Italie : le lourd héritage politique des « Années de plomb »

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L'attentat de la gare de Bologne (Italie) causa la mort de 85 personnes et blessa plus de 200 autres le 2 août 1980 à 10 h 25.

Entre 1969 et 1980 le pays de Dante connaît une violence politique sans précédent. Entre attentats à la bombe, enlèvements et assassinats ciblés, voici le récit de la période la plus sombre de l’Italie moderne, dont les souvenirs sont encore vifs dans la mémoire collective.

 

En cette après-midi du 12 décembre 1969, de nombreux milanais se promènent sur la Piazza Fontana, dans le centre-ville de Milan. Le froid n’a pas rebuté grand monde, les premiers flocons commencent à tomber sur cette ville au pied des Alpes. Les parents viennent chercher leurs enfants dans les écoles environnantes, les travailleurs commencent à se détendre à l’approche de la soirée, les cafés se remplissent peu à peu. Enfin, des clients de la Banque Nationale d’Agriculture, l’un des principaux bâtiments de la Piazza, font leurs habituelles opérations financières pensant retrouver le soir même famille et amis autour d’un bon repas chaud.

 

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A 16 h 37 en cette journée du 12 décembre 1969, une bombe explose à l’intérieur de la banque, faisant seize morts et quatre-vingt-huit blessés.

Cet acte marque le début des « Années de Plomb » en Italie, où l’extrême droite néofasciste, l’ultragauche révolutionnaire, le gouvernement, la mafia, et parfois des officines étrangères (CIA / KGB) vont se livrer une guerre d’influence par attentats interposés. C’est la « Stratégie de la tension », les différents acteurs (fascistes comme marxistes et anarchistes) ont un but commun : l’abolition de la démocratie chrétienne (centre-droit) qui dirige le pays depuis l’après-guerre.

 

Un contexte particulier

Il faut bien comprendre le contexte qui a poussé à une telle radicalité : l’énorme influence dont jouit le Parti Communiste Italien (PCI) faisait craindre à tout un pan de la société (et aussi à la CIA) un basculement à l’Est. Nous sommes en guerre froid. Ironiquement, les franges les plus extrêmes de la gauche militante trouvent le PCI trop mou, et ne croyaient pas aux élections,  mais bien à la prise de pouvoir par la force. De l’autre côté de l’échiquier politique, les néofascistes veulent forcer le pays à prendre le chemin d’un régime autoritaire, à l’instar des grecs et surtout que le gouvernement mette tout en œuvre pour neutraliser l’ultragauche. L’idée est venue d’elle-même : des attentats sous faux drapeaux.

 

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Par exemple, l’attentat de la Piazza Fontana atteignit partiellement son but. Dans les vingt-quatre heures qui suivent,  le gouvernement ordonne l’arrestation de plus de quatre mille anarchistes, dont le danseur Pietro Valpreda. Un cheminot, agitateur bien connu de la police, est accusé d’être l’exécutant, Giuseppe Pinelli. Durant son interrogatoire au 4è étage du commissariat, il tente une évasion par la fenêtre mais s’écrase au sol. Les circonstances de sa mort restent néanmoins floues. L’enquête s’oriente par la suite vers le mouvement fasciste Ordo Nuovo, mais bien qu’il y ait eu des mises en examens nous ne savons toujours pas aujourd’hui qui a commandité l’attentat. Quoiqu’il en soit, l’Italie proclame des lois d’urgence donnant de grands pouvoirs, législatifs comme exécutifs, aux carabiniers (Police) et à l’armée (incluant les services secrets).

 

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En 1970 naissent les tristement célèbres Brigades Rouges, spécialistes de l’enlèvement contre rançon et responsables de plus de quatre-vingts assassinats. En 1972 et 1973 ils commettent deux attentats. Ils organisèrent également la séquestration et le meurtre d’Aldo Moro (Président de la Démocratie Chrétienne) en 1978.

 

Une violence graduelle

En 1974, Ordre Nouveau (Ordine Nuovo) fait une vingtaine de morts dans deux attentats revendiqués, le 28 mai à Brescia, place de la Loggia et le 4 août dans un train près de Bologne (Italicus Express). Le premier vise les antifascistes, qui manifestaient ce jour-là, et le second venge un militant d’extrême droite, Giancarlo Esposti. Toutefois, le summum de la violence est atteint en 1980 avec l’attentat de la gare de Bologne qui fit quatre-vingt-cinq morts et plus de deux-cents blessés. Le scénario de cette énième attaque n’a rien à envier aux films hollywoodiens. Bien que la responsabilité soit rejetée sur une cellule des Noyaux Armés Révolutionnaires national-fasciste (NAR), on découvrit plus tard que le chef des services secrets militaires, le général Pietro Musumeci, avait fabriqué de fausses preuves et tenté d’entraver l’enquête. Cerise sur le gâteau, à peine quelques heures après l’attentat le gouvernement fait croire que l’explosion était due à une chaudière.

 

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Après la flambée, l’agitation diminua peu à peu, les lois antiterroristes furent sévèrement appliquées et, à partir de 1983, les organisations armées cessèrent peu à peu leurs actes terroristes.

Il est important de rappeler que les lois d’urgence sont encore appliquées de nos jours, les Italiens, de ce fait, semblent définitivement vaccinés contre l’ultragauche et l’extrême droite violente. En effet, il serait malhonnête de comparer le M5S et le parti de Matteo Salvini, la Ligue du Nord, qui restent somme toute « démocratiques ».

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