En 2023, 70 tonnes de cannabis ont été confisquées par les autorités françaises.

Une commission d’enquête du Sénat dresse le bilan du trafic de drogue en France. Après 6 mois d’enquête, les conclusions du rapport sur le narcotrafic sont alarmantes.

 

Une France « submergée ». C’est le constat sans appel que livre une commission d’enquête du Sénat sur « l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ». Déposé le 7 mai et rendu publique le 14, le rapport des sénateurs Jérôme Durain (PS) et Etienne Blanc (LR) établit un bilan désastreux. L’attaque du péage d’Incarville en mai est un symbole des moyens dont peuvent disposer certains réseaux de trafiquants. Selon le ministre de l’Economie, Bruno le Maire, cette économie parallèle représenterait au minimum 3,5 milliards d’euros.

 

Des répercussions mondiales douloureuses pour la France

Le narcotrafic mondial ne cesse de se transformer, s’adaptant aux efforts de lutte déployés par les autorités. L’émergence de nouvelles drogues synthétiques, ainsi que la banalisation des drogues dures telles que la cocaïne et l’héroïne, illustrent cette évolution. Selon le rapport, 219 millions de personnes, soit 4,3% de la population adulte mondiale ont consommé du cannabis en 2021. Les routes du trafic changent constamment, exploitant les failles des systèmes de surveillance internationaux.

 

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Les trafiquants se montrent de plus en plus ingénieux, devenant de véritables opérateurs économiques agiles et impitoyables. « Si la campagne connaissait bien la tournée du livreur de lait ou de pain, elle connaît aujourd’hui la tournée du dealer » pointe le rapport. Les techniques de blanchiment sont également en perpétuelle mutation, utilisant des systèmes comme le hawala (réseau informel de transfert de fonds) et les réseaux de la mafia chinoise.

 

Des moyens dérisoires pour lutter contre la menace

La lutte contre le narcotrafic est entravée par une coopération internationale, souvent inefficace. « Malgré d’indéniables réussites, notamment en Colombie, des blocages persistent avec des interlocuteurs, comme le Maroc et surtout Dubaï, dont la volonté de coopération contre le trafic de drogue est à tout le moins limitée ». Les initiatives globales manquent de coordination et de moyens, rendant difficile une réponse cohérente face à un phénomène mondial. Les services répressifs dans les territoires d’Outre-mer sont sous-dotés et obtiennent des résultats souvent décevants malgré leur implication.

Les ressources humaines et matérielles sont insuffisantes, laissant ces régions en première ligne sans réelle défense. Les services répressifs sur le territoire national sont mobilisés et investis, mais manquent cruellement de moyens. Pour les sénateurs, « l’incarcération des trafiquants de stupéfiants ne suffit plus, pour certains d’entre eux, à mettre un terme à leur activité délinquante. Le passage en prison est devenu un « risque du métier » […] qui ne nuira que très peu à leur carrière criminelle. »

 

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Les enquêtes sont ainsi ralenties par des ressources limitées, et l’autorité judiciaire est débordée malgré des renforts ponctuels. Les opérations de type « place nette » sont souvent perçues comme de la poudre aux yeux, ne s’attaquant pas aux racines du problème. 473 opérations de ce type ont été menées en 7 mois pour plusieurs dizaines de kilos de drogue (dont 40 kg de cocaïne) et quelques millions d’euros saisis pour un total de 50 000 policiers et gendarmes mobilisés selon le rapport.

Les failles juridiques permettent aux trafiquants de poursuivre leurs activités même en prison, et la corruption, difficile à détecter et à réprimer, complique encore la tâche. « La France a accumulé un préoccupant retard dans la prise en charge du risque de compromission de ses agents publics et privés ». Le blanchiment d’argent reste un défi majeur, avec des réglementations souvent dépassées par les techniques sophistiquées des trafiquants. La dispersion des responsabilités entre les différents niveaux de gouvernement et de services entrave une réponse unifiée et efficace. « La France n’a pas encore décidé du rôle qu’elle veut confier, sur le narcotrafic, à ses services de renseignement ».

 

Un besoin de fermeté

Pour faire face au narcotrafic, la France doit adopter une posture plus affirmée dans les concertations européennes et renforcer sa coopération internationale. « Il est notamment urgent d’agir de manière résolue auprès de l’émirat de Dubaï, désigné par un très grand nombre de policiers et de magistrats comme un havre pour les narcotrafiquants du haut du spectre ». Il est impératif de doter les territoires d’outre-mer des moyens nécessaires pour lutter efficacement contre le trafic de drogue, en leur fournissant des ressources humaines et matérielles adéquates. Les infrastructures portuaires, points névralgiques du trafic, doivent être sécurisées avec des technologies de pointe et une surveillance accrue.

 

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Il est nécessaire de rééquiper et de renforcer les services répressifs avec des moyens modernes pour lutter contre les trafiquants toujours plus ingénieux. Le renseignement, tant administratif que criminel, doit être reconnu et sanctuarisé pour anticiper et contrer les activités des narcotrafiquants. « La lutte contre le narcotrafic restera aveugle sans une véritable association des acteurs locaux que sont les maires et les bailleurs sociaux, dont le rôle de vigies doit être mieux mis en valeur. »

Le droit pénal et la procédure pénale nécessitent d’être adaptés aux réalités du narcotrafic, avec des mesures telles que la création d’un parquet national antistupéfiants (PNAST) et une protection accrue des informateurs. Une opposition implacable contre la corruption, avec des mesures fortes pour détecter et réprimer les dérives au sein même des institutions, est essentielle. Des contrôles rigoureux et des sanctions sévères sont indispensables pour lutter contre le blanchiment d’argent. La prévention doit devenir une priorité, avec des campagnes de sensibilisation pour lutter contre l’entrée des jeunes dans ce cycle infernal. Une vraie bataille culturelle !

 


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