Masques : de la peste au coronavirus, une histoire de protection

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Reconstitution d’un masque de lutte contre la peste au XVIIe siècle.

Reconstitution d’un masque de lutte contre la peste au XVIIe siècle.

La pénurie actuelle des masques de protection en France interroge, choque, révolte. Barrière physique contre le virus, le masque est l’élément essentiel à la protection des soignants et du personnel indispensable. Comment endiguer l’épidémie en risquant l’infection ?

 

De telles questions, dans le feu de l’actualité en pleine pandémie de Covid-19, ont également été posées au cours des siècles passés. Le masque, attribut du médecin, a-t-il toujours été une barrière physique entre le corps soignant et le corps malade ? Retour sur l’attirail médical en temps d’épidémie.

 

La peste : effets terribles et causes inconnues 

Du XIVe au XVIIIe siècle, la population vit dans la peur d’une nouvelle épidémie de peste. Cette maladie, aussi fulgurante que mortelle, décime les Européens. Dans certaines régions, 40% de la population en meurt dans d’atroces souffrances. La France n’est pas épargnée : au cours de l’épidémie de 1720, Marseille perd plus de la moitié de ses habitants.

 

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On distingue deux types de peste : la peste pulmonaire, que l’on contracte par la transmission bactérienne de bacilles et dont on meurt dans les 3 jours, et la peste bubonique. Cette dernière, aussi connue sous le nom de peste noire, tue ses victimes en 5 jours environ. Elle cause l’apparition de bubons, une forte fièvre et des accès de délire.

Pour la soigner, on pratique des saignées, on prescrit des sudations, on applique des baumes… En réalité, les médecins ne sont pas plus avancés qu’au VIe siècle, quand la maladie faisait sa première apparition dans le bassin méditerranéen. L’absence de remède efficace est due à l’ignorance des causes de cette maladie foudroyante. Le meilleur conseil que l’on était capable de donner remonte à Galien : « cito, longe, tarde » ; autrement dit, « pars vite, va loin, et reviens tard ». On peut lire dans l’Encyclopédie de 1765 : « On doit conclure de tout ce qui a été dit sur la peste, que cette maladie nous est totalement inconnue quant à ses causes et à son traitement ; que la seule expérience ne nous a que trop instruits de ses funestes effets ».

 

La théorie des miasmes pestilentiels : un air puant propagateur de maladie

Les causes de la peste laissent perplexe : jusqu’au XVIIIe siècle, on se demande même si la maladie est contagieuse. Plusieurs théories sont avancées, comme celle de mauvaises conjonctions astrologiques. Certains y voient une punition divine, alors que d’autres pensent que la peur de ce mal est la cause principale de sa propagation. On lit dans la même Encyclopédie : « l’essentiel est de ne point s’effrayer en temps de peste ; la mort épargne ceux qui la méprisent, et poursuit ceux qui en ont peur ».

 

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La théorie connaissant le plus de succès est celle des miasmes pestilentiels : la propagation de la maladie se ferait par un air putride. En effet, les médecins avaient fait les mêmes observations que pour le Covid-19 : la maladie se développe plus rapidement dans des quartiers surpeuplés, ou des endroits confinés comme les cales des bateaux, les hospices ou les prisons. Pourtant, des conclusions différentes ont été tirées de ces observations : on a pensé que les atmosphères confinées dans lesquelles la maladie se propageait étaient empoisonnées. Un environnement mauvais engendre un air mauvais, vecteur de maladie.

 

Le costume du médecin de la peste : une invention parfumée

Ainsi, comment se protéger de cet air empoisonné ? Les médecins conseillent de se créer un véritable bouclier olfactif. Respirer d’autres odeurs empêcherait d’inhaler celle de la peste. Il était donc prescrit de s’asperger d’aromates, de faire bouillir du vinaigre, ou de faire brûler des herbes. Mieux encore, Ambroise Paré, fameux médecin du XVIe siècle, recommande de garder un bouc chez soi: « [l’odeur] du bouc ayant empli le lieu où il habite, empêche que l’air pestiféré n’y trouve place ».

 

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Les médecins de la peste, ne pouvant rester confinés chez eux auprès d’un bouc toute la durée de l’épidémie, devaient également se protéger des miasmes pestilentiels. Charles Delorme, médecin de Louis XIII, fut l’inventeur de la si reconnaissable tenue des « médecins becs ». Cette dernière, composée d’un accoutrement complet recouvrant la totalité du corps et du visage des médecins, a la particularité de présenter une cagoule avec un masque au bec d’oiseau. Pourquoi ce si long nez ? Contrairement aux croyances populaires, ce n’était pas simplement pour imposer le respect dû à la profession ni effrayer les passants. Dans ce bec étaient logées des éponges imbibées de parfums réputés pouvoir neutraliser le venin de l’air pestilentiel. Ainsi, on peut voir cet étonnant nez fumant dans la gravure de 1720 d’un médecin français de la peste : recouvert intégralement par son vêtement, perruque comprise, le médecin dispose également d’un cache-nez imposant d’où s’échappent des parfums permettant de le protéger des miasmes pestilentiels.

 

 

Concluons ce court bilan historique en rappelant qu’à l’image de l’attirail des médecins, les recommandations en temps d’épidémie ont également évolué : plutôt que de partir vite, aller loin et revenir tard, nous vous conseillons bien de rester chez vous. 

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