Santé : le cadmium dangereux, info ou intox ?
Publié le 07/02/2020
Méconnu du grand public, le cadmium est un métal lourd que l’on retrouve en très faibles doses dans la nature et dans certains produits manufacturés. Les médias en ligne en parlent parfois, mêlant vraies infos et contre-vérités alarmistes.
Son diminutif : Cd. Son numéro atomique : 48. Pour la petite histoire, le cadmium tient son nom de la mine de zinc de Kadmos, près de Thèbes en Grèce, où il a été découvert en 1817.
Classé comme « métal pauvre » ou « métal de transition », le cadmium possède de plusieurs propriétés, très utiles dans l’industrie. Présent dans de nombreux alliages, ce cousin du zinc entre dans la composition des batteries électriques, des peintures industrielles ou encore dans l’industrie nucléaire ou la production de cellules photovoltaïques.
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Dans la nature, il est présent partout sur la planète : dans l’air en infime quantité, dans l’eau de mer, dans les roches volcaniques, dans les roches phosphatées et dans les sols arables. Enfin, on le retrouve aussi dans les produits manufacturés, le cadmium apparaissant dans les cigarettes et dans certains engrais par exemple, ainsi que dans des aliments comme les crustacés.
Le cadmium serait cancérogène
Faisant partie des métaux lourds comme le plomb ou le mercure, le cadmium est classé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) comme « cancérogène ». Mais c’est comme tout : cela dépend des doses ingérées. Selon le Centre Léon Bérard à Lyon, spécialisé dans la lutte contre le cancer, les effets diffèrent selon le mode d’exposition :
- Par inhalation : un lien évident a été établi entre l’exposition chronique au cadmium et l’apparition du cancer de l’appareil respiratoire ou de la thyroïde. Le cancer bronchitique par exemple se retrouve chez les ouvriers de certaines industries (voir plus bas), suite à l’inhalation prolongée de poussières ou de fumées de cadmium.
- Par voie orale : la population générale est principalement exposée par ingestion de fruits de mer et de légumes (riz, pomme de terre, végétaux à feuilles vertes…). Il peut être responsable de cancer de la prostate, des reins ou de l’endomètre. Le cadmium se retrouve également dans l’eau potable où il ne doit pas dépasser la dose de 3 à 5 µg par litre.
Les deux principales conséquences d’un excès de cadmium dans le corps humain sont donc la fragilité osseuse, et le développement de certains cancers. L’exposition à long terme peut également provoquer des insuffisances rénales, des troubles de la reproduction, et peut influer sur le foie, le sang et le système immunitaire.
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Mais cet excès – dû à une exposition prolongée ou chronique – est relativement rare, à plus forte raison lorsqu’on parle d’exposition alimentaire. En effet, l’agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), en 2012, a relevé que l’exposition alimentaire de la population européenne s’élevait en moyenne à 2,04μg de cadmium par kg de poids corporel, pour une tolérance hebdomadaire fixée à 2,5μg. La FAO et l’OMS, quant à elles, fixent la limite recommandée à 5,8μg.
L’exposition au cadmium se ferait surtout dans l’industrie
Les activités industrielles sont les principales responsables de la contamination de l’environnement, principalement par rejets atmosphériques ou par déversement (volontaire ou non) dans les rivières. Dans certaines industries, l’inhalation de fumées d’oxyde de cadmium peut provoquer ce que la médecine du travail appelle la « fièvre des fonderies ». En 2006, une étude menée par l’US National Library of Medicine National Institutes of Health a ainsi montré que les sites industriels étaient les principales sources d’exposition au cadmium pour les êtres humains, dans les pays industrialisés. C’est pourquoi la législation de l’UE a fixé une limite à 0,05mg CdO (oxyde de cadmium) par mètre cube dans l’atmosphère sur les lieux de travail. En Europe, l’exposition prolongée au cadmium dans le cadre de l’activité professionnelle est donc un enjeu de santé publique et nécessite une prise en charge médicale, comme l’a souligné la Haute autorité de santé (HAS) en 2010.
Enfin, c’est surtout la dispersion de boues industrielles (et non les engrais, comme on le lit trop souvent) qui contribue le plus à la présence de cadmium (tout comme le plomb ou le mercure) dans les sols de certains pays producteurs de riz ou de cacao par exemple, en Asie ou en Afrique. Si, dans les pays en voie de développement, l’épuration des eaux usées et celle des émissions de gaz sont donc devenu impératives, la situation est sensiblement différente en Europe et en France. En effet, une partie significative du cadmium détecté dans le sol provient des retombées atmosphériques, certes diffuses, générées par un grand nombre de procédés industriels : la sidérurgie, la production de métaux non-ferreux, la combustion de sources d’énergie fossiles, ainsi que l’incinération de déchets ménagers et l’activité des cimenteries.
La contamination des sols serait alarmante
La présence de cadmium dans les sols des pays européens est due en partie à l’utilisation des fertilisants dans l’agriculture. Il existe trois sortes d’engrais nécessaires à la pousse des végétaux : à base de potasse, d’azote et de phosphore. Le phosphore influe sur la formation des racines, des graines et des fleurs, et renforce la résistance naturelle des plantes. Il est issu phosphate, un minerai qui présente naturellement des traces de cadmium dans sa composition. Pour parler de pollution ou de contamination, là aussi, tout est une question de dose.
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En 2019, la législation européenne a voté un taux maximum de cadmium dans les fertilisants utilisés dans l’Union, à 60mg/kg, parmi les plus contraignantes au monde, sachant que des pays comme l’Australie, le Japon ou le Canada affichent des taux respectif de 131mg/kg, 148mg/kg et même 889mg/kg ! Selon l’eurodéputé et rapporteur de la Commission de l’environnement Elisabetta Gardini, « les nouvelles règles incluent des limites raisonnables pour les contaminants. Une seule limite harmonisée est enfin mise en place au niveau européen pour tous les contaminants, notamment pour le cadmium, qui préoccupait le plus les Etats membres ».
Jusqu’à 2018, la France avait quant à elle fixé la teneur maximale des engrais phosphatés utilisés dans l’Hexagone à 90mg/kg (norme NF U42-001-1). Aujourd’hui, la communauté scientifique est partagée sur le niveau de toxicité du cadmium dans les sols européens et plusieurs études universitaires de référence relativisent grandement l’impact de l’utilisation des engrais.
En 2018 par exemple, l’étude publiée par l’université néerlandaise de Wageningen statuait ainsi sur l’impact d’une baisse du taux de cadmium dans les fertilisants : « Limiter le cadmium dans les engrais n’aura qu’un très faible impact, dans les 20 ou 50 années à venir. Compte tenu de la faible absorption du cadmium présent dans le sol par les cultures, il est très probable qu’une réduction du niveau de cadmium dans les engrais n’aurait qu’une incidence très marginale sur les aliments consommés en Europe. » Selon les chiffres de l’UNIFA (Union de l’industrie de la fertilisation), « la valeur médiane de la teneur en cadmium dans les sols français est de 0.25 mg de Cd par kg de terre fine avec une variabilité importante (0.02 – 8.10 mg Cd/kg) ». Le directeur du Pôle agriculture de l’UNIFA, Philippe Eveillard, conclut d’ailleurs ainsi : « Les agriculteurs ont réduit par cinq les apports d’engrais phosphatés depuis les années 70. Nous sommes dans une phase de stabilisation » des teneurs en cadmium dans les sols français.
Hervé Léonard est chargé d’études santé pour les collectivités publiques d’Ile-de-France