Bethléem : l’Alliance française la plus «courageuse du monde»
Publié le 13/09/2024
Au cœur de Bethléem, l’Alliance Française promeut la culture française tout en offrant un refuge éducatif et culturel aux Palestiniens. Dirigée par Fayrouz Abboud, cette institution incarne résilience et espoir pour la jeunesse.
Depuis la création de son empire colonial, la France a su étendre son influence à travers le monde par des initiatives culturelles et éducatives discrètes mais efficaces. L’Alliance Française est une fondation qui s’emploie à diffuser la langue et la culture française dans des régions variées : des grandes métropoles occidentales aux villages les plus reculés. L’institution a été fondée en 1883 par le géographe Pierre Foncin et Paul Cambon, ancien chef de cabinet de Jules Ferry, et alors résident général à Tunis, accompagnée par de multiples personnalités tels que Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Vernes ou encore Ferdinand de Lesseps. Sa création se fait alors en réponse à la défaite de Sedan en 1870 avec comme objectif de renforcer le rayonnement culturel français et la philosophie des Lumières. Association à but non lucratif de droit local, les statuts des entités sont approuvés par l’Alliance française de Paris pour faire partie des 813 alliances françaises dans le monde.
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La fondation est ainsi présente dans plus de 130 pays, dont les territoires palestiniens. En dépit de la guerre qui ne cesse de ravager la région, l’Alliance Française de Bethléem, se distingue comme un phare de culture et d’espoir pour les jeunes générations palestiniennes. Créée en 2003, elle est conduite par Fayrouz Abboud, une Bethléémite ayant étudié en France dans sa jeunesse. Elle est le pilier de cette institution qui, malgré les conflits qu’a connu la Terre Sainte, n’a jamais fermé ses portes, quelles que soient les circonstances ce qui lui a valu le titre de « l’Alliance Française la plus courageuse du monde » par son siège parisien.
Un refuge pour la jeunesse
C’est dans un café désert, à deux pas de son association, que nous l’avons rencontré. Passionnée par la France autant que par sa terre natale, Fayrouz nous raconte : « Nous apprenons le français, mais c’est aussi et surtout un lieu social ». Elle nous explique avec détermination comment, avec une équipe volontaire, elle s’efforce de transmettre l’amour du français malgré les difficultés omniprésentes. Ces efforts sont d’ailleurs portés par une communauté franco-palestinienne d’une centaine de personnes ainsi que le soutien actif du consulat de Jérusalem. « 40 % des frais sont pris en charge par le consulat et 60 % par les étudiants eux-mêmes. Nous avons toujours refusé les aides de l’Union européenne » explique-t-elle. L’Alliance Française de Bethléem n’est pas simplement un centre éducatif ; c’est un soutien moral pour les habitants de la ville.
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Depuis le début de la guerre, les jeunes continuent de fréquenter l’institut, peu importe les circonstances. Pour des leçons de français, mais également pour d’autres activités culturelles : cinéma, concours de poésie, théâtre etc. Ces activités sont l’occasion pour les Palestiniens de se réunir, de discuter et d’échapper aux images tragiques diffusées en boucle sur toutes les télévisions. En septembre dernier, l’institution a réussi à mobiliser des Palestiniens du monde entier pour préparer un marathon de photos avec des messages de soutien. Malheureusement, les événements dramatiques du 7 octobre ont empêché la publication de cette exposition.
L’Alliance Française : Témoin de rêves et désillusions des Palestiniens
L’Alliance Française de Bethléem est un témoin privilégié des rêves et des désillusions des Palestiniens. Fayrouz observe la détermination des nouvelles générations à rester sur la terre de leurs ancêtres. Certains jeunes rêvent de partir étudier en France, l’Alliance peut d’ailleurs les aider à obtenir des services civiques ou d’autres opportunités leur permettant d’échapper à ce qui ressemble à un avenir morose. Toutefois, la peur de ne pouvoir retourner en Palestine et de ne pas vivre ces épreuves aux côtés de leurs proches les retient. Ils sont nombreux à reprocher à leurs parents et grands-parents d’avoir reculé devant Israël et quittés leur terre, tandis que cette génération préfère affronter les brimades et les conflits plutôt que de fuir.
Cette détermination est renforcée par la guerre psychologique que mènent les colons de la région. En novembre 2023, ces derniers ont distribué des tracts dans la région de Bethléem, annonçant un plan d’expulsion et encourageant les habitants à quitter leur terre dès maintenant. Usés par des années de conflits, Fayrouz et les Palestiniens préfèrent en rire et répondre par l’ironie plutôt que de se laisser abattre. Ces actes de pression psychologique et d’achat de terres sont constants, mais la nouvelle génération reste ferme dans sa décision de ne pas partir. « Je suis née ici et je mourrai ici, ou alors je verrai la Palestine libérée. Je suis uniquement inquiète pour mon fils », déclare Fayrouz avec émotion.
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L’Alliance Française de Bethléem, par son engagement et sa persévérance, est un signe de la résistance culturelle des jeunes Palestiniens. Elle offre non seulement une éducation, mais aussi un espace de soutien et de solidarité dans un contexte d’incertitude. La détermination de Fayrouz et de son équipe incarne ainsi un esprit de résistance et de résilience qui puise sa force dans la culture française.
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