Des troupes russes répètent pour le défilé annuel du 22 juin 1941 à Moscou. ©Mariano Mantel

Suite à son expérience d’occidentalisation, la Russie se sent flouée. Contrariée, elle se tourne vers une double politique : eurasienne et eurasiatique. L’idée eurasiatique vient du refus de l’occidentalisation de la Russie. Dès lors, les années 2000 marquent un renversement puisque l’autorité de l’Etat a été restaurée en Russie de manière non-libérale, l’unité de la Nation a été affermie, l’armée a été restructurée, la puissance russe a été rétablie.

 

En 1998, sous la présidence d’Ieltsine, les crises kosovares et irakiennes tendent peu à peu les relations entre la Maison blanche et le Kremlin. Ces conflits territoriaux, rendent compte d’une globalisation des enjeux du conflit puisqu’ils viennent se greffer sur les tensions mondiales.

 

La rupture entre l’Occident et la Russie

A cette époque, Moscou appuie la Serbie face aux sécessionnistes albanais soutenus par les Occidentaux. En 1997, selon le Stockholm international Peace Research Institute (SIPRI), la Russie exporte de l’armement vers la Serbie pour une valeur de 6 millions de dollars. De même, elle appuie la levée des sanctions datant de 1990-1991 sur l’Irak baasiste face aux Anglo-américains. Les désaccords se multiplient. Le problème de la base navale de Sébastopol et la flotte de la mer Noire concernant la Russie et l’Ukraine participent également aux désaccords entre l’Occident et la Russie.

Outre la symbolique de la ville, si la Russie n’a plus Sébastopol, elle ne sera plus une puissance méditerranéenne. C’est ainsi qu’elle conclue des traités bilatéraux dont un bail de location de la base de Sébastopol pour 20 ans. La chute du premier ministre ukrainien Ianoukovitch (pro-russe) en 2004 et l’arrivée d’Iouchtenko (pro-occidental) ainsi que la potentielle entrée de l’Ukraine dans l’OTAN augmentant ainsi l’avancée de l’Ouest à l’Est, change la donne. Comprenant l’expansionnisme européen, la Russie se recentre autour de l’Eurasie.

 

L’Organisation de Coopération de Shanghai

Les révolutions colorées suscitent des réactions défensives voire hostiles des autres républiques anciennement soviétiques. L’Iran et la Chine (RPC) suivent également ce mouvement à l’égard des Occidentaux favorisant ainsi la politique eurasiatique. La Russie participe à la création de l’Organisation de Coopération de Shanghai. (OCS.) qui s’institutionnalise en 2001. Du règlement frontalier et militaire, la tendance passe à la lutte contre l’islamisme, et à une forme d’alliance face à « l’ingérence occidental ». Pour exemple, l’Ouzbékistan qui a accueilli l’US Air Force sur son territoire et a adhéré au GUAM reprend ses distances avec l’Oncle Sam. Une voie que suit le Kirghizistan en 2014.

Concernant l’Iran, le tournant est intervenu avec la Pacte de Coopération Civil et Militaire du 16 mars 2001 avec la Russie. Celui-ci porte sur des ventes d’armes notamment, principalement des systèmes anti-aériens. Cela met fin à l’accord américano-russe du 23 septembre 1996, qui interdisait la livraison d’armements à Téhéran. En outre, la Russie lance depuis une de ses bases, le satellite SINAH 1 iranien en 2005. Avec l’accord nucléaire du 14 juillet 2015, la Russie couvre l’Iran au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, empêchant par son veto, des sanctions « collectives » onusiennes. Moscou substitue ainsi la politique eurasiatique incarnée par l’OCS à la politique pan-européenne ou pan-occidentale.

 

Importations de la Russie

La Russie cherche à gagner en puissance. Les exportations d’armes depuis le pays peuvent être un facteur d’un programme d’armement. L’achat des Mistral français en est un bon exemple. Les rapports effectués entre 1990-2020 par la SIPRI rendent compte que la plupart des importations russes d’armements proviennent de l’Ukraine, de la Tchéquie, et de l’Italie sur un total de 1 milliard de dollars en exportations (TIV) tout pays exportateur confondu sur cette période. Selon le rapport de SIPRI (TIVs), il n’y a pas d’importation de la Russie en matière d’armements des années 1990 jusqu’en 2006.[1]

C’est seulement à partir de cette dernière date que l’on voit les effets de l’effort russe dans l’armement. Cette modernisation est introduite par le président Dmitri Medvedev avec l’exportation de missiles, des anti-missiles, dans l’Aéronautique, le Cyberespace, l’espace extra-atmosphérique. Autrement dit, entre 1990 et 2020 (en 1992 et à partir de 2006), la Russie importe pour une valeur de près de 600 millions de dollars dédiés aux avions, 251 millions de dollars pour des moteurs, 100 millions de dollars pour des missiles, 60 millions de dollars pour des navires et 54 millions de dollars pour des véhicules blindés ; le tout en provenance de l’Ukraine majoritairement, de Tchéquie et de l’Italie.

 

Exportations de la Russie

Inversement, Moscou tente de se constituer un portefeuille de partenaires étrangers[2] dans le domaine de l’armement. Sur 30 ans (1990-2020), selon SIPRI, Moscou exporte pour une valeur de plus de 42,7 milliards de dollars à l’Inde, 37 milliards à la Chine,  12,7 milliards à l’Algérie, 7,3 milliards au Vietnam. Autrement dit, entre 1990 et 2020, les exportations totales d’armement russe ont dépassé les 150 milliards de dollars. Sur ce total, on constate que l’effort est vraiment effectué aux alentours des années 1999. Selon la valeur des exportations, la Russie devient ainsi le deuxième plus important vendeur d’armes au monde.[3]

Si les partenaires stratégiques se multiplient, et si parfois il s’agit de partenaires traditionnels de l’URSS[4] tels que la Chine et l’Inde (80% des ventes jusque dans les années 2000[5]) ou la Syrie et la Libye ; parfois ce sont d’anciens partenaires des Etats-Unis. C’est le cas de l’Amérique latine, des pays arabes, de l’Iran ou encore de la Malaisie entre 2006 et 2010. Dès lors le président Poutine développe l’idée d’une Russie hégémonique en Eurasie afin d’éviter l’explosion du pays par la montée d’idées indépendantistes.

La Fédération de Russie, construit donc une politique de puissance qui promeut l’unité panrusse de l’Eurasie. À cela s’oppose deux idées qu’elle rejette : l’ingérence de l’Occident et l’universalisme de ce dernier. Rejet qu’elle partage avec la Chine, soucieuse de ne pas oublier les traités inégaux, et la Turquie, soucieuse de ne pas oublier l’humiliation du traité de Sèvres. Constatant une montée en puissance eurasiatique menaçante pour les Etats-Unis et l’Occident en général ; la blessure humiliante laissée par les Occidentaux pèse encore dans les tensions actuelles.

 


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[1]A l’exception d’une importation provenant de la Pologne d’une valeur de 40 000 000$ dédiés aux navires en 1992.

[2] C’est le Président de la Fédération de Russie qui à la pleine main sur le tout. Pour ce tout, à part quelques exceptions, Rosoboronexport (ROE), est le seul et unique intermédiaire pour l’exportation et l’importation d’armement entre la Fédération de Russie et l’étranger. Elle détient le monopole pour la négociation des contrats d’armement sur le marché en particulier, celui de l’Amérique latine, du Moyen Orient, et de l’Asie ; c’est l’entremetteur pour les contrats internationaux quitte à être remise en cause pour l’industrie nationale.

[3] Il y a de nombreuses industries d’armements sur lesquelles l’Etat à la haute main. On le voit avec Russian Technologies puisqu’il y a notamment des Oboronprom (Russian helicopters, United Engine Corporation etc), Avtogaz, Kamaz, KBM, VSMPO-AVISMA, NIIPH, Orion, Radiopribor. Tandis que l‘Agence fédérale pour la gestion des biens d’Etat dispose de Sukhoi, Tupolev, Rac Mig, Irkut Cooporation, Tactical Missiles Corporation etc.

[4] russie-Rosoboronexport.pdf : « Le Vietnam, Cuba, Le Pérou, l’Inde, la Syrie, l’Algérie, l’Iran, la Chine, l’Irak et la Libye font partie de ces Etats. »

[5] Ibid.

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