REPORTAGE – Mobilisation pour l’Artsakh : «nous nous battrons jusqu’à la mort»
Publié le 03/10/2023
Plusieurs milliers d’arméniens étaient rassemblés à Bruxelles ce dimanche 1er octobre devant la Commission européenne pour exiger des sanctions à l’égard du régime de Bakou, accusé de génocide en Artsakh.
Ils sont venus de toute l’Europe défier les plus hautes instances de l’Union. En ce début d’automne, une clameur trouble le calme installé par la vacance dominicale des institutions européennes. Des milliers de membres de la diaspora arménienne, dont environ 2 500 franciliens, laissent éclater leur juste désespoir face à l’assourdissant silence émanant de la haute tour de verre qui abrite la Commission européenne, à Bruxelles. Le collectif « Europeans for Artsakh », lequel regroupe plus de 500 organisations arméniennes dans toute l’Europe, entendait alerter les responsables politiques avant le troisième sommet de la Communauté politique européenne prévu ce 5 octobre. Cette rencontre réunira Nikol Pashinyan, Premier ministre de la République d’Arménie et Ilham Aliyhev, président de la République d’Azerbaïdjan, en présence notamment d’Emmanuel Macron, de Charles Michel et d’Olaf Scholz.
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« Ils veulent nous supprimer mais nous nous battrons jusqu’à la mort »
Souvent entrecoupées par de dignes larmes, les paroles de la chanson d’ouverture du rassemblement ont été reprises tout l’après-midi par les membres de la communauté arménienne. Résolus, tous affichaient leur désespoir vis-à-vis de la situation catastrophique de plus de 100 000 habitants d’Artsakh (sur 120 000) que les troupes azéries ont poussé sur les routes ce mois-ci. Femmes, hommes et enfants déploient chants, slogans et drapeaux et demandent unanimement une chose : l’aide de l’Europe, jadis consciente d’être liée au premier royaume chrétien du monde.
« Je ne comprends pas » déclare le président des Arméniens de Belgique, Karen Tadevosyan à la lecture de la réponse faite à une lettre adressée il y a plus de deux mois à Josep Borrell, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères. Pour la foule, la « prise de note des mesures proposées » est aussi insuffisante qu’incompréhensible. L’inaction européenne laisse place, sur toutes les lèvres, au slogan « complicité européenne ». Partout, des groupes de manifestants agitent des pancartes, dont les messages se répondent : « L’Azerbaïdjan commet tous les jours des crimes de guerre » – « La communauté européenne se tait » – « Reconnaissez l’Artsakh ! ». Si le président de la République d’Azerbaïdjan Ilham Aliyhev est qualifié partout de « dictateur », de « criminel de guerre », de « terroriste » auteur d’un « nettoyage ethnique », ce sont bien les dirigeants de l’Union européenne et l’indifférence de la communauté internationale qui sont au centre de l’évènement.
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« Ils font couler le sang du peuple arménien en Artsakh »
Les organisateurs du rassemblement ont qualifié les dirigeants européens de « criminels » faisant « couler le sang du peuple arménien ». Une attitude générale de défiance envers le personnel politique de l’UE s’est bien vite installée, tel un ordre de marche. Sont notamment visés la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ainsi que Charles Michel, président du Conseil européen. Outre leur mutisme sur la situation, c’est l’achat par l’Union européenne de gaz azéri qui scandalise. Ce choix politique lié au conflit russo-ukrainien était le cœur de l’analyse de la situation par les différents intervenants, qui s’exprimaient devant une bannière portant l’inscription « Stop fueling the armenian genocide, cancel the gas deal, sanction Azerbaïdjan ».
Le message des différents intervenants montés à la tribune est clair : il enjoint les européens à l’action à l’encontre du régime azéri. « Nous nous tenons face aux institutions européennes pour soutenir nos compatriotes d’Artsakh, soumis à une dictature fasciste. Nous exigeons des sanctions de l’Union européenne à l’égard de Bakou et de sa politique génocidaire ».
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L’espoir d’une Nation, le devoir d’une Civilisation
Les femmes, ainsi que les jeunes hommes, sont les participants les plus investis dans ce rassemblement. Beaucoup nous font part d’histoires personnelles. Tous sont liés à la terre de leurs frères et de leurs ancêtres, déjà victimes en 1915 d’une entreprise génocidaire. « Nous ne voyons que trop peu de signaux en notre faveur. Chaque jour qui passe, une mauvaise nouvelle arrive », nous confie une étudiante de 19 ans, membre de la communauté arménienne du Val-de-Marne. Une seule solution semble s’offrir chez ces hommes et femmes : combattre, par tous les moyens, usant de toute échelle disponible, et préparer l’avenir. « Nous ne pouvons pas nous éteindre, nous n’en avons pas le droit. Nous devons nous battre pour que vivent nos enfants et la nation arménienne » clame une intervenante, fortement acclamée.
Une chose surprend lors de ce rassemblement : d’« Européens pour l’Artsakh » nous ne trouvons trace. Si la diaspora arménienne mêle tous les âges et toutes les citoyennetés européennes, les Européens restent très rares. C’est d’ailleurs le premier constat d’un manifestant belge, spontanément venu nous en entretenir et s’estimant « très surpris du manque de soutien, au moins par la présence, des français en général et des catholiques en particulier. C’est pourtant notre devoir d’Européens de venir soutenir ces gens ». Une mission humanitaire, la première depuis trente ans, a été dépêchée ce dimanche dans le Haut-Karabagh en vue de rendre compte des besoins des populations restantes.
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