Pierre de Porcaro est l'une des cinquante victimes du décret de persécution du Troisième Reich du 3 décembre 1943.

Pierre de Porcaro est l’un des cinquante prêtres et séminaristes déportés à Dachau à cause de leur action clandestine au sein des usines du STO. Ouvrier le jour, prêtre la nuit, il y meurt le 12 mars 1945 du typhus, laissant derrière lui un seul exemple : la sainteté.

 

Né le 10 aout 1904 à Dinan, dans les Côtes-du-Nord, Pierre de Porcaro est le fils d’un officier « mort pour la France » en 1916. Il entre, en septembre 1917, au petit séminaire Notre Dame du Grandchamp à Versailles, puis au grand séminaire de Versailles en octobre 1923. Lors de sa retraite d’ordination, en 1929, Pierre de Porcaro écrit : « Il faut que je devienne un saint. C’est le seul moyen de m’assurer plus tard un ministère fécond. Je crois pouvoir le dire en toute sincérité : j’ai soif des âmes ».

 

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Dès son ordination, Pierre de Porcaro est nommé professeur au Petit Séminaire de Versailles, où il cumule les fonctions de maître de chapelle et professeur d’histoire. Mélomane et musicien, il maîtrise tout le répertoire sacré et enregistre les cantiques chantés par ses séminaristes sous sa direction. Il développe le théâtre et, préoccupé par la crise des vocations, s’investit pour la jeunesse, donnant plus de deux cent conférences pour près de trente mille adolescents. Nommé vicaire de Saint-Germain-en-Laye en 1935, il est préposé à la jeunesse et y reprend la Passion, qu’il joue devant des foules de spectateurs.

 

Un prêtre dans la « drôle de guerre »

Le 3 septembre 1939, à dix-sept heures, la France entre en guerre. Pierre de Porcaro rejoint son unité, le 15ème bataillon du génie de la VIIIème Armée, chargé de compléter la ligne Maginot près d’Altkirch. Comme ses frères Yves et André, il apprend sur le front la mort dans un accident d’avion de son ainé Jean. Dans cette drôle de guerre et jusqu’à l’armistice du 17 juin 1940, la jeunesse européenne assiste à l’agonie du vieux monde des années trente et, dans sa grande majorité, reste spectatrice médusée. A Pâques, aucun homme ne communie auprès du père de Porcaro : tout, même la foi, semble suspendu, attendant sa fin.

 

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Fait prisonnier le 23 juin, Pierre de Porcaro s’évade et rejoint librement une colonne de prisonniers marchant vers Colmar. Trente prêtres français célèbrent la messe pour huit mille prisonniers au sein de l’Empire allemand. Malgré des espoirs chimériques de libération, les soldats sont déplacés, toujours plus à l’est. Strasbourg puis Stuttgart, où le train les emmène au stalag V-A. Le 3 septembre, sélectionné avec les soldats bretons, Pierre de Porcaro est désinfecté puis transféré au stalag IX B. Révolté, il prend, le jour de la Toussaint, la ferme résolution d’achever son ministère : il développe un cercle liturgique, célèbre la messe quotidiennement et poursuit la formation des séminaristes qui l’accompagnent. Libéré le 25 juillet 1941, il rentre à Saint-Germain-en-Laye et lance les fondations d’œuvres en faveur des femmes de prisonniers.

 

Aumônier clandestin volontaire pour le STO

Le 16 avril 1943, une lettre de Monseigneur Rolland-Gosselin demande à Pierre de Porcaro de repartir clandestinement en Allemagne comme ouvrier-aumônier du Service du Travail Obligatoire (STO). Sans même rencontrer son évêque, le vicaire de Saint-Germain-en-Laye a déjà dit oui. Il écrit « Oui mon Dieu, j’accepte avec toute la volonté possible, tout, y compris d’en mourir, de mourir sur une terre étrangère, loin de tout, loin de tous ». Sa mère, déjà affectée par la perte de l’un de ses fils et par la captivité des deux autres, accepte avec une grande dignité le départ de Pierre, écrivant « nous pouvons être fiers de lui, il est le digne fils de son père ». Après un mois de visites auprès de sa famille, Pierre de Porcaro rédige son testament.

 

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Arrivé le 15 mai 1943 à Dresde, il accompli sa mission d’infiltration du STO et exerce son apostolat auprès des ouvriers français au sein d’une usine de carton. Rapatrié en France à la suite d’un accident du travail, il apprend depuis Saint-Germain-en-Laye les arrestations des responsables des Jeunesses ouvrières chrétiennes du STO dues au décret Kaltenbrunner du 3 décembre 1943. Se sachant dénoncé par un ouvrier, il repart, conscient des risques qu’il encourt. Interdisant à son frère de donner le nom de son Judas, il est arrêté le 11 septembre 1944 puis est déporté au camp de concentration de Dachau. Dans sa dernière lettre envoyée avant de mourir, il écrit « Quoiqu’il arrive, tout se passera dans l’amour ». Malade et épuisé, il exerce son ministère et meurt du typhus le 12 mars 1945. Il avait quarante ans.
Durant la durée de la guerre, 2 720 prêtres, religieux et séminaristes sont déportés à Dachau et occupent ce que l’Histoire retient comme « les baraques à prêtres ». 1 034 d’entre eux y laisseront leur vie, faisant de Dachau le plus grand cimetière de prêtres catholiques au monde.

 

Appel à la sainteté

En 1988 est ouverte une cause collective de béatification à l’intention des cinquante victimes françaises de la persécution nazie lancée en septembre 1943 en application de la décision de rechercher et emprisonner tout prêtre, séminariste ou scout exerçant un apostolat au sein du STO. Pierre de Porcaro étant déclaré martyr de l’Église catholique, une preuve miraculeuse n’est pas exigée. Dans son hommage funèbre, le père Edmond Cleton de Lille y décrit l’abbé de Porcaro comme « l’un des plus capables ; le plus gai, le plus serein d’entre nous. Il rejoignit le père Dillard libéré le premier de Dachau. Tous deux volontaires des galères, témoins du Christ au milieu des exilés, aimés de tous. Ils nous laissent dans la tristesse humaine, mais dans l’espoir du ciel ».

 

Guillaume Zeller, La baraque des prêtres. Dachau, 1938-1945. Le récit de la vie quotidienne des 2 720 religieux ayant été emprisonnés dans le plus grand cimetière de prêtres catholiques du monde.

 


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