Johan Barthold Jongkind Lattrop (1819 – 1891). La Côte-Saint-André. Le Quai d’Orsay à Paris, vers 1850-1852.

Le conservateur hollandais Ger Luijten s’est éteint en décembre 2022. La Fondation Custodia, établissement parisien qu’il dirigea durant douze années, rend aujourd’hui hommage à l’instigateur d’une politique d’acquisition originale, marquée par une consciencieuse diversité.

 

Créée en 1947 par les collectionneurs d’art Frits Lugt et Jacoba Lugt-Klever, la Fondation Custodia occupe depuis 1953, au 121 rue de Lille, l’hôtel XVIIIème du contrôleur des finances Turgot, lequel fut enfermé en 1895 au sein d’un immeuble moderne par le comte de Lévis-Mirepoix. La collection du couple hollandais est depuis lors conservée dans cet hôtel français, dont les intérieurs ont été remaniés « à la hollandaise », en référence aux tableaux du Siècle d’Or que connurent les Pays-Bas grâce, entre autres, à Johannes Vermeer ou Pieter de Hooch.

 

LIRE AUSSI → Germaine ou la France : vie et écrits de Madame de Staël

 

Avec ses 7 000 dessins, 15 000 estampes et 450 peintures portant sur tous les genres du XVème au XVIIème siècle, la Fondation s’impose depuis plus d’un demi-siècle comme la « maison de l’art sur papier » en France. Les dessins et estampes mobilisent l’ensemble des écoles européennes, mais les maîtres hollandais et flamands dominent l’ensemble. La quasi-totalité de l’œuvre gravée de Rembrandt y figure, aux côtés de l’une des plus importantes collections de lettres d’artistes au monde, rassemblée par Frits Lugt et comptant les signatures de Michel-Ange, Albrecht Dürer, Paul Gauguin ou encore Henri Matisse. Un fond de près de 300 tableaux européens du XIXème siècle ainsi qu’un millier de cadres originaux complètent cet ensemble réfléchi.

 

Rotterdam, Amsterdam, Paris : hommage à Ger Luijten

Né en 1956, Ger Luijten entreprit, à l’âge de 23 ans, des études d’histoire de l’art, après s’être formé au métier de professeur de dessin. Il mènera aux Pays-Bas une carrière muséale fulgurante, alliant à l’œil de l’artiste le talent de l’acquéreur avisé. D’abord conservateur du musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam puis conservateur du département des arts graphiques du Rijksmuseum d’Amsterdam, qu’il dirigera, il révolutionne son métier en éditant la collection Hollstein. Ces catalogues de gravures hollandaises et flamandes, paraissant depuis 1949 sont, sous son impulsion, révisés : y sont ajoutées des analyses portant sur les inventeurs et les éditeurs des gravures, lesquelles sont reproduites.

 

LIRE AUSSI → Kessel : sur les planches de la liberté

 

Les travaux du Rikjsmuseum au début du XXIème siècle le poussent, à la suite de Mària van Berge-Gerbaud, à prendre la direction de la Fondation Custodia à Paris. Deux après la mort prématurée de son directeur, l’établissement présente une exposition consacrée à sa politique consciencieuse et passionnée. Spécialiste international de l’estampe néerlandaise, il ouvrit un fond alors axé sur les œuvres flamandes et hollandaises aux artistes allemands et anversois. Il acquit également 600 tableaux de plein air durant son directorat, actant la diversification de la fondation et en faisant ainsi un lieu de plus en plus connu des amateurs.

Au travers d’une exposition baptisée « Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten », l’endroit rend hommage à « un œil passionné », qui fit entrer quelque 10 000 œuvres dans ses collections depuis 2010. Un parcours organisé par technique brosse un large portrait de l’histoire de l’art, de XVème au XXIème siècle.

 

Nos coups de cœur

L’exposition est organisée autour de onze thèmes chers à Ger Luijten. On relèvera pelle-mêle : des dessins sur livres ; des esquisses à l’huile ; une multitude d’estampes anciennes ; des dessins du XIXème siècle ; plusieurs tableaux de maitres du XVIIème siècle ; une sélection de portraits miniatures ; le carnet des 333 oiseaux de Peter Vos ; le livre-hommage des frères Goncourt au peintre Paul Gavarni ; ou encore des lettres de Théodore Géricault, Ingres, Edouard Manet et autres. En voici un avant-goût.

 

Geen dag sonder trek, par Jan Goere, (1670-1731), Plume et encre grise, lavis gris et brun, sur un tracé à la sanguine. Libre illustration de l’adage « Pas un jour sans une ligne » issu de la vie du peintre Apelle par Pline l’Ancien.

 

Oliviers près de Tivoli, par Janus La Cour, (1837-1909), Huile sur toile. Un travail méticuleux mené sur plusieurs jours permit à l’artiste de figurer la puissance du soleil sur les troncs noueux.

 

Indulgences plénières, par Louis-Jean Desprez, (1743-1804), Eau-forte au trait, aquarelle. L’architecte parodie la procession du Vendredi Saint dans un décor monumental et séduit par des saynètes moqueuses.

 

Allégorie de la folie humaine, par Cornelis Saftleven, (1607-1681), Huile sur panneau. La chouette, volatile des sots au XVIème siècle, couve ses œufs sous la Mort : elle est moquée par les sept péchés capitaux.

 

L’exposition « Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten, un œil passionné » se tient du 27 avril au 7 juillet 2024 au 121 rue de Lille, Paris VIIème. Ouverture du mardi au dimanche de 12h à 18h.

 


Vous avez apprécié l’article ? Aidez-nous en faisant un don ou en adhérant

Laisser un commentaire

RSS
YouTube
LinkedIn
LinkedIn
Share
Instagram

Merci pour votre abonnement !

Il y a eu une erreur en essayant d’envoyer votre demande. Veuillez essayer à nouveau.