«Armes dissuasives» : l’illusion de la dénucléarisation
Publié le 28/02/2022
Les cinq pays membres du Conseil de sécurité (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni et France) se sont engagés lundi 3 janvier 2022 à « prévenir la poursuite de la dissémination » des armes nucléaires, dans une déclaration commune avant une conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération (TNP).
« Un monde exempt d’armes nucléaires », tels sont les mots de la présidence française, qui coordonne les travaux de ces pays depuis deux ans. Le contexte de cette prise de décision découle d’une volonté visant à péreniser la paix. En effet, dans le cadre de négociation avec l’Iran, soupçonné de vouloir se doter de la bombe atomique, ces cinq puissances nucléaires soulignent leur « volonté de travailler avec tous les États pour mettre en place un environnement de sécurité permettant d’accomplir davantage de progrès en matière de désarmement, avec pour objectif ultime un monde exempt d’armes nucléaires ».
Cette déclaration est publiée avant la tenue, prévue cette année sous l’égide de l’ONU, de la 10e Conférence d’examen des parties au Traité sur la non-prolifération (TNP), le traité international entré en vigueur en 1970 afin d’empêcher la propagation des armes nucléaires, dont 191 États en sont membres « Nous affirmons qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », affirment les cinq pays signataires. « Compte tenu des conséquences de grande ampleur qu’aurait l’emploi des armes nucléaires, nous affirmons également que celles-ci, tant qu’elles existent, doivent servir à des fins défensives, de dissuasion et de prévention de la guerre », ajoutent-ils. « Chacun d’entre nous entend maintenir et renforcer encore ses mesures nationales destinées à empêcher l’utilisation non autorisée ou non intentionnelle d’armes nucléaires », poursuit le texte. Une intention noble.
Réduire les « tensions »
Les 5 Etats considèrent cette décision comme une volonté de réduire les tensions. Un exemple qui résume l’objectif, est celui de la déclaration, à travers un communiqué, du ministère russe des Affaires étrangères : « Nous espérons que, dans les difficiles circonstances actuelles pour la sécurité internationale, l’approbation d’une telle déclaration politique contribuera à réduire le niveau des tensions internationales ». En outre, on peut également évoquer la déclaration du vice-ministre des Affaires Etrangères chinois Ma Zhaoxu considérant que cette décision « contribuera à accroître la confiance mutuelle et à remplacer la concurrence entre les grandes puissances par la coordination et la coopération ». « Accroître la confiance mutuelle », « coordination », « coopération ». Traduction : éviter le piège de Thucydide, théorisé par Graham T.Allison, qui évoque une situation où un pouvoir montant et de plus en plus puissant, provoque la peur au sein d’un autre pouvoir établi ce qui dégénère en guerre.
Les Occidentaux soupçonnent l’Iran de chercher à développer des lanceurs balistiques à longue portée capables d’emporter des charges conventionnelles ou nucléaires. Des négociations ont repris en décembre à Vienne pour relancer l’accord de 2015 sur son programme nucléaire (dont l’acronyme en anglais est JCPOA), devenu moribond après le retrait des États-Unis en 2018. Les signataires sont les cinq États juridiquement reconnus comme «dotés de l’arme nucléaire» par le TNP. Trois autres pays considérés comme détenteurs de la bombe atomique – Inde, Pakistan et Israël – sont non-signataires du TNP.
Un objectif, ou bien un rêve ?
Dans une perspective réaliste, les relations internationales reposent sur le rapport de force. La paix, n’est que précaire. Elle est possible grâce à un équilibre de puissance. Toutefois, la doctrine qui guide les instances internationales comme l’ONU, est une doctrine dite libérale. Autrement dit, l’objectif est la paix et le développement par la coopération des acteurs. Le désarmement découle ,par principe, de cette doctrine. Or, le paradoxe, c’est que l’arme nucléaire par ses capacités dissuasives, est probablement un outil de paix possible entre les nations. Dans une certaine mesure, enlever l’arme nucléaire c’est favoriser dans un sens un conflit sur le terrain. Une violence qui peut être évitée lorsque l’on dispose d’une telle arme au vu de sa capacité destructrice.
Évidemment, aucune nation n’est à l’abri de l’erreur stratégique d’un Etat qui pourrait un jour l’utiliser. Toutefois, la position des Etats principalement occidentaux, est délicate, pour ne pas dire difficile. Il est de plus en plus complexe d’interdire aux Etats de posséder une arme nucléaire (les exemples cités plus haut nous le prouvent). En revanche, on ne peut pas prendre le risque que certains Etats puissent en posséder pour des raisons stratégiques. A titre d’exemple, en ce qui nous concerne, on aimerait éviter l’image que l’on pourrait se faire si la Corée du Nord ou encore l’Iran détenait une telle arme dans la mesure où ces derniers ont développé un sentiment hostile vis à vis du monde occidental. Sans compter les éventuelles crises qui pourraient se dérouler au sein de leur région. Le dilemme est donc délicat, mais un monde sans arme nucléaire semble être utopique.
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