Avec Faux témoignages, le sociologue américain Rodney Stark ne « défend pas l’Eglise mais défend l’Histoire »

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Rodney Stark en conférence le 5 mai 2015 au Baylor ISR

Rodney Stark a enseigné la sociologie et les religions comparées à l’Université de Washington (Seattle) jusqu’en 2004. Il est désormais professeur de sciences sociales à l’Université Baylor au Texas. Il a commis L’essor du christianisme, traduit dans le monde entier. Avec son dernier livre intitulé Faux témoignages et sous-titré « Pour en finir avec les préjugés anticatholiques », l’auteur revient sur les légendes noires accusant le catholicisme.

 

Dans son introduction qui a pour titre « Confronter d’éminents sectaires », Rodney Stark explique avoir cru, comme tant d’autres, à l’opposition entre Christophe Colomb et l’Eglise Catholique romaine. On lui a enseigné que le célèbre navigateur génois avait découvert l’Amérique « contre l’opposition inflexible de prélats catholiques qui faisaient valoir des preuves bibliques selon lesquelles la Terre était plate ». Stark étant un homme honnête, préférant étudier loin des diktats idéologiques, a fini par comprendre que ses professeurs l’avaient égaré sur le plan historique et intellectuel. Ainsi, il confesse volontiers la pensée suivante dans son étude : « Quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris, des années plus tard, que cette description des raisons du conflit entre les conseillers catholiques et Colomb était mensongère ».

Si cette affaire était le seul mensonge à l’endroit du catholicisme et de la vérité historique, cela ne serait pas trop grave. Malheureusement, il en existe d’autres auxquels Stark tord le cou, comme le supposé antisémitisme de l’Eglise. L’auteur écrit : « Ce n’est que des années plus tard que j’ai réalisé à quel point l’Eglise Catholique s’était érigée contre la violence antisémite, bien que certains chrétiens aient souvent justifié leurs attaques contre les juifs en alléguant des motifs religieux ». Il ajoute à juste titre une idée importante : « L’Eglise n’a jamais enseigné que les juifs étaient exclus de l’amour de Dieu ».

Stark prend le soin de citer « la formule de l’éminente spécialiste E. Mary Smallwood qui explique que l’exclusivisme juif générait de l’impopularité qui, à son tour, générait de l’antisémitisme ». Stark écrit à raison « que le christianisme était en effet une abomination intolérable aux yeux des juifs pieux ». Il demeure important de comprendre « que les passages antijuifs que l’on trouve dans le Nouveau Testament doivent être interprétés comme étant simplement l’une des facettes d’un conflit religieux très violent. Ce qui a longtemps fait défaut, c’était des preuves solides de l’autre versant, d’expressions antichrétiennes méprisantes dans les sources juives, comme le Talmud… »

L’auteur s’attarde également sur les Évangiles en expliquant pour quelles raisons objectives les uns ont été retenus comme « canoniques », conformes au canon de la Foi, et d’autres isolés comme les « apocryphes ». En définitive, des polémistes élaborent des théories surprenantes visant à établir que des textes dits évangéliques subirent la destruction par la seule volonté de l’Eglise. Stark répond : « ces évangiles n’ont pas été réellement supprimés, mais plutôt écartés comme manifestement faux et remplis de non-sens ». Il poursuit son propos de manière très convaincante : « Depuis leur redécouverte, il apparaît clairement que les premiers Pères de l’Eglise ont cité les textes originaux, pour l’essentiel, mot pour mot, pensant sans doute qu’ils étaient si absurdes que les hérétiques seraient facilement réfutés par leurs propres paroles ». De fait, l’Eglise n’eût tiré aucun bénéfice à brûler des textes décrédibilisant leurs rédacteurs.

A propos des œuvres appelées « évangiles gnostiques », Stark estime que « la lecture honnête des principaux évangiles gnostiques révèle que, malgré quelques contenus chrétiens, il s’agit d’écritures fondamentalement païennes, qui correspondent ainsi précisément aux hérésies bizarres décrites par les Pères de l’Eglise ». Il rajoute, non sans malice, qu’il est « très significatif que des auteurs modernes aient si largement écrit sur ces textes sans jamais citer les doctrines centrales des évangiles gnostiques ». Là où il convient d’apporter de la clarté, des penseurs et des journalistes entretiennent volontairement des confusions dans le but de nuire au catholicisme.

Au sujet de la « persécution des païens tolérants » par les premiers chrétiens, Stark, qui s’appuie sur l’historien Peter Brown, souligne « que les communautés païennes très actives ont continué pendant des générations à mener une vie relativement paisible. Tout ce qui s’est passé en réalité et qu’elles ont glissé progressivement hors de l’histoire ». Toutefois, l’auteur, dans un souci constant de vérité historique, écrit bien « qu’il y a eu des attaques de chrétiens contre des païens, mais que le bilan global montre que durant la même période, des groupes païens ont aussi parfois attaqué des chrétiens. Ce qui est plus surprenant, c’est qu’en réalité, il y eut peu d’agressions de part et d’autre ».

De nos jours une réelle propagande sévit contre l’Eglise catholique, y compris en France dans le cadre de l’enseignement officiel. Stark pose le constat : « En résumé on peut dire que l’histoire occidentale a consisté en quatre époques majeures : l’Antiquité classique, l’Age sombre avec la prédominance de l’Eglise, la Renaissance et l’époque des Lumières qui frayèrent le chemin aux temps modernes ». Il stipule que « pendant plusieurs siècles, ce fut le principal schéma organisateur de tout manuel scolaire consacré à l’histoire occidentale, bien que des historiens sérieux aient su depuis des décennies que ce schéma était une totale supercherie ». Heureusement, notre époque permet l’apprentissage de l’histoire loin des partis pris tendancieux qui gâtent la vérité, grâce au recul des ans et à l’accès illimité aux sources dont nous disposons.

L’auteur continue sur sa lancée pour écrire qu’on peut « certes user du terme Renaissance pour caractériser une période particulière des arts, celle où l’on assista à un regain d’intérêt pour les styles classiques, et pour la distinguer du gothique et du baroque. Mais il n’est pas correct de l’appliquer à la renaissance du progrès intellectuel consécutif au sombre Moyen Âge, pour la simple raison que cet âge n’a jamais existé. Les encyclopédies sérieuses le considèrent maintenant comme un mythe ». Pour une excellente compréhension de l’Histoire, rappelons que ce sont les érudits chrétiens, bien avant la fameuse Renaissance, qui ont réintroduit la pensée classique par l’étude des philosophes grecs, notamment Aristote.

Stark décrit également les avancées techniques, agricoles, scientifiques introduites par les chrétiens d’alors. Ces passages sont véritablement fascinants car ils démontrent vraiment que nos ancêtres possédaient de grandes connaissances et une hauteur de vue peu commune au service du bien, du beau et du vrai. A l’aide de statistiques précises, il illustre le fait que la grande majorité des découvertes scientifiques sont l’œuvre de croyants (religieux ou laïcs), notamment catholiques… Il présente donc les rapports étroits entre le monde scientifique et l’Eglise catholique. Celle-ci, loin de combattre les scientifiques, encouragea plutôt leurs recherches.

L’auteur répond aux incriminations, toujours en s’appuyant sur des sources fiables, faisant de l’Eglise l’alliée des tyrans et l’ennemie de la liberté. Dans le même ordre d’idées, l’Eglise n’encouragea nullement l’esclavage mais, au contraire, elle fit tout son possible pour l’interdire ou à défaut en limiter les excès. Les textes de la hiérarchie catholique en la matière ne souffrent d’aucune contestation possible. L’auteur réfute toutes ces accusations et bien d’autres, qui à l’examen ne reposent sur aucun fondement historique sérieux.

En conséquence, Stark démonte aussi les mensonges à l’endroit de Pie XII qui « aurait été le Pape d’Hitler ». Il explique de manière pédagogique que beaucoup « semblent oublier que la campagne visant à établir un lien entre le Pape et Hitler a été initiée par l’Union soviétique, sans doute dans l’espoir de neutraliser le Vatican après la Seconde Guerre mondiale ». Pie XII et l’ensemble de la hiérarchie catholique, loin de se taire, agirent pour la paix et la défense des plus faibles au risque de se mettre en danger, comme le prouvent les Archives et tous les documents authentiques.

Dans cet ouvrage très pertinent, deux aspects majeurs se dégagent. Premièrement, la juste réplique aux « faux témoignages » regroupés sous l’appellation « légendes noires » ; secondement l’explication de la substitution des faits historiques par les mythes. Il est toujours fort utile et instructif de comprendre par quels mécanismes les fictions remplacent la réalité historique et deviennent des vérités enseignées se transformant en dogmes historiques. L’ouvrage de Rodney Stark est passionnant, pédagogique et extrêmement clair. Nous n’y trouvons pas de dénigrements gratuits ou méchants mais des réponses circonstanciées appuyées sur des faits historiques vérifiables par tous. Comme l’auteur le dit lui-même : « J’ai écrit ce livre non pour défendre l’Eglise, mais pour défendre l’Histoire… ».

 


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