Pierre Poivre est un horticulteur, botaniste, agronome, missionnaire et administrateur colonial français

Pierre Poivre est un horticulteur, botaniste, agronome, missionnaire et administrateur colonial français.

Botaniste, explorateur et missionnaire, Pierre Poivre fut l’un des grands aventuriers du XVIIIe siècle. Curieux infatigable, il parcourut l’Asie pour rapporter des plantes rares et briser le monopole hollandais sur les épices au profit de la couronne de France.

 

La vie de Pierre Poivre commence le 23 août 1719 à Lyon. Issu d’une famille de six enfants, il est le fils de Hilaire Poivre, négociant en soieries.

Après de brillantes et rapides études, il suit, auprès des Missionnaires de Saint Joseph, des cours de théologie lors desquels il se fait remarquer. Les Jésuites, appréciant très peu de voir cet esprit sagace s’épanouir en dehors de leurs murs, tentent alors de le convaincre de rejoindre leurs rangs. Alors que ces derniers font appel à l’archevêque de Lyon pour les soutenir dans leur tentative, le jeune novice prend la décision de ne pas les rejoindre. Sentant sa volonté et son libre-arbitre contraints, il choisit les Missions étrangères à Paris.

 

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Pierre Poivre poursuit à Paris son instruction en étant également chargé des catéchumènes. Le dessin et la peinture sont perçus par le jeune étudiant, qui s’y intéresse, comme un moyen de collecter des connaissances pour sa patrie lors de ses futurs voyages. Son attrait pour l’état de missionnaire est également motivé par la possibilité de voyages et d’exploration de l’Asie, de l’Amérique, de l’Afrique et l’étude de leurs diverses cultures, afin d’en faire bénéficier l’Europe.

 

1741, premier voyage pour la Chine

Les missionnaires, percevant la fougue et le désir du large de leur jeune ouaille, l’envoient le 17 janvier 1741 pour la Chine. Arrivé à Canton, un Chinois qui avait été offensé par des Européens fait parvenir à Pierre Poivre une lettre fallacieuse, censée en apparence lui ouvrir des portes auprès des mandarins. Pierre, porté par son ardeur, présente sa lettre comme « faire-valoir » au premier mandarin venu : il est immédiatement jeté en prison. Derrière les barreaux, il parvient à séduire le vice-roi de Canton par son exemple et ses nombreuses qualités, dont l’apprentissage rapide de la langue. Avec les faveurs du vice-roi, il passe deux ans en Chine à découvrir l’intérieur du pays. Son cas marque alors un précédent ; les Français furent dès lors traités plus justement face à la loi, et la Compagnie des Indes y trouva un intérêt certain, forte des relations de Pierre Poivre.

 

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En 1745, Pierre Poivre part de Canton pour rentrer en France. Son voyage se devant d’être une aventure, il participe le 5 février au combat naval du détroit de Banca. Lors du combat, un boulet lui arrache la main. Restée sans pansement, la plaie s’infecte obligeant le chirurgien anglais à l’amputer. Un séjour forcé de rétablissement permettra au jeune missionnaire de découvrir le commerce des Hollandais et l’importance des épices.

Le 10 décembre 1746, arrivé sur l’Île de France (nom de l’île Maurice jusqu’en 1810), Pierre Poivre ne se contente pas uniquement de l’aspect commercial de son voyage. Il apporte de nombreuses plantes prêtes à être acclimatées à l’île afin de fournir de nouvelles ressources. Le poivrier, le cannelier, divers arbres utilisés pour la teinture et plusieurs espèces d’arbres fruitiers composent sa valise : il est désormais un botaniste explorateur.

 

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Après avoir quitté Port-Louis le 5 mars 1747, il atteint la France en juin 1748, après de nombreuses péripéties. Pierre Poivre revient avec beaucoup d’observations, mais surtout en étant convaincu de la possibilité et de l’importance d’acclimater des épices fines à l’Île de France. Cela permettra à la France de se doter de nouvelles ressources importantes, tout en développant l’île et les populations locales. Pendant que la vocation sacerdotale s’éloigne – la célébration liturgique étant devenue compliquée faute de bras, une nouvelle vocation commence à se dessiner.

 

Un explorateur aguerri et un botaniste accompli

Fort des succès de son premier voyage et des intérêts que Pierre Poivre avait fourni à la Compagnie des Indes, un accord est trouvé avec la Compagnie pour mettre en place un comptoir. L’explorateur botaniste a pour projet de retourner à l’Île de France afin d’y acclimater des épices fines.

Le 23 octobre 1748, soit trois mois après son arrivée, il repart pour l’Île de France, qu’il atteint le 13 mars 1749. Il part rapidement après son arrivée pour Huế dans l’actuel Vietnam, afin d’y installer le comptoir. Il rejoint Fai-Foo, en Cochinchine, comme ministre du Roi, avec qui il échange. Le 11 février 1750, le projet de comptoir est suspendu : Pierre Poivre a amassé plusieurs plantes et graines qui sont propres à la germination. Il se doit évidemment de les planter et rentre donc à l’Île de France.

 

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Pierre Poivre repart en juin pour divers pays : Manille, Macao, Canton. Il parviendra à collecter dix-neuf plants de muscadier, dont il avait identifié l’intérêt dans le commerce des épices fines. Il éprouve des difficultés à atteindre l’Île de France au retour, n’arrivant qu’avec cinq plants de muscadiers.

Les girofliers et muscadiers poussaient alors naturellement dans les îles à épices, comme les Moluques, qui étaient sous le contrôle des Hollandais et sur lesquelles la Compagnie néerlandaise des Indes orientales maintenait un précieux monopole. L’explorateur navigue donc dans ces îles pendant quatre mois afin d’acquérir ces végétaux de grande valeur.

De retour à Port-Louis, le 8 juin 1755, il constate que le sac de noix de muscade et les graines de girofliers qu’il avait acquis sont inadaptés à la plantation. Pierre Poivre présente avec peu de succès au conseil de l’Île de France ses différents travaux botaniques. La mort de l’unique plant qu’il avait rapporté le 8 juin et le manque de soutien du nouveau gouverneur de l’île à une nouvelle exploration auront raison de son courage. Découragé par ces insuccès, le botaniste explorateur prend de nouveau le chemin du retour.

 

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En rentrant, Pierre Poivre fait escale à Madagascar et prélève des plantes pour Bernard de Jussieu, qui est professeur de botanique au Jardin du roi. Il identifiera ainsi le faux giroflier et le muscadier sauvage. À défaut de perdre son dernier bras et de s’ennuyer durant le retour, Pierre Poivre est capturé par… des Anglais qui le ramèneront à Cork, en Irlande. Il rentrera finalement en France le 22 avril 1757.

 

Retour en France, enfin une vie paisible ?

De retour en France, Pierre Poivre présente son rapport et est nommé à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon. Il passe ainsi 10 ans désenchantés dans sa petite propriété campagnarde.

Il épousera à 47 ans, Françoise Robin, âgée de 18 ans. Mais le couple ne bâtira pas un foyer aux abords de Lyon : leurs destins convergent vers l’Île de France. Après le rachat de l’exclusivité de la Compagnie des Indes par le Roi, Monsieur et Madame Poivre embarquent à bord du « Dauphin ».

 

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Arrivé sur l’île, Pierre Poivre prononce un discours aux habitants et au Conseil supérieur avant d’entreprendre de nombreuses mesures dépassant le cadre du simple botaniste explorateur : recensement, inventaire du port, rachat de celui-ci à la Compagnie, création de nouvelles voiries, développement d’une imprimerie. De nombreuses initiatives seront entreprises pour le bon fonctionnement et le développement de l’île.

Au cours de ses différentes explorations, Pierre Poivre put observer de nombreux ports insulaires ; il identifie les éléments nécessaires au bon fonctionnement d’une île portuaire, mais surtout d’une île et de sa population. Pierre passera cinq ans sur l’Île de France : deux de ses trois filles y naîtront. Deux expéditions seront organisées, des milliers de noix de muscade et des centaines de girofliers et muscadiers propres à la germination seront rapportés.

Rentré paisiblement à Lyon le 20 octobre 1772, dans sa demeure de La Fréta, il poursuit une correspondance avec le botaniste et agronome Jean-Nicolas Céré, afin de suivre l’évolution des plantations d’épices. Pierre Poivre s’éteint le 14 janvier 1786.

 

Une vie botanique au service du Bien commun

Au-delà de briser le monopole des Hollandais sur le marché des épices, Poivre aura marqué l’identité agricole de l’Île Maurice, notamment par un jardin botanique où il fit planter ses découvertes.

 

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Pierre Poivre fut porté toute sa vie par l’exploration : sa curiosité, ses quêtes de nouvelles plantes étaient toujours motivées par le service du bien commun. Les habitants des nombreux pays qu’il a visités ont été marqués par ses différentes aventures. On peut lire dans ses correspondances des observations pleines d’humanité sur la condition de certaines sociétés qui vivaient durement. L’intérêt des siens a toujours été une fin en soi ; il n’a jamais cherché l’enrichissement personnel.

Comme Pierre Poivre, cultivons sans cesse notre curiosité pour servir notre prochain !

 


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