Notre-Dame de Paris en feu, le 15 avril 2019

Lundi soir, Paris et la France entière ont eu les yeux rivés sur les flammes dévorant la cathédrale de Notre-Dame, les larmes aux yeux, le visage crispé d’angoisse, priant pour que nous ne perdions pas ce pan de notre histoire, de notre patrimoine, auquel nous sommes tant attachés.

 

Ce sont 800 ans d’histoire et de grand savoir-faire inscrits dans la pierre. Notre-Dame est le témoin précieux et fascinant de 15 siècles de christianisme, de hautes valeurs morales, de prouesses techniques mises au service de la beauté et de la foi. Monument le plus visité d’Europe et symbole du patrimoine mondial auquel est fortement attaché notre peuple millénaire, elle s’inscrit dans cette famille fascinante des cathédrales du Nord, fleurons du gothique flamboyant. Édifice inestimable, pour lequel des centaines d’hommes ont donné leur vie et que des centaines d’hommes ont ensuite entretenu de leurs mains ; organe de l’Europe, fierté de la Nation : elle fait partie des plus grands chefs d’œuvre architecturaux que nous ayons en France.

 

Le mépris du gouvernement

Alors qu’entre 2017 et 2018 plus de 1500 actes anti-chrétiens ont été enregistrés, que depuis début 2019 nous comptons plus 100 profanations, que l’on constate des dizaines de croix tronçonnées, de Christs décapités, de vitraux brisés et d’églises saccagées, le gouvernement et les médias ne cessent de garder un lourd silence, témoin d’un mépris certain. Il a fallu attendre une catastrophe patrimoniale pour qu’enfin, les politiques et les médias daignent adresser un mot aux Français, et surtout aux 43 millions de Chrétiens (65% des Français se déclarant eux-mêmes catholiques).

Soulignons cependant la qualité et la dignité de l’allocution du Président, donnée devant le corps encore fumant de la cathédrale. Mais pourquoi reconstruire Notre-Dame d’un côté, si de l’autre, la République continue de démolir, pierre après pierre, ce qui fait l’âme de la France ?

D’autre part, il faut voir à quel point on passe d’un extrême à un autre : du mépris on passe à l’hubris, du silence aux cris d’orfraie. Pas loin des 2000 actes antichrétiens passés sous silence depuis 2 ans, Notre-Dame perd sa flèche et son toit, et voilà qu’elle devient « l’épicentre de nos vies » (relent jacobin), voilà que sa reconstruction devient « notre destin ». Autant de formules nécessaires en langage politique, que de démesures face aux faits.

Bref, à travers cette actualité forte, il s’agit aussi d’avoir, en filigrane, de la considération pour la réalité culturelle d’un pays vieux de 17 siècles de Christianisme. Et malgré la controverse et les excès, c’est heureux que les cathédrales reviennent au goût du jour.

 

Champ lexical

Cathédrale, autel, croix, reliques, couronne d’épine, Saint-Louis, vitraux, Semaine Sainte…

Enfin le retour du champ lexical de la Chrétienté devant le feu des projecteurs ! Là aussi, il a fallu attendre un tel drame pour qu’enfin, on entende parler des églises et des chrétiens dans les médias, sans systématiquement parler des 3 pédophiles qui éclipsent les millions de catholiques priant dans l’amour et répandant la bienveillance autour d’eux.

 

Les émotions

Comme tous les Français (et beaucoup de gens du monde entier), j’ai été profondément choqué, attristé, faisant corps avec cette nation horrifiée de voir la grande flèche s’écrouler. Cette tragique image restera gravée dans nombre d’esprits. Puisse-t-elle rappeler à la France ce qu’elle est au plus profond d’elle-même, dans ces temps de trouble où l’on anesthésie souvent pour mieux pouvoir l’éroder.

 

Les héros & bienfaiteurs

Saluons l’excellent travail des pompiers de Paris, dont l’un d’entre eux a été grièvement blessé, pour éteindre le brasier infernal qui dévorait l’édifice. Et remercions du fond du cœur les très généreux donateurs, grâce à qui l’on pourra vite rebâtir Notre-Dame : LOUIS VUITTON-ARNAULT : 200M € / L’ORÉAL : 200M € / TOTAL : 100M € / PINAULT : 100M €, etc.

 

Offuscation de certains

Certaines personnes ont déploré que l’on puisse débloquer là de telles sommes, mais pas pour l’écologie, la misère, ou la santé. Je comprends leur réaction, tout cela est une simple question de sensibilité, mais on ne peut pas juger ceux qui donnent pour telle cause sans donner pour telle autre ! On peut juger ceux qui ne donnent rien et ne vivent que pour eux, mais pas ceux qui donnent en fonction de leurs préférences. D’ailleurs, le comparatif entre la forêt amazonienne, la misère dans le monde et la catastrophe de Notre-Dame n’a absolument aucun sens. Beaucoup de donateurs pour Notre-Dame donnent aussi pour la faim dans le monde, et d’autres nobles causes : cette offuscation très plébéienne est donc clairement grotesque.

 

Les insensibles et les hermétiques

Sous couvert de subjectivité, beaucoup tombent dans la fainéantise, et se désengagent de comprendre certaines choses auxquelles ils préfèrent rester hermétiques. Un édifice architectural matérialise la quintessence de l’être humain. Il est une ode à l’humanité et témoigne de ce qu’elle porte de plus beau en elle : le désir de beauté, le refus de mourir, et le besoin de transcendance.

Réduire une cathédrale à un simple bâtiment, c’est être handicapé. Handicapé du cœur et de l’esprit, aveuglé par un déni du réel. Celui qui apprend à se taire pour observer, sentira immédiatement qu’au moment où il passe le porche d’une église, il pénètre dans un lieu sacré irremplaçable, pétri d’histoire et de profondeur. Le voici alors dans les entrailles du temps, là où la pierre, le métal et le bois, incarnent l’essence même de l’espèce humaine.

 

Vrais visages

Les drames nationaux permettent toujours de mettre à nu les vrais visages et la nature des gens. Je pense à tous ceux qui n’ont rien ressenti en voyant Notre-Dame flamber : si tu n’as pas mal en voyant ça, tu n’es pas vraiment Français ou très partiellement. Je pense aussi à ceux qui se prétendent français, notamment quand on gagne au foot, mais qui n’ont pas ressenti une once de douleur pour ce triste spectacle. En fait, ce n’est même pas une question d’être Français ou non, c’est plus grand, plus universel, c’est une question de patrimoine humain ! Ceux qui se fichent totalement de ce drame ont juste un problème d’humanité.

 

Les cafards

Que dire de ceux, comme Opaline Meunier, qui méprisent le patrimoine au point d’oser la réduire à « des briques et une charpente » dont l’incendie n’est pas grave.  Bien sûr, je peux comprendre certaines minimisations, tant qu’elles demeurent décentes : des gens ne sont pas morts, ce n’est pas tout l’édifice qui est partie en fumée, il y a pire, etc. Avec tout type de relativisation, on peut minimiser bien des drames, mais cela n’a finalement aucune prise sur nos passions et n’atténue en rien le sentiment de deuil national.

 

Pas de naïveté

Attendons ce que l’enquête dira, mais ne soyons pas trop crédules ! Qu’il s’agisse d’un accident professionnel, ou d’un crime délibéré contre la chrétienté, les coupables devront, à l’échelle de leurs intentions, payer le prix pour cette tragédie. De plus, de nombreux acteurs du patrimoine ont déjà dénoncé le non-respect des normes de sécurité des chantiers, ainsi que les moyens dérisoires alloués à l’entretien des églises de Paris par le Ministère de la Culture. Ils rappellent que ce n’est pas le premier incident de ce type, et affirment qu’en prenant certaines mesures, on aurait pu éviter tout cela. En plus des « incendiaires », il est donc possible que certaines institutions doivent être aussi tenues pour responsables.

 

Badinerie architecturale

Les puristes du Moyen Âge y trouveront peut-être leur compte puisque amputée de la flèche, la cathédrale retrouve ainsi son allure médiévale… Mais plus sérieusement, la flèche doit absolument être refaite à l’identique (dans le respect de la Charte de Venise), et non avec je ne sais quelles élucubrations narcissiques des architectes contemporains. Il en va du respect de l’histoire et de l’esthétique.

J’aime à considérer que « la reconstruction à l’identique est la destruction de la destruction », et donc l’effacement de l’histoire du bâtiment, mais ici, c’est fallacieux. J’aime aussi que l’on mette en compétition les architectes entre eux, pour débusquer par émulation le plus apte à « reconstruire Notre-Dame », au risque d’en choisir un qui ne reproduise pas l’édifice à l’identique. C’est très moderne, et le Moyen Âge était moderne, car on y faisait déjà cela ! Mais quelles que soient les modifications architecturales que l’on pourra trouver, pour « inscrire la cathédrale dans l’histoire contemporaine », elles ne seront que source de dissensus. L’historien Boucheron a justifié un éventuel changement de cap esthétique, en rappelant qu’« au Moyen-Âge, on se demandait ce qui est plus plus moderne pour reconstruire Notre-Dame ». Certes, mais au 13e siècle, la notion de patrimoine n’existait pas, et l’on n’hésitait pas à raser un édifice pour en reconstruire un autre à sa place. De nos jours, rien n’est pareil : on sanctifie le patrimoine et on sacralise le passé ! Aussi, on a conscience qu’une reconstruction « moderne » pourrait vite basculer dans la laideur et la disharmonie.

Je crois qu’il ne faut pas prendre de risque pour un si précieux monument et s’inscrire humblement dans la lignée de nos ancêtres bâtisseurs de cathédrales, optant pour une restauration fidèle, et non pour le caprice passager d’une réfection contemporaine. Qu’importe que nous ne puissions plus trouver en France de telles longueurs de chêne, la forêt primaire dont ils provenaient n’existant plus, nous rebâtirons quand même la charpente avec d’autres moyens, tel est notre plus beau défi !

 

Interprétation spirituelle

Je finirai sur une interprétation personnelle de l’événement, car il ne peut être hasardeux… En pleine semaine Sainte, ce feu infernal est peut-être ce dont la France a besoin, et que Dieu lui envoie. Car quelles seront et sont déjà les conséquences de cet événement ?
– La communauté catholique en ressort plus renforcée.
– L’événement fait grandir l’unité nationale autour de notre héritage commun, pour les religieux comme les laïques.
– Le chantier de reconstruction va revaloriser certains métiers nobles, propres à l’artisanat ancien (compagnons du devoir et autres confréries traditionnelles).
– A l’aube de perdre la grande Dame de pierre, les Français se sont rappelés à quel point ils l’aimaient, et tout ce qu’elle incarne magnifiquement.

Il s’agit ici de l’identité française, organiquement liée au christianisme. Un christianisme latent, souvent discret, parfois muet, mais toujours présent dans la chair de la France. Aussi, peut-être ce drame empêchera-t-il la laïcité de se convertir en dogme antireligion, cet écueil dans lequel elle tombe parfois lorsque les malveillants l’instrumentalisent, détournant les gens de leur histoire et de leur identité.
Cette interprétation est peut-être simpliste, mais le propre d’un signe de Dieu est aussi d’être perceptible par l’Homme. Que cela nous rappelle que si nous n’y prenons pas garde, notre civilisation aussi peut disparaître.

 


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