Eugène Richet et sertis de diamants, (circa 1865), British Musuem, Londres (donation Hall Grundy).

 

Henri Vever (1845-1942)

Henri, assisté de son frère Paul, transforme à la fin du XIXe siècle la bijouterie familiale messine en firme de renommée internationale : La maison Vever. Sise rue de la Paix dans le deuxième arrondissement de Paris, la maison Vever s’inscrit pleinement dans le renouveau décoratif apporté par le mouvement éponyme : l’Art Nouveau. Les frères Vever font appel à Eugène Grasset, célèbre affichiste et décorateur, pour dessiner des bijoux d’un raffinement inouï. Les formes de prédilection sont celles de l’art nouveau : les femmes, les plantes ou encore le paon.

Paul et Henri Vever, pendentif « Silvia » en or, agate, rubis, diamant et émail (1900), Les Arts Décoratifs, Paris.

 

Présents aux expositions universelles de 1878, 1880, 1900 mais aussi aux grandes expositions de Bruxelles, Moscou, Chicago, leurs créations attirent l’attention des critiques mais aussi du jury. La critique les encense, à l’image de celle d’Emile Monod à l’exposition universelle de 1889 :

« Les branches de rose, d’amandier, de fraisier… ainsi que des orchidées et les fleurs de toutes sortes exécutées en diamant d’une façon si légère et d’un mouvement si naturel qu’on les aurait crues cueillies dans les champs par une belle matinée de givre ».


Exposition universelle de 1889, Paris, 1889; vol. III « Les industries de luxe », E. Dentu, p.539

Les frères Vever apportent à la joaillerie un regard tout à fait nouveau et régénérateur, et connaissent donc un véritable succès au tournant des XIXe et XXe siècles. Les hommes les plus influents du monde comptèrent parmi leurs clients : Alexandre III, le Shah de Perse ou encore le président Sadi Carnot. La bijouterie Vever transmise de génération en génération ferma définitivement ses portes en 1982. 

Le modèle le plus connu de cette collaboration est le pendentif Poésie récompensé à l’exposition universelle de 1900 qui se compose d’une figure de femme stylisée et habillée de branches de fleurs.

 

Paul et Henri Vever d’après le dessin d’Eugène Grasset, pendentif « Poésie » au motif de femme à la harpe habillée de branche de fleurs; or ciselé, ivoire, émail translucide sur or (1900), inv. 12746, Les Arts Décoartifs, Paris.

 

Alphonse Fouquet (1828-1911) et Georges Fouquet (1862-1957)

Associé à son père Alphonse Fouquet, Georges Fouquet est considéré comme l’un des pères de la bijouterie moderne. Alphonse se fait remarquer très jeune en 1855 alors qu’il participe à un concours pour un modèle de parure de tête destiné à la corbeille de mariage d’Ismail, pacha d’Egypte. En 1860, il crée son propre commerce à Paris et emploie une trentaine d’ouvriers pour réaliser des bijoux d’une riche fantaisie qu’il exporte en Europe mais aussi en Amérique du Sud. A l’exposition universelle de 1878, il présente plusieurs pièces de joaillerie d’un luxe inédit, des « bijoux-dentelle » et des parures à l’antique. Les bijoux ont été dessinés par Alphonse tandis que la création à proprement parler est l’œuvre du célébrissime sculpteur Carrier-Belleuse.

 

Diadème Chimères, Alphonse Fouquet, c.1878. Gouache sur papier calque. Inv CD 2569.38.1 – © Les Arts Décoratifs.

 

En 1895, Alphonse laisse la direction artistique et commerciale à son fils Georges qui va rivaliser d’ingéniosité en s’inspirant des succès de Lalique et de Vever. Dans la course de l’exposition universelle de 1900, il s’entoure du renommé Alphonse Mucha pour la création artistique. Sarah Bernhardt est l’une de ses plus grandes clientes. La maison Fouquet produit tous les bijoux en vogue à l’époque : diadèmes, broches, bracelets, bagues, peignes en corne blonde, « colliers de chien » (colliers enserrant le cou), pendentifs etc.

Georges toujours à l’écoute des femmes et de l’évolution de la société transforme rapidement l’esprit de ses créations pour épouser au lendemain de la Première Guerre mondiale les canons de l’Art Deco. De là, naissent des bijoux résolument modernes aux formes géométriques, aux lignes droites et pures que Georges Fouquet justifie en ces mots :

« Le bijou doit être composé de masses lisibles de loin, la miniature est haïssable » et d’ajouter que « bijoux et pièces d’orfèvrerie doivent constituer des œuvres d’art tout en répondant au même besoin que les articles industriels ».


 Jean Fouquet, Bijoux et Orfèvrerie, Paris, 1931
Georges Fouquet, ornement de corsage en or représentant un serpent marin ailé, décoré d’émail cloisonné, d’émeraudes et de perles baroque (1902), coll. part.

 

Malheureusement, la crise financière de 1929 fut fatale à l’entreprise à la fameuse devanture réalisée par Mucha installée rue Royale (Paris 8e) Elle ferma définitivement ses portes en 1936.

Georges Fouquet, broche en platine sertie de diamants (1924). Disque en onyx, cabochon et goutte en corail, coll. part. (Photo Tomas Heuer).

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