Le président a débattu deux heures avec les syndicats avant d'ouvrir le salon de l'Agriculture. © Capture d'écran / Facebook Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a inauguré le 60e Salon de l’Agriculture sous les huées ce samedi. Une visite de treize heures marquée par de nombreux chahuts d’agriculteurs en colère.

 

Nous assistons depuis des mois à une jacquerie pleinement légitime dans toute l’Europe, dans l’ensemble de la France, et ce week-end au Salon de l’Agriculture. Une colère nette, une révolte restée légitime qui étonne encore nos politiciens, nos gouvernants amateurs, nos préfets à effets gazeux et à forts gazages agressifs.

Quand M. Valls sous l’inefficace présidence de M. Hollande expédiait des grenades lacrymogènes contre des parents et des enfants, qui protestait ? A part les victimes, guère de monde dans la presse ou dans les milieux de l’information. L’action gouvernementale était tolérée, admise, voire par certains idéologues verbeux admirée et recommandée. Parents et poupons étaient qualifiés et disqualifiés du même coup par deux vocables choisis : soit  » bourgeois réacs », soit : « parents fachos ». Et certains petits caciques de l’ultra-gauche et du milieu écologiste, tous déjà délirants considéraient qu’un petit gosse gazé ferait un petit fasciste de moins potentiellement. Et l’on terminait le tour de piste en vantant le gouvernement. C’était déjà particulièrement veule.

 

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Quand vint le tour des gilets jaunes, mouvement de lassitude racinée au sens péguyste ou bernanosien si respectable et solide, de révolte saine et vigoureuse, essentiellement à ses débuts : provincial et venu des profondeurs agacées trop longtemps d’un pays réel, existant et sincère, réaliste et laborieux autant qu’honnête qui s’appelait et s’appelle encore la France et qui ne saurait se réduire à la dimension d’une abstraction taiseuse et muette ou à la figure géométriquement froide d’un hexagone, la presse et le pouvoir ne comprirent pas le mouvement du tout. Ils y répondirent mal, jusqu’à ce que ce mouvement soit torpillé et manipulé par l’extrême gauche principalement. Avec l’appui ministériel de M. Castaner, ce mauvais joueur de cartes, et tout autant de la Préfecture de Police de Paris. Tout cela fit disparaître, croyait-on, une révolte populaire, provinciale, profonde et légitime, aux racines franches pourtant. Et le Pouvoir bavard, autocentré et vide de M. Macron, a cru s’en tirer. Par du verbiage et l’éternelle manœuvre d’un grand débat.

La crise de la Covid 19, et l’ensemble des prétentions, manipulations, des palinodies et des vagues de vanité du gouvernement et de la parole macronienne n’arrangèrent pas la suite. Néanmoins, paradoxe pourtant prévisible, M. Macron fut réélu. Avec l’appui notamment, de M. Jérôme Rodrigues, manipulateur des gilets jaunes. Que le pouvoir avait pourtant éborgné et partiellement aveuglé, mais qu’il avait su rendre bavard à son profit.

Mais la crise agricole et paysanne, qui pesait sur le pays depuis des décennies et qui éclate aujourd’hui véritablement couvait, elle, parfois venant par soubresauts, aussi depuis longtemps. Aujourd’hui, elle ne tressaille plus, elle n’hésite plus : elle est globale, entière, présente. Visible et plus muette ni étouffée ! Elle n’a pu susciter aussi, cruellement, et depuis trop longtemps toujours : rien que silence et mépris. Depuis quand existe-elle ? Mettons depuis la fin des années 1940, et le long choix politicien d’une productivité massive associée à une prolétarisation progressive des exploitants agricoles, qui fit peu à peu dépendre les agriculteurs des grands céréaliers et des ensembles de la grande distribution, qui les fit mettre en cruelles dettes aussi pour leurs matériels, qui les fit enfin être étouffés par la délirante construction de l’agriculture et de la concurrence européenne, avant de se voir achevés par les perspectives et obligations orchestrées par les gouvernements européens et occidentaux pour soutenir l’Ukraine agricole seule.

 

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Toute l’Europe paysanne, éprouvée, écrasée et cassée, largement suicidée, longuement abandonnée, manipulée par les gouvernants, empêtrée de règlements et de chantages économiques et au pognon par l’institution européenne, par les finances et les banques, se cabre enfin et bouge désormais pour montrer aux peuples qu’elle nourrit sa lassitude et son délabrement, son usure subie dans tous les sens du mot.

En France, cela est encore plus poignant et déchirant. On le sait depuis longtemps, géographes, démographes, historiens, savants divers le savent, le disent ou l’écrivent depuis des décennies. On l’enseigne, mais à l’échelon politique sinon politicien, on ne le transmet pas assez. Depuis plusieurs dizaines d’années, tous les deux jours en moyenne, un agriculteur se suicide dans sa ferme. Ces suicides se font dans le silence. D’abord le silence du chagrin, celui de la pudeur. Puis enfin, et hélas: il n’atteint le sommet de l’Etat que sous une autre teinte: le silence du mépris.

Très peu de Présidents ont compris en France la réalité paysanne et agricole, et encore moins de ministres. Assurément, comme ses plus récents prédécesseurs, M. Macron ne fait pas partie des présidents compréhensifs et des analystes lucides de la question et de son drame, humain, total, profond et si réel. M. Macron n’est qu’un aboutissement, en médiocrité et en incompréhension, plus têtu que d’autres aussi.

M. Macron n’est et n’aura été jusqu’à présent qu’un communicant froid et fatal, illusoire surtout et ne s’appuyant que sur deux méthodes : le grand débat promis, orchestré (se limitant en longues heures souvent de déballage d’une parole programmée, et de questions manipulées à l’avance, ce qui fait de M. Macron une version nouvelle de feu M. Giscard d’Estaing, mais un exemple non retouché par feu Thierry Le Luron), ou débat brusquement retiré (écran de fumée ou signe de fiasco), d’un côté de son jeu de bonneteau politicien, et/ou dans le même temps : le recours aux véhicules blindés, les CRS, l’arsenal répressif massif : contre les gilets jaunes dès leur début de mobilisation, contre les médecins et personnels de santé, contre les enseignants (quand on ne laisse pas par incapacité gouvernementale, ministérielle et académique, et par complet manque de soutien et de sécurité assurée : assassiner Samuel Paty puis d’autres!), et désormais: au Salon de l’Agriculture, contre les paysans, les nourriciers du pays, les artisans d’un métier et d’une vocation qui sont autre chose qu’une seule question de prestige ou de tourisme (n’en déplaise au bloc mou et irréaliste des membres de la majorité parlementaire et relative du gouvernement).

Au Salon de l’Agriculture s’est joué ce week-end une violence et une impuissance du gouvernement liée à une faillite de l’Etat et à une incapacité ainsi qu’à des frustrations présidentielles majeures. Et cette révolte agricole française, réprimée et gazée malgré sa légitimité racinée et profonde, malgré sa lignée bernanosienne et péguyste est aussi, résolument, un signal lancé à toute l’Europe, aux peuples de l’Europe, pas à une institution aveuglée, seulement financière et sordide ou stupide, pas à celle qui, en plein aveuglement gouvernemental et présidentiel français pense sottement nécessaire de régenter et de légiférer sur le permis universel des tracteurs en Europe. Quelle distance et quelle inconséquence, quel profond décalage entre les politiciens de France, du « Machin » européen et la réalité des peuples souffrants.

La seule urgence est de sauver le monde paysan français, sa transmission et sa réalité avant qu’il ne meure. Quand un pays, et sous les yeux constants d’une suite si longue de gouvernements irrésolus, passe, depuis 1950 ou 1960 à aujourd’hui de plus de six millions de paysans et d’agriculteurs à une évaluation qui va aujourd’hui de 600 000 à 400 000 d’entre eux encore, il y a bien péril de mort. L’important n’est pas l’universalisation européenne et estampillée d’un permis pour conducteurs de tracteurs. L’important ou l’essentiel serait qu’un gouvernement d’amateurs revendiqués et un peu trop fiers de leur niaiserie crasseuse et finalement violente, sache répondre autrement que par une parole toujours trahie le lendemain ou par l’effet pas hilarant du tout mais potentiellement tragique du gazage massif.

Si nous avons en France décidément depuis sept ans bientôt une suite de gouvernements d’amateurs, félicités par un Amateur en chef, il serait temps de comprendre que l’agriculture et les agriculteurs sont encore réels, et qu’un pays comme le nôtre n’existe pas sans la réalité respectée des paysans.
Qu’il n’est pas possible de confier l’agriculture non plus à des banquiers européens, à des faiseurs de règlements affolés et affolants. Ni à des écologistes urbains qui croient utile de se transplanter dans des campagnes dont ils méprisent la vie, les travailleurs et les plus nourriciers d’entre eux, surtout.
Il serait temps aussi que la gauche et l’extrême-gauche admettent, autant que certains délirants écologistes et certains amateurs du gouvernement et du Parlement, qu’un paysan ne s’improvise pas plus qu’il ne s’élimine, qu’il doit être défendu: que nos agriculteurs essentiels sont devenus, par des fautes conjuguées et politiciennes, les vrais prolétaires du pays. Qu’il ne s’agit plus de les tuer, de les mépriser ou de les ignorer mais de les faire vivre et œuvrer dans leur constante dignité. C’est la seule cause qui compte. C’est tout le cri de la révolte actuelle. Trop longtemps tue. Et si longtemps tuée !

 


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2 thoughts on “Chahut au Salon de l’Agriculture : une jacquerie légitime

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