Le Royaume-Uni, parfois surnommé « Perfide Albion », a toujours adopté une politique de retrait vis-à-vis du continent européen.

 

Les cris retentissent dans le crépuscule, le sang gicle sur l’herbe humide de la plaine, la bataille fait rage depuis l’aube. Les deux armées atteignent leurs limites, les hommes sont épuisés, ils piétinent les corps refroidis de leurs camarades et adversaires. La boucherie atteint un statu quo, aucun des deux camps n’arrive à prendre un avantage définitif.

Soudain la nouvelle tombe : Harold Godwinson est mort, transpercé d’une flèche en pleine tête. Elle se répand comme une trainée de poudre dans les rangs anglais. C’est la panique ! L’armée Saxonne se désorganise et finit d’être massacrée par les envahisseurs d’outre-Manche. Les deux frères du roi ont été tués plus tôt dans la journée, la lignée des Godwinson ne survivra pas à la fin du siècle.

 

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Guillaume, le Duc de Normandie, observe le champ de bataille d’un air satisfait. L’Angleterre est désormais à lui, et il le sait. Pour ses contemporains il ne sera plus jamais Guillaume « Le Bâtard », mais bien Guillaume « Le Conquérant », premier roi normand d’Angleterre.

En ce 14 octobre 1066, Guillaume de Normandie sort victorieux de la bataille d’Hastings, mettant fin à la domination des rois saxons sur l’Angleterre, la « Perfide Albion », et inaugurant pour le pays une période Normande de plus de trois siècles. Les conséquences de la Conquête sont incommensurables : posant les prémices de la Guerre de Cent ans, la modification du droit anglais sur le modèle normand, entraînant de fait l’entrée du royaume d’Angleterre sur la scène européenne, puis sa mise à l’écart bien des siècles plus tard.

 

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Malgré sa volonté affichée d’interférer dans les affaires continentales, l’Angleterre s’est toujours vue moquée ou regardée avec méfiance, en a découlé un esprit très indépendant du peuple anglais. De fait, si les Saxons lors de l’Âge d’Or Britannique ont eu la maîtrise des océans, la « Perfide Albion » n’a jamais réussi à prendre pied de manière définitive sur le continent.

 

L’Empire Plantagenet et la Guerre de Cent ans

Cet « empire » se forma par l’intelligence tactique et politique d’Henri II Plantagenet, descendant de Guillaume le Conquérant. Ce dernier naquit en 1133, fils de Geoffroy V comte d’Anjou et du Maine, et surtout Duc de Normandie (intégré au royaume Anglais). En 1151, à la mort de son père, Henri hérite d’un puissant territoire en Europe continentale, mais sa rivalité avec le roi de France Louis VII « Le Pieux » le pousse à chercher de nouvelles opportunités. Par son ascendance, il dispose d’une revendication légitime sur la couronne d’Angleterre, qui est tenue par Etienne de Blois, l’un de ses cousins également descendant du Conquérant. Le règne d’Etienne se passe mal, il n’arrive pas à affirmer son autorité sur les nobles anglo-normands, de plus la famine et les bandits ravagent le pays, achevant d’établir sa réputation de mauvais gouvernant. Henri, soutenu par les barons, décide de tenter sa chance et déclare la guerre à Etienne en intervenant dans la guerre civile anglaise (1135-1154).

 

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En 1153 la paix est signée avec le traité de Wallingford, où Etienne est contraint de reconnaitre Henri comme un potentiel successeur en l’adoptant. Coup de chance pour le Plantagenet, le fils biologique du roi, Eustache, vient de mourir. Son autre fils, Guillaume, ne s’intéresse guère au royaume, laissant Henri comme seul héritier. Le 25 octobre 1154, Etienne rend son dernier soupir, Henri est couronné roi d’Angleterre sous le nom d’Henri II. Entre temps, en 1152, Henri avait subtilement manœuvré pour épouser Aliénor d’Aquitaine, le « meilleur parti du royaume » selon les chroniqueurs de l’époque. Ce mariage apporta à la « Perfide Albion » encore un peu plus la haine du roi de France Louis VII, qui était l’époux précédent de la demoiselle, mais surtout apporta aux Plantagenet l’immense duché d’Aquitaine allant de l’Auvergne au Poitou en passant par la Gascogne. Ce fut un cataclysme pour le royaume de France, qui perdit presque la moitié de son territoire au profit de la couronne anglaise.

 

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Bien des années plus tard, en 1328, le roi d’Angleterre Edouard III revendique la couronne de France. Petit-fils de Philippe IV le Bel, c’est son bon droit puisque quelques années auparavant Louis X de France est mort sans héritier mâle. Cependant la noblesse française refuse de voir le roi d’Outre-Manche monter sur le trône, cela signifierait l’union des deux couronnes, et donc une perte de puissance de cette même noblesse. L’accroissement démographique et le manque de terres cultivables dans les Îles poussent Edouard III à déclarer la guerre au roi de France Philippe VI. C’est le début de la guerre de Cent Ans.

 

Fin de la Guerre de Cent Ans et période Moderne

L’Angleterre dominera jusqu’en 1429, année où Jeanne d’Arc fera son apparition et arrivera à reprendre les trois quarts des territoires anglais en France. Ne subsisteront que la Normandie et la Guyenne (petit reste du duché d’Aquitaine) qui seront respectivement reconquises avec les batailles de Formigny (1450) et de Castillon (1453), boutant définitivement les Anglais hors de France. Après 1450, la couronne d’Angleterre continuera à revendiquer le trône de France et le duché de Normandie (jusqu’en 1801), alors que les descendants de Guillaume et des Plantagenet se sont depuis longtemps éteints. Cependant, malgré ces revendications d’usage, l’Angleterre (à partir des Tudors – 1485) se refermera de plus en plus sur elle-même, concentrant ses efforts à la conquête des Îles Britanniques (Ecosse, Irlande, Pays de Galles) et non plus du continent.

 

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Le divorce définitif de la « Perfide Albion » avec l’Europe est très certainement l’acte d’Henri VIII Tudor (1509-1547) de se proclamer chef de l’Église anglaise, créant l’Anglicanisme, en rompant avec le Pape pour épouser sa maitresse Anne Boleyn. Isolé politiquement et religieusement, restant de marbre pendant les Guerres de Religion (XVIe – XVIIIe) qui déchirent le continent, le royaume va se tourner vers l’Outre-Mer, et construire au fil des années l’une des plus puissantes marines de l’Histoire, la Royal Navy. Enfin, quand l’Europe continentale connaîtra des empires terrestres, l’Angleterre misera tout sur ses colonies, c’est d’ailleurs l’une des raisons de la défaite de la France lors de la Guerre de Sept ans (1754 – 1763).

Pour finir, retenons Winston Churchill parlant à De Gaulle en pleine Seconde Guerre Mondiale : « Sachez-le, Général ! Chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous serons toujours pour le grand large ! ».

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